« Il faut comprendre les patients sans jamais les juger »

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« Il faut comprendre les patients sans jamais les juger »

Céline Gommard est infirmière à la clinique du Pré au Mans. La détresse des patients, elle l’observe au quotidien. Face à cela, un seul mot d’ordre : l’humanité.

« Les sentiments des patients sont généralement assez conflictuels. Ceux que j’accompagne ont des plaies importantes, et la cicatrisation se compte souvent en mois. Ils peuvent passer d’un espoir démesuré à un désespoir profond. Il arrive même qu’ils éprouvent un sentiment de persécution de la part des soignants », explique-t-elle. Face à cela, il faut trouver sa place et pouvoir les accompagner. Cela suppose de faire équipe avec eux parce que les patients ne disent pas tout : « ils nous cachent la vérité parce qu’ils savent très bien qu’ils font des choses pas toujours conseillées. Il est essentiel d’établir avec eux une relation de confiance et de proposer des ajustements afin de modifier les éventuelles habitudes néfastes pour sa santé, en priorité le tabac et l’alcool ».

Il y a quelques années, Céline était fière d’avoir obtenu d’un patient qu’il marche davantage : « je lui avais conseillé d’aller trois fois au village prendre son pain, son journal et son petit café, ce qui représentait trois km par jour ». Sauf que, quelques semaines après, elle apprend qu’il ne buvait pas un petit café au troquet du coin, mais un ballon de rouge si bien que sa consommation avait été multipliée par trois.

« Evitons de juger les pratiques de nos patients qui font parfois le contraire de ce qu’on leur conseille. La dérision et l’humour sont de fabuleux outils. Je retrouve systématiquement l’une des mes patientes diabétiques à la cafétéria avec son croissant. Plutôt que la houspiller, je lui dit des choses comme « Je ne savais pas qu’à la cafétéria, on faisait des croissants sans sucre ».

Cela lui permet de faire passer le message qu’elle ne juge pas, mais que ce n’est pas recommandé.

Les infirmières jouent un rôle déterminant pour pallier le manque de temps et parfois d’écoute des médecins. Si le patient comprend bien sa maladie, il pourra tenter de mieux l’accepter pour, on l’espère, mieux s’impliquer dans son suivi de soins.

« La communication verbale est déterminante. Il n’y a pas une liste de mots magiques, mais plutôt de bonnes attitudes à adopter. J’aime avoir l’opinion du patient par rapport au protocole, et considérer ses désaccords afin de pouvoir négocier avec lui pour lui en faire mieux accepter certains aspects »,

explique Céline.

Elle cite le cas d’une patiente, pour laquelle ce qui était primordial était d’aller au marché le jeudi matin, si bien qu’elle n’envisageait pas d’attendre l’infirmière toute la matinée. « Je lui ai donné la permission d’y aller, si bien que le pansement était refait tous les jours sauf ce jour là. Elle a beaucoup mieux accepté les soins car ce qui était important était respecté », précise l’infirmière.

Elle insiste aussi sur l’importance d’être très explicite vis a vis des patients, pour ne pas les perdre dans un jargon trop technique : « plutôt que de parler d’hyperkératose, on évoquera la corne. En lieu et place d’un exsudat, mieux vaut parler d’écoulement. Nos explications doivent être simplifiées pour être aussi limpides que possible ». A ses yeux, il faut être honnête et factuel. Ni trop positif, ni trop négatif et surtout pas plein de certitudes.

Elle recommande aussi d’avouer quand on n’a pas de réponses et de protéger la cohérence de l’équipe, car le patient entend tout alors qu’il faut justement gagner sa confiance. A ce sujet, la communication non verbale est cruciale : « essayons au maximum de contenir nos réactions de surprise, de désaccord. Notre message est surtout porté par le langage corporel, par notre visage, par le ton de notre voix. Au final, les mots ne représentent que 7 % du message ». D’où l’intérêt de s’interroger sur son attitude, sa tonalité vocale, les expressions de son visage. « On est souvent au-dessus d’eux. Le fait de monter la table non seulement préserve notre dos mais cela nous permet aussi de les mettre à la même hauteur que nous ; ils existent ». Il y a plus de sincérité. Le toucher est aussi important, a fortiori pour une annonce difficile : « on est à côté du patient, on a la main sur son épaule et on lui dit : on est avec vous ». Un soutien indispensable et précieux !