Les patients s’engagent

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Les patients s’engagent

Recenser des projets exemplaires menés par des patients, c’est l’objet de la plateforme « les patients s’engagent » initiée par Anne Schweighofer, et portée par l’association Aider à Aider. L’objectif : mettre en lumière et partager l’engagement des patients, tout en capitalisant sur les facteurs de succès. Et surtout montrer qu’ils peuvent contribuer à améliorer l’offre de soins.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de lancer cette plateforme ? Quelle en est la genèse ?

Biologiste de formation, j’ai complété ma formation par un Master marketing. J’ai mené des actions humanitaires pendant des années, en tant que chef de mission pour la Croix Rouge. A ce titre, je montais des projets santé dans des centres de traitements ambulatoires en Asie, pour les personnes vivant avec le VIH. Il y avait déjà, dans les années 2000, des patients qui occupaient des postes de « médiateurs de santé pairs ». Je trouvais pertinent d’avoir dans les équipes de soins, aux côtés des psychologues, des médecins, des infirmiers, et des soignants, des patients pour aider leurs pairs car qui mieux qu’eux savent ce que c’est de vivre avec une maladie chronique. Quand je suis rentrée en France, j’ai été atteinte d’un cancer métastatique. A mon tour, j’ai voulu transformer cette expérience en expertise. J’ai ainsi rejoint la fondation de France en tant qu’instructrice, ce qui m’a permis d’expertiser des projets formidables. Cela m’a donné envie de développer mon agence : Patient Conseil. Au fur et à mesure de mes missions, j’ai été de plus en plus en contact avec des patients à l’origine de Projets innovants qui visent à améliorer le soin. Toutes sortes d’initiatives extrêmement utiles à la communauté. J’avais en tête depuis longtemps de partager ces expériences. L’an dernier, au début du confinement, nous avons monté un collectif de patients : « la ligne C », qui nous a permis d’écouter et d’orienter les personnes vivant avec des maladies chroniques pendant la pandémie, avec le soutien de SOS SIDA. J’ai pu mesurer la force du collectif. Le projet « les patients s’engagent » en est la suite logique.

A qui s’adresse votre plateforme et quel en est l’objectif ?

Elle s’adresse aux acteurs de santé, et en particulier aux patients, aux aidants, aux professionnels de santé et au grand public.  Nous avons voulu valoriser les solutions pertinentes déployées par les patients pour répondre à leurs besoins et ceux des autres personnes atteintes d’une maladie chronique. Ils sont très actifs et c’est une vraie force de monter ces projets, lesquels sont utiles pour la communauté.  La plateforme est née d’une volonté de partage, de transmission et aussi d’exemplarité. Au sens où certains patients pourraient se dire : « si d’autres le font, je peux le faire aussi ». Ce que font les patients, c’est de l’innovation dans la mesure où ils s’interrogent sur la façon de transformer le système de santé. Pour les aider, nous avons initié un onglet « appel à projets » qui leur permet de trouver des financements car c’est souvent le frein principal. Nous avons aussi un onglet « formation » destiné à recenser l’offre. Nous sommes en train de développer un agenda avec différents webinar et événements. Nous souhaitons devenir un lieu de rencontres et de partage.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué, touché ou ému ?

Très difficile de le dire car tous me plaisent. Les gens ont des idées extraordinaires et développent des solutions très pratiques. Par exemple, nous partageons ces jours-ci l’histoire d’une patiente qui fait de l’eczéma chronique et qui ne peut plus s’habiller si bien qu’elle développe des vêtements adaptés à sa pathologie.

Quels sont les facteurs de réussite de ces différents projets selon vous ?

Cette question va précisément faire l’objet d’une étude. Lors de nos comités de pilotage, nous sélectionnons des projets menés par des patients que nous souhaitons rencontrer et interviewer. Le critère de sélection principal, c’est « un patient, un projet ». Qu’il s’agisse d’éducation thérapeutique, d’une implication en tant que représentant des usagers … le projet doit nécessairement être à l’initiative du patient ou de l’aidant. Selon moi, l’un des critères de réussite des projets menés, c’est que le patient soit considéré comme un professionnel, de la même manière qu’un membre de l’équipe.

Pour mener à bien votre projet, vous avez choisi la voie des partenariats…

Absolument. Nous sommes portés par l’association Aider à Aider créée par Damien Dubois avec d’autres acteurs associatifs. L’objectif de ce hub inter-associatif est d’optimiser les actions des plus de 1500 associations de patients en cancérologie en s’adaptant à leurs envies, leurs besoins, dans une démarche d’empowerment associatif et de renforcement de la démocratie en santé. Concrètement, il propose une série d’outils en ligne et hors ligne et est en train de s’ouvrir aux autres pathologies. Aider à aider a pour vocation d’aider les autres associations, en créant une plateforme d’échanges, et en permettant aux patients de savoir « qui fait quoi et à quel endroit », tout en cherchant à mutualiser les moyens pour éviter que tout le monde fasse la même chose. Nous avons monté ensemble un partenariat. Pour la première fois, une plateforme numérique rassemble le privé, le public, l’institutionnel… C’était notre vocation. Notre COPIL réunit Éric Salat (Patient Advocacy Adviser), Dominique Thirry (fondatrice de Juris Santé), Dr Albane Pariset. Nous nous sommes aussi rapprochés du laboratoire Roche et d’autres partenaires pour développer notre projet. Nous avons la chance d’être également en discussion avec des hôpitaux. Ils sont très intéressés par notre plateforme car ils pensent que les patients, les aidants et les usagers sont facteurs d’innovations dans les établissements de soin.

Pour les personnes qui sont atteintes d’une maladie, le fait de développer ces projets j’imagine que ça ouvre des horizons, des perspectives et que ça permet de « sublimer » une maladie.

Quand on est touché par une maladie, on passe du statut d’individu à celui de patient, si bien qu’on perd son utilité sociale. Il s’agit de reprendre un rôle dans la société car la maladie affecte beaucoup la vie sociale et professionnelle. Je parlerais donc plutôt de rétablissement que de sublimation en fait. En effet, aller vers des projets est un facteur de rétablissement. Cela a été le cas pour moi. Ces projets sont facteurs de rétablissement car ils permettent de se projeter de nouveau dans la vie professionnelle, qu’on agisse bénévolement ou pas.

Pour conclure, comment les patients peuvent-ils contribuer à améliorer l’offre de soins ?

Patient-expert, patient partenaire, médiateur de santé pair, patient ressource, formateur, salarié dans les associations, bénévoles, autant d’expressions désignant la reconnaissance et la valorisation de l’expérience des patients et l’engagement patient. En effet, ces usagers et leurs aidants montent des projets pour accompagner d’autres patients, améliorer le soin, participer à la recherche ou pour former des soignants. Plus qu’un nouveau métier, la professionnalisation des patients témoigne de mutations importantes dans la relation soignants/soignés et de la progression de la démocratie sanitaire en France.

 

M-FR-00004906-1.0 – Etabli en août 2021