Ces dernières années, l’hospitalisation à domicile s’est considérablement développée. L’objectif : raccourcir une hospitalisation conventionnelle, et même si possible l’éviter complètement. Si certains patients sont heureux de bénéficier de soins hospitaliers sur leur lieu de vie, d’autres sont plus réservés…
En 2020, on dénombrait 282 établissements d’hospitalisation à domicile (HAD). Ces derniers appartiennent, en majorité, aux secteurs public et privé à but non lucratif. Mais cette approche reste inégalement répartie sur le territoire : les départements de Paris et des Hauts-de-Seine concentrent 15 % des capacités de prise en charge et 18 % des journées (2018).
Bénéficier de soins non réalisables en ville
L’hospitalisation à domicile concerne des patients qui ont besoin de continuité des soins et d’une équipe de coordination pluridisciplinaire et médicalisée (infirmières, kinésithérapeutes, assistante sociale, psychologue, diététicienne…). L’avantage de la HAD est de permettre aux patients d’accéder, depuis chez eux, à des soins non réalisables en ville sans ce dispositif car trop complexes ou trop techniques.
Concrètement, le domicile doit être adapté aux besoins des soins. Il s’agit évidemment de prendre en compte l’environnement et l’entourage, et d’assurer la meilleure coordination possible avec les professionnels. À noter : en termes financiers, rien ne change pour le patient car il n’y a pas de surcoût par rapport à une hospitalisation classique.
Un réel atout en période de Covid
Peuvent en bénéficier toutes les personnes dont la situation clinique le justifie et dont les conditions du domicile le permettent. À noter : le domicile n’est pas toujours la maison ou l’appartement, mais parfois des établissements d’hébergement collectif (ce qui suppose une bonne coopération avec l’équipe de la structure d’accueil).
Des enfants peuvent être concernés par une HAD, au même titre que des adolescents, des adultes ou des personnes âgées. Le séjour est en principe à durée déterminée, mais tout dépend de l’évolution de l’état de santé du patient. Pendant la crise sanitaire, des patients COVID-19 sous oxygénothérapie ont pu être pris en charge, de façon exceptionnelle compte tenu des circonstances, chez eux et en toute sécurité. Une solution pour éviter la contamination et les clusters, mais aussi pour libérer des places dans les hôpitaux.
Qui décide d’une HAD et comment ça se passe ?
Seul un médecin peut orienter une personne vers une hospitalisation à domicile. L’accord du médecin traitant est nécessaire. Avant toute admission, une évaluation de la situation du patient est réalisée par l’équipe de coordination, qui peut se rendre au domicile du patient pour confirmer la faisabilité de la prise en charge et fixer les conditions matérielles, mais aussi les compétences requises par le projet de soins de la personne.
Le matériel nécessaire est dans un second temps livré au domicile du patient, soit par l’établissement d’HAD soit par un prestataire extérieur. Parfois, un réaménagement provisoire des lieux peut être envisagé, comme par exemple en cas d’installation d’un lit médicalisé. Les protocoles de soins sont validés par le médecin coordonnateur de l’HAD et planifiés par l’équipe soignante.
En cas d’urgence, l’établissement met à disposition du patient et de ses proches un protocole d’alerte. Une permanence téléphonique leur permet de prendre contact avec l’établissement en cas de besoin. Il peut arriver aussi que l’état de santé du patient s’aggrave et qu’un séjour en établissement soit à nouveau nécessaire.
La réussite d’une HAD repose sur la présence d’un aidant
Le Dr Perol est onco-pneumologue au centre Léon Bérard de Lyon. Pour lui, l’HAD « assure une fluidité entre les oncologues et les médecins qui s’en occupent ».
Dans cet établissement, 200 patients sont suivis en HAD, ce qui représente une charge de travail importante : « La coordination mobilise beaucoup de personnes. Nos équipes travaillent avec des cabinets d’infirmiers libéraux. Cette coopération permet de déployer des actions de façon rapide, par exemple quand un patient arrive avec des métastases cérébrales. L’HAD permet aussi des chimio à domicile. Les cures sont souvent initiées en Hôpital de jour (HDJ) avant d’être poursuivies à domicile. L’article 51 permet par exemple de déployer des immunothérapies au domicile des patients. Cela suppose une approche un peu particulière avec une formation du médecin, des infirmiers libéraux intervenant au domicile et une éducation du patient (dans le cadre d’ateliers d’ETP). Enfin, ce dispositif favorise la prise en charge de la fin de vie à domicile », explique-t-il. Les patients peuvent revenir au centre quand il y a un problème, ce qui est rassurant pour eux. À ses yeux, la réussite d’une HAD repose sur la présence d’un aidant.
Les gens sont généralement contents de quitter l’hôpital pour être suivis à domicile, mais si l’entourage est insuffisamment présent, la situation peut être tendue.
La confiance, un élément clé du dispositif
Le Dr Bruno Russias est responsable du Département de Coordination des Soins Externes et des Interfaces dans ce même établissement. Il confirme qu’il est important que les patients se sentent en confiance : « différentes études révèlent qu’une majorité de personnes préfère être prise en charge à domicile ».
Ce sont d’ailleurs ces analyses qui, dans les années 90, ont conduit à l’essor de la HAD. « Dans notre centre, elle a été mise en place au début des années 2000. Nous travaillons avec un grand nombre de partenaires dans la région », ajoute-t-il. Face à la sursaturation des HDJ, l’hospitalisation à domicile apparaît comme une véritable solution, à condition de sensibiliser certains oncologues encore réticents. « Elle peut se mettre en place à n’importe quel moment, dès le début de la maladie ou plus tardivement », précise-t-il.
Des inquiétudes chez certains patients…
Jean-Michel Fourrier, président de l’association APEFPI souligne que « dans un pays très centré sur les établissements de soins, une HAD peut générer des inquiétudes, même si la qualité et la sécurité des soins sont identiques, que ce soit dans les murs ou hors les murs ».
Dans le cadre de soins longue durée, il avoue qu’il serait réticent à titre personnel et même catégoriquement contre pour des soins palliatifs : « de mon point de vue, les soins doivent être prodigués dans un établissement de soins (même si c’est plus cher) et non pas au domicile du patient et de sa famille, lequel doit rester un lieu de bonheur et de repos pour l’ensemble de la famille. J’ai des images réelles de lits médicalisés au milieu du salon jour et nuit, et donc omniprésents dans la vie quotidienne. Cela peut-être très humiliant pour le patient lui-même d’autant plus s’il n’est plus autonome ou en souffrance physique ». Il ajoute que le fait d’imposer un 24h/24 et 7j/7 à tout l’entourage avec en plus le défilé des soignants qui se succèdent peut être dérangeant.
Je trouve qu’il est préférable de laisser de l’air aux aidants, la situation étant tellement douloureuse par ailleurs. Il faut aussi prendre soin d’eux. Il m’est arrivé d’échanger avec quelques malades qui partageaient mon avis. Ceci est bien sûr un choix personnel qui doit être laissé au patient. Tous ces choix sont respectables et doivent être respectés.
… mais un enthousiasme chez d’autres
Mélanie Courtier, co-fondatrice et directrice de l’association Jeune et Rose ajoute que « certains patients ont peur de ne plus voir de médecins, mais prennent conscience du gain en termes de qualité de vie d’autant que les personnels soignants restent présents. Il faut faire beaucoup de pédagogie car les craintes sont souvent infondées dans la mesure où la formation des soignants est exactement la même que dans les services hospitaliers ». À titre personnel, elle est encore en traitement et serait heureuse de pouvoir bénéficier d’une infirmière à domicile toutes les trois semaines pour procéder aux injections.
Je vis dans une zone rurale où l’HAD est hélas peu développée, mais j’y suis très favorable, d’autant que c’est une bonne solution pour accompagner des femmes jeunes, donc actives. Et ce, d’autant plus qu’elles sont parfois maman, si bien qu’il n’est pas évident pour elles de se déplacer.
En effet, trouver des solutions de garde d’enfants pendant les traitements s’avère très difficile. « Elles ont souvent des cancers HER2 positifs, avec des traitements d’immunothérapie longue durée, qui peuvent très bien fonctionner en HAD. Cela limite la fatigue, en évitant des allées et venues à l’hôpital », ajoute-t-elle.
Le développement du télétravail se prête bien à ce type de dispositif. Au sein de son association, elle mène des actions pour dessiner les contours de l’HAD de demain : « Nous avons un board de réflexion avec Roche sur ces sujets. On en discute aussi dans les différentes instances où nous sommes invitées (ARS…) en faisant remonter les besoins que les patientes nous expriment ». Parmi ces besoins : le souhait de bénéficier en HAD du même encadrement et des mêmes soins de supports qu’à l’hôpital, à savoir une socio-esthéticienne, une psychologue…
M-FR-00007166-1.0 – Établi en août 2022