Il y a les patients qui acceptent la maladie et ceux qui ne l’accepteront jamais. Qu’est ce que cela change ? Finalement, peut-être bien davantage que ce que l’on pourrait imaginer…
« Fucking SEP ». Le terme peut paraître vulgaire, mais c’est ainsi que Julia désigne sa sclérose en plaques. Pas question pour elle de l’accepter. Elle la hait et explique à qui veut l’entendre à quel point cette maladie lui a gâché la vie. Il faut reconnaître que pour cette jeune femme de 32 ans qui aimait courir, danser, voyager… le quotidien est devenu compliqué.
Mon existence n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était. Je peine à rencontrer des garçons qui acceptent ma réalité. Et j’ai dû choisir un travail moins intéressant, mais plus compatible avec mes raideurs. Jamais je n’accepterai ma SEP. C’est trop m’en demander.
Sa sclérose en plaques lui est tombée dessus il y a quatre ans, et depuis, elle se bat au quotidien pour retrouver goût à la vie. « Je me suis coupée d’un grand nombre d’amis qui ne savaient pas trop comment réagir et avec lesquels je ne me trouvais plus rien en commun », ajoute Julia. Lors des dernières vacances d’hiver, elle a tenté de remonter sur des skis. Coup de grâce. Impossible de descendre une piste, elle qui avait même été monitrice pour gagner de l’argent de poche pendant quelques saisons. De même qu’elle a dû réapprendre à marcher, il lui faudra désormais réapprendre à slalomer. Si elle en a le courage, car la vie, elle la voit souvent en gris. « Comment lui jeter la pierre ? raconte sa sœur. Julia est souvent sujette à la déprime, mais nous avons toutes et tous nos propres façons de réagir face aux épreuves ».
Rejeter ou faire alliance
Et c’est bien là toute la question. En effet, il y a les patients qui sont dans le rejet intégral de leur maladie et qui exècrent leurs souffrances. Et ceux, qui, sans aimer ce qu’ils subissent, font le pari de faire alliance avec leur destin. Céline fait partie de ceux-là. Atteinte d’une BPCO, elle aussi a été contrainte de repenser son quotidien.
Assez rapidement, après les traditionnelles réactions de sidération et de déni, j’ai choisi la phase d’acceptation. Je pars du principe que la maladie est là, que je n’y suis pour rien et surtout que je ne peux rien faire de plus que de tenter de prendre soin de moi. Cela ne veut pas dire que je ne souffre pas, mais j’ai l’impression que le fait de composer au mieux avec ma pathologie me rend l’existence moins pénible que de la haïr chaque jour.
Elle a choisi de faire confiance. À la vie, à la science et à ceux qu’elle aime. Céline a conscience qu’il y a des choses sur lesquelles on a le pouvoir d’agir, et d’autres pas. Et que le fait de se mettre en colère contre ces dernières lui prend beaucoup d’énergie en vain. Elle sait aussi qu’elle a une certaine chance de voir les choses ainsi et que ce n’est pas donné à tout le monde. Car de la même façon que nous ne sommes pas égaux face à la douleur, nous n’avons pas tous le même regard sur des éléments extérieurs qui viennent impacter négativement notre existence.
L’œil d’une psy sur le sujet
Mais, même si on en a envie, peut-on vraiment « accepter » sa maladie ? Et surtout faut-il l’accepter ? « L’un de mes amis oncologues a observé qu’il y avait plusieurs types de patients : ceux qui disent quand on leur dévoile le diagnostic de cancer qu’il n’est pas question que la maladie gâche ce qu’il leur reste à vivre et qu’il faut vite les traiter. Ceux qui sont désespérés en notant que leur vie ne serait plus jamais la même. Et puis ceux qui décident de voir l’épreuve comme une seconde chance pour mieux savourer ce qu’ils ont et l’abondance dans laquelle ils vivent, sur le plan matériel ou affectif », observe Ariane Calvo, psychologue.
À ses yeux, ce n’est pas toujours l’acceptation qui aide. Ne pas accepter aide aussi. L’exemple de Julia est éloquent à ce sujet : pas envisageable pour elle de finir en chaise roulante, et pour l’éviter, elle fait 9h de sport par semaine malgré ses difficultés. « En revanche, précise Ariane Calvo, il ne faut pas sombrer dans un déni, qui conduirait, par manque de conscience de ses limites, à faire des choses un peu inconscientes, et à se mettre ainsi en danger ». Les patients qui s’en sortent le mieux sont souvent ceux qui savent que ce qui leur arrive est extrêmement grave, mais qui parviennent à l’isoler dans le psychisme quelque part où cela ne les empêche pas de fonctionner. « Ils souhaitent que l’épreuve ne prenne pas toute la place afin d’avoir le plus possible accès à leurs ressources. Le fait de ne pas dépenser trop de temps à se lamenter et à avoir peur leur permet de se concentrer sur la résolution de ce qui leur arrive, tout en se projetant dans un avenir positif. Cette attitude résiliente et constructive favorise les sorties de crise. Autrement dit, il faut ignorer suffisamment ce qui nous plombe pour trouver de l’énergie pour ce qui nous élève et nous soutient », conclut Ariane Calvo.
M-FR-00006452-1.0 – Établi en mars 2022