Cancer du sein

Après un cancer du sein, elles ont choisi la reconstruction à plat

En France, près de 22 000 femmes subissent chaque année une mastectomie suite à un cancer du sein selon la Haute Autorité de Santé. Parmi elles, on estime que 30 % entament une reconstruction mammaire. D’autres font le choix de la reconstruction à plat. Une décision parfois encore difficile à faire accepter dans une société régie par des diktats de la beauté féminine.

Après l’annonce de son cancer en 2020, Ely doit se faire retirer le sein gauche pour ensuite entamer ce qu’elle appelle le « pack complet » : chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie. Dès sa première rencontre avec la chirurgienne pour sa mastectomie, on lui parle de « reconstruction immédiate ». Une technique qui consiste à retirer la glande mammaire pour directement installer une prothèse. « Pourquoi pas ! Je vais laisser une chance à la reconstruction par prothèse », se dit-elle. Elle rencontre alors une infirmière qui lui montre plusieurs photos de femmes qui sont toutes passées par des techniques de reconstruction différentes. Parmi elles, aucune reconstruction à plat. En fait, je n’ai pas eu l’impression d’avoir le choix. Moi, dans ma tête, je voulais surtout retirer ce cancer mais je ne pouvais pas réfléchir au pour et contre de telle ou telle reconstruction », explique cette bordelaise de 44 ans.

Consentement éclairé

Ce manque de choix et de représentation est dénoncé par Caroline, également touchée par un cancer du sein en 2020 et patiente experte. Cette maladie, avec ses traitements et les démarches, c’est un rouleau compresseur ! Parler de reconstruction dès le début sans évoquer toutes les techniques existantes et donner le choix, ça n’aide pas les patients », explique-t-elle. Elle-même a dû passer en commission médicale pour négocier sa reconstruction à  : « Ma chirurgienne m’a dit qu’elle allait me refaire une belle et grosse poitrine. Nous nous sommes confrontés pendant plusieurs consultations car elle ne comprenait pas ma décision. Elle avait en tête sa méthode et c’est tout. Moi j’ai la chance d’avoir été très déterminée dans mon choix mais nous sommes dans une telle situation de vulnérabilité dans ces moments-là que ça peut être très compliqué pour certaines femmes. » Parmi les femmes qui ont eu une reconstruction, 35 à 41 % estiment qu’elles n’ont pas eu le choix de la technique chirurgicale employée selon la Haute Autorité de Santé. Un manque de consentement que Caroline veut combattre en intervenant auprès de patients, notamment dans des associations : « Je ne suis pas du tout contre la reconstruction avec du volume mais je leur rappelle qu’elles ont le choix et qu’elles peuvent se tourner vers un autre chirurgien. »

Une libération

Ely aussi a finalement décidé de se tourner vers la reconstruction à plat. Un an après le premier, elle se fait retirer son second sein : « Je n’ai pas de prédisposition génétique au cancer mais on me l’a accordé car ma sœur et ma mère ont aussi été touchées », explique-t-elle. Vient ensuite l’opération pour changer ses deux prothèses. « La prothèse me faisait mal, ça me faisait contracter l’épaule et c’était très pénible. Toute cette opération me paraissait très lourde donc un mois avant l’opération, j’ai pris rendez-vous avec la chirurgienne pour demander une reconstruction à plat », précise-t-elle. Le soulagement qu’a ressenti cette enseignante en école primaire est le même que celui de Caroline : Avant de faire ce choix, je me suis dit que de toute manière, on fantasme tellement la reconstruction qu’on est souvent déçu. J’avais déjà fait le deuil de mon corps d’avant alors autant avancer avec un choix qui me libérait. » Ce choix, pleinement assumé, n’est pas toujours facile à porter quand il se confronte au regard de la société dictée par des normes de beauté féminine. Caroline, par exemple, a eu le droit à des remarques déplacées de la part de son : « Il m’a dit que si j’en avais parlé avec mon mari, je n’aurais pas fait ce  ». Ce sentiment de jugement est partagé par Ely : « C’était difficile au début d’être confronté au regard des autres, surtout quand je portais juste un t-shirt par exemple » Au bout de quelques mois, toutes les deux finissent par accepter cette image. « J’aime l’allure que j’ai avec ma poitrine à plat, je me sens bien », se réjouit Ely. Quant à Caroline, l’hormonothérapie qu’elle prend depuis trois ans a changé son corps : « J’ai pris 15 kilos donc en ce moment c’est difficile pour moi de me sentir bien car ça déséquilibre ma silhouette mais ça ne remet absolument pas en cause mon choix. » Aujourd’hui, les deux femmes arborent fièrement un grand tatouage sur leur poitrine. Une manière de s’approprier à nouveau leur corps après le passage du cancer.

M-FR-00013602-1.0 – Établi en mars 2025

Bertrand Waroude

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