C’est une bonne nouvelle pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Le 27 mai dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité, avec le soutien du gouvernement, une proposition de loi relative aux restrictions d’accès à certaines professions. Le combat n’est pas terminé, car ce texte doit encore être adopté définitivement.
Gardien de la paix, hôtesse de l’air, policier, aiguilleur de train, pompier, marin… jusqu’à présent, certains métiers étaient interdits par principe aux personnes atteintes notamment de maladies chroniques. Une discrimination basée sur l’état de santé, contre laquelle beaucoup d’associations se sont battues ardemment. Alors même que les traitements ont considérablement évolué ces dernières années, les patients diabétiques étaient confrontés à une double peine. En plus de leur maladie, ils ne pouvaient assouvir leurs rêves. À l’injustice de la maladie s’ajoute une discrimination. Rappelons que les personnes diabétiques représentent en France 4 millions de personnes. À l’heure actuelle, elles subissent des limitations dans l’accès à des métiers réglementés. La situation est pourtant en train d’évoluer, mais il reste beaucoup à faire.
Une victoire historique mais encore du chemin à parcourir
La Fédération Française des Diabétiques et l’Association des Jeunes Diabétiques se sont beaucoup battues contre ces réglementations obsolètes grâce à la publication de livres blancs, de campagnes de communication, de pétitions, de lettres ouvertes, de rencontres avec les ministères concernés… L’adoption de la proposition de loi, portée par la députée Agnès Firmin le Bodo, destinée à faire évoluer la donne est donc considérée comme une victoire majeure. Comme le déclarait Jean-François Thébaut, Vice-Président de la Fédération Française des Diabétiques, le 11 mai dernier lors d’une audition par la Commission des Affaires Sociales du Sénat : « Nous sommes en 2021 : il est plus que temps que le monde du travail ne soit plus hostile aux personnes touchées par une maladie chronique ! Chaque année, des dizaines de personnes diabétiques sollicitent notre aide. Il y a moins d’une semaine, notre juriste intervenait lors de la Commission ferroviaire d’aptitude pour défendre une victime supplémentaire de ces discriminations. La candidate a passé avec brio tous les entretiens pour obtenir le poste d’aiguilleur du rail. Pourtant, après 4 mois d’entretiens, en apprenant son diabète, le médecin l’a jugée inapte d’office. »
Se battre pour faire changer les règles…
Cette candidate n’est pas la seule « victime ». Citons le cas de trois autres patients, dont les témoignages ont été recueillis par la Fédération Française des Diabétiques. Alizée, 27 ans, sportive de haut niveau et championne de karaté est diabétique de type 1 depuis 8 ans. Elle rêvait d’intégrer les forces de police. De l’admissibilité à l’admission, les étapes sont jalonnées d’épreuves écrites, physiques, psychotechniques et orales. Elle les passe avec succès. Concours réussi donc, jusqu’à la visite médicale. Quand on lui demande si elle est diabétique, elle répond « oui ». Les médecins semblent enclins à la déclarer apte, sachant que son diabète est équilibré, mais ils sollicitent l’avis du médecin chef, qui s’y oppose de manière catégorique. Elle aurait pu faire appel de cette décision, ce qu’elle a fait, mais l’appel a été rejeté. Le recours juridique était la dernière solution. Pour ne pas avoir de regrets et pour aller jusqu’au bout de la démarche, elle a choisi cette option, comme elle le raconte sur le site de la Fédération des Diabétiques. Cela prend du temps de faire évoluer la donne, mais il faut rester concentré sur cet objectif.
… et prendre en compte les innovations thérapeutiques
Magali, 40 ans, aimerait, elle aussi, que la législation évolue, au vu des innovations technologiques et thérapeutiques. Pompier professionnel, elle a été diagnostiquée à 29 ans. Elle décide de le cacher au travail pendant deux ans, car à l’époque, elle élève seule sa fille : « je craignais de perdre mon travail, de ne plus être en mesure de subvenir à ses besoins. Puis cela est devenu trop dur à porter, et je n’avais pas envie de cacher ce que j’étais. J’ai sollicité un rendez-vous avec l’un des médecins du service médical, et je suis ressortie du bureau avec une inaptitude sur l’incendie. En quelques minutes, ma vie a basculé, car je n’étais plus vraiment pompier ». Elle frôle la dépression. Après la naissance de son second enfant, elle reprend le travail, mais le médecin-chef lui annonce que sa carrière est terminée chez les pompiers. Quand elle lui précise qu’elle souhaite passer le concours d’officier, il répond qu’il ne peut l’en empêcher mais qu’elle ne sera jamais recrutée dans le département. Elle poursuit son projet et est admise au concours interne de Lieutenant de sapeur-pompier, puis nommée Capitaine sapeur-pompier professionnel avec toutes les aptitudes opérationnelles, y compris l’aptitude incendie. Elle en est convaincue : la persévérance et la détermination finissent par payer !
Quand la reconversion est la seule issue
Yoann, 32 ans, a dû quant à lui changer de métier. Depuis toujours, il rêvait d’être officier de gendarmerie : « ce métier était une évidence pour moi, j’avais fait une formation, perdu du poids… ». Suite à des troubles, il consulte et le diagnostic tombe en novembre 2017. « Le médecin de l’antenne du département m’a retiré le port de l’arme et le permis militaire et m’interdisait de sortir de la caserne pendant les heures de service. Ma hiérarchie, bien que satisfaite de moi, ne pouvait faire grand-chose d’un gendarme sans arme ni autorisation de sortie. Personnellement, j’ai vécu comme un affront et une humiliation d’être considéré comme non opérationnel », témoigne-t-il. Yoann s’est alors interrogé sur les alternatives professionnelles, une question qu’il ne s’était jamais posée avant. Il a finalement trouvé un emploi au sein de l’URSSAF.
La réglementation évolue plus vite ailleurs
Aujourd’hui, les dispositifs d’auto-surveillance glycémique permettent de se contrôler de façon plus précise et efficace qu’avant, si bien que les personnes diabétiques sont capables de tenir la plupart des emplois. D’autres pays leur ont d’ores et déjà permis d’accéder à ces professions encore interdites en France. Au Canada, il est possible d’être pilote de ligne quand on est diabétique à condition de voler avec un copilote et de surveiller sa glycémie avant chaque vol, toutes les heures en vol et 30 minutes avant l’atterrissage. Au Royaume-Uni, depuis 2012, les pilotes qualifiés et les aiguilleurs du ciel atteints de diabète peuvent effectuer toutes les tâches d’exploitation. Aux États-Unis, une personne diabétique de type 1 ou 2 peut exercer en tant que pompier sous réserve de respecter un certain nombre de critères médicaux.
M-FR-00005484-1.0 – Etabli en novembre 2021