Amputée à cause d’une méningite

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Amputée à cause d’une méningite

En janvier dernier, la vie d’Emily et de ses proches bascule. La jeune femme de 18 ans a contracté une méningite. Hospitalisée, placée sous coma artificiel, elle va devoir subir une amputation. Son courage et sa détermination forcent l’admiration. Quant à ses proches, ils ont été très à la hauteur. Récit…

Tout avait pourtant bien commencé. Un dîner en famille autour d’un repas asiatique. Mais dans la nuit, Emily ne se sent pas bien. Idem toute la journée du lendemain. Inquiète, Annick, sa maman contacte les médecins. C’est un samedi et personne n’est facilement joignable. On lui dit de ne pas s’inquiéter. Mais les symptômes ne disparaissent pas. Ils ont même tendance à s’aggraver. Diarrhées, forte fièvre puis température très basse, lèvres violettes… Annick appelle alors le 15. Emily est amenée aux urgences et rapidement prise en charge. On fait comprendre aux parents que c’est très grave et qu’Emily va être mise sous coma.

« C’est surtout un ongle bleu sur un orteil qui les a alertés. J’ai appelé mon mari pour qu’il me rejoigne. Nous étions tremblants l’un et l’autre, impuissants et avons dû dire « au revoir » à notre enfant en lui cachant nos larmes afin d’éviter de l’alarmer. Nous sommes rentrés chez nous, très inquiets, suspendus à nos téléphones », raconte-t-elle.

Très vite, l’état d’Emily se dégrade. Des tâches pourpres s’étendent rapidement sur les membres. Le diagnostic de purpura fulminans est posé. Les reins et la rate sont nécrosés. Le dimanche suivant, à 10 h du matin, Emily va très mal et les médecins décident l’amputation des membres inférieurs afin de sauver sa vie. Annick raconte qu’elle voit les heures passer sans avoir de nouvelles. Elle appelle l’hôpital, mais personne ne répond. Impossible d’avoir des informations.

« On a fini par penser que nos téléphones ne marchaient pas et avons demandé à nos familles de nous appeler pour tester, mais tout fonctionnait bien alors on a pris la route de l’hôpital. Nous sommes arrivés au service de réanimation. Il y avait des ordinateurs partout, ce qui nous donnait l’impression d’être dans une tour de contrôle. Quand j’ai vu ma gamine sur son lit avec des couleurs aux joues, j’étais aux anges de la voir vivante ! Mais en même temps, j’ai également vu qu’elle avait été amputée plus que je ne l’aurais cru et plus que les médecins ne l’avaient dit. J’ai eu une syncope. »

Annick commence une crise d’asthme, se sent mal et doit être ventilée. Quand elle retrouve ses esprits, elle découvre que le standard de l’établissement est tombé en panne, et que c’est la raison pour laquelle elle n’avait aucune nouvelle.

Plus de jambes, et une inquiétude pour les mains

Elle poursuit : « Mon mari n’a pas supporté ce qui était en train de se passer, il n’a pas arrêté de pleurer, moi je me suis dit qu’elle restait ma fille, et qu’elle était en vie. Le rein d’Emily était une source d’inquiétude aussi. Elle a été en dialyse pratiquement tous les jours. Les médecins m’ont précisé qu’il y avait un gros risque aussi au niveau des mains qui étaient ensanglantées, avec des ongles qui étaient en train de pourrir. Je craignais beaucoup qu’elle ne doive être amputée de cette partie là aussi. Emily avait de belles mains. Elle vernissait ses ongles et mettait des bagues. Je me suis demandée : comment va-t-elle faire, elle qui est si coquette, pour se coiffer, pour se maquiller… Comment fera-t-elle pour communiquer avec ses amis si elle ne peut plus pianoter sur son smartphone ? Comment fera-t-elle pour prendre ses cours si elle ne peut plus taper au niveau de son ordinateur ? Et je me suis mise à prier ».

Finalement, les mains ont été sauvées. Les doigts sont encore rétractés mais en train de s’assouplir. La kinésithérapie fait des merveilles. Certes, elle ne peut pas encore bien tenir les objets mais elle peut manger toute seule avec des couverts adaptés. Et elle peut recommencer à pianoter sur son téléphone. L’ergothérapeute a installé de petits dispositifs médicaux sur ses pinceaux de maquillage, elle peut ouvrir des portes…
Quand elle a été réveillée, elle a dit que ses jambes, ce n’était pas sa priorité numéro un, mais que ce qu’elle voulait, c’était pouvoir passer ses partiels !

Une force exceptionnelle

Un sérieux et un courage qui force l’admiration ! Et qui fut une sorte de modèle aussi ! « Mon mari me disait qu’il se sentait lâche car il craignait de ne pouvoir supporter le désespoir d’Emily ». « Je ne vais pas pouvoir la regarder dans les yeux sans me mettre à pleurer, sans m’effondrer », disait-il. Quand on a expliqué à notre fille qu’on avait du sacrifier ses jambes pour qu’elle reste en vie , sinon, la gangrène aurait arrêté son cœur, la jeune femme a hoché la tête. Intubée, elle ne pouvait pas parler.

« Je craignais qu’elle ne comprenne pas bien, car elle venait juste de se réveiller, et qu’elle était encore sous l’effet de drogues. L’information lui a été répétée à plusieurs reprises, car elle était somnolente sous l’effet des calmants. Quand elle a pu parler par la suite, elle m’a dit qu’elle savait qu’elle n’avait plus ses jambes parce que je pense qu’elle entendait les praticiens parler autour d’elle. Pendant son coma, elle se voyait recevoir des coups de couteau. Elle entendait des bruits de scie et elle a eu conscience qu’on l’amputait. Par la suite, elle a été rassurée de savoir qu’elle aurait de nouvelles jambes et qu’elle pourrait remarcher. »

Il faut que ses membres cicatrisent avant qu’elle puisse être appareillée. Les moulages des prothèses vont pouvoir commencer. Pour le moment, elle se déplace en fauteuil électronique parce qu’elle n’a pas encore la maîtrise totale de ses doigts. Parce que les médecins lui avaient dit que les patients entendaient sous coma, Annick est allée tous les jours parler à sa fille pour lui redonner de la force et le courage de se battre :

Je lui disais, ma puce n’abandonne pas, ne nous abandonne pas ! et je voyais que les paupières bougeaient ce qui me donnait de l’espoir. Par la suite, elle m’a dit qu’elle entendait ma voix.

Les premiers temps, Annick est restée auprès de sa fille, d’abord dans un fauteuil, puis dans un lit à côté d’Emily, laquelle faisait beaucoup de cauchemars. Emily est restée 6 semaines en réanimation et poursuit sa rééducation. Les reins se sont remis à fonctionner, mais la rate est complètement détruite, si bien que les membres peuvent mettre plus de temps à cicatriser. N’en ayant plus, elle est sujette à plus d’infections.

Positive et enthousiaste

Les méningites à méningocoques sont des infections bactériennes. Ces bactéries peuvent toucher les méninges et on parle alors de méningites. Elles peuvent également pénétrer dans la circulation sanguine et provoquer une infection généralisée, ou septicémie à méningocoque dont la forme la plus grave est le purpura fulminans.
Emily pèse à peine 40 kilos. Elle est dénutrie, mais totalement solaire.

« Elle est positive, enthousiaste, et a réussi à se faire des amis pendant ses séjours en rééducation. Même si elle a des moments de découragement, elle reste combative et déterminée. Elle a pû passer ses partiels d’Ecole de Commerce à l’hôpital et même s’il lui faut apprendre à faire le deuil de sa vie d’avant, les rêves sont les mêmes et elle est déterminée à les réaliser, quels que soient les obstacles à franchir et les regards à affronter. Parce que bien évidemment, elle n’assume pas toujours l’image de la personne en situation de handicap qu’elle renvoie et elle craint d’être parfois considérée comme un « robot » à cause de ses prothèses, tout en disant que c’est futile de penser ainsi car elle a conservé sa vie », raconte Annick, fascinée par la résilience de sa fille.

Des proches à la hauteur

Tous les proches (famille, amis, collègues, voisins) ont été présents et à la hauteur. À commencer par le petit ami d’Emily : « Je ne le connaissais pas car leur rencontre était récente. C’était son premier vrai amoureux, et elle nous avait caché son existence. Heureusement qu’elle m’en avait parlé 3 jours avant que tout cela arrive. Elle m’avait montré une photo si bien que je l’ai reconnu quand il est arrivé le premier jour aux urgences. Il s’est confié aux infirmières, en pleurs tellement il a eu peur. Par la suite, il est venu tous les jours. Ce gamin est fantastique, il lui dit qu’il l’aime et qu’elle est précieuse. Qu’elle représente tout pour lui et qu’avec ou sans jambes, il ne voit pas de différence. »

Clémentine, sa petite sœur, a aussi été très digne. « Elle est suivie par un psychologue car elle ne va pas très bien, et subit comme nous, des ascenseurs émotionnels. Elle a développé une sorte de phobie scolaire mais se montre extrêmement aidante et aimante. Les rôles se sont inversés, c’est elle qui devient la grande sœur, s’occupe des pansements, et de la douche car il a fallu faire des aménagements. Emily n’ayant pas tous les dispositifs qu’elle avait à l’hôpital, il faut l’aider parce qu’elle ne peut pas encore bien saisir le pommeau pour se laver et se shampooiner », souligne Annick.

Loïck, le grand frère (21 ans) est resté plus silencieux tout en se montrant extrêmement brave. Il a été très affecté et a eu tendance à s’éloigner (il a emménagé avec sa petite amie), pour se protéger dans une certaine mesure, tout en étant présent chaque fois qu’il l’a fallu. « Il s’est trouvé tellement désarmé. Il est d’une nature plutôt optimiste, mais n’arrivait plus à donner le change, à trouver les mots vis-à-vis de sa sœur. Toutefois, il a été le premier à la rassurer sur ses capacités à remarcher et à expliquer les différents procédés au niveau des prothèses », explique Annick.

Sensibiliser aux symptômes

Ce que la famille souhaite avant tout, c’est une meilleure information et une sensibilisation aux symptômes de la méningite. « Cette maladie étant imprévisible et foudroyante, il faudrait communiquer sur la prévention vaccinale. Et ce d’autant qu’il semble y avoir eu pléthore de cas ces derniers mois. J’aurais aimé être mieux informée. En général, on parle de nuque raide, mais ce n’était pas le cas, et j’ai pensé que c’était la grippe. J’ai beaucoup culpabilisé… Il faut que les recommandations soient revues et élargies », conclut-elle.

M-FR-00009318-1.0 – Établi en juillet 2023