Santé : préserver sa santé en jouant, est-ce bien sérieux ?

Santé : préserver sa santé en jouant, est-ce bien sérieux ?

C’est une forme d’éducation et/ou de soins qui repose sur l’attractivité des jeux vidéos (et des nouvelles technologies). Elle s’adresse aux jeunes et aussi aux moins jeunes. Si ce qu’on a pris l’habitude d’appeler “les serious games” ne datent pas d’hier, leur utilisation à des fins thérapeutiques est, quant à elle, plus récente. Devenus de véritables supports de la prise en soin, les serious games sont aujourd’hui exploités dans la majorité des maladies chroniques. Immersion dans une réalité virtuelle où l’objectif est de préserver sa santé tout en s’amusant…

Pour manœuvrer son navire et affronter les pirates prêts à conquérir les océans, il faudra se dépenser physiquement. Il ne faudra pas hésiter à multiplier les gestes amples, à régulièrement lever un bras puis l’autre, à s’accroupir autant que nécessaire. Le tout, au sec, sur la terre ferme et à l’abri derrière sa télévision grâce au serious game X-TORP.

Avec ce jeu pédagogique, les « gamers », comme on a pris l’habitude d’appeler les amateurs de jeux vidéos, travailleront le renforcement musculaire, la coordination motrice et amélioreront leur équilibre. Ils réaliseront également différents tests neuropsychologiques inclus dans le scénario. Enfin – et c’est là toute la subtilité du dispositif – ils se divertiront par la même occasion. Petit détail : ces joueurs prêts à se dépenser physiquement et psychologiquement sont malades d’Alzheimer à un stade léger. Il faut dire que le jeu X-TORP a spécifiquement été développé à leur attention. De quoi en faire un serious game, comprenez un jeu à visée thérapeutique.

Historiquement et avant d’être des supports de prise en soin utilisés directement par les patients, les serious games étaient un moyen de formation pour les médecins (Pulse, SimUrgences). La réflexion des concepteurs était de capitaliser sur les technologies du jeu vidéo pour les investir dans une forme de communication indirecte. Aujourd’hui, cet angle est également privilégié au moment d’investir le champ de la santé.

Depuis une dizaine d’années, à l’image de l’entreprise informatique Genious, plusieurs structures privées collaborent avec des laboratoires de recherche clinique pour développer des serious games. Participant ainsi à la formation des professionnels de santé, mais aussi à améliorer la prise en soin des personnes malades ou en perte d’autonomie.

L’expertise médicale est essentielle dans la construction de ces serious games. Car il s’agit avant tout de proposer des jeux thérapeutiques validés sur le plan clinique, selon les mêmes exigences qu’un médicament. Nous ne sommes en aucun cas dans une logique de jeu occupationnel»,

souligne Pierre Foulon, codirecteur du laboratoire Brain e-novation. Pour preuve, le jeu fameux XTop s’accompagne d’un capteur qui enregistre les données du jeu pour les transmettre au médecin en charge du suivi.

Simple effet de mode ou réel intérêt en termes de santé ?

Parler de traitement serait, à coup sûr, exagéré. A contrario, évoquer un simple divertissement est, sans aucun doute, réducteur. A la frontière entre le jeu et la prise en soin, les serious games séduisent et sont, plus que jamais, « pris très au sérieux» par la communauté médicale comme par les patients utilisateurs. Il suffit pour s’en rendre compte de taper serious games sur son moteur de recherche Internet… La réponse est sans appel : des centaines de références apparaissent ! Nuage, le jeu sur le changement climatique ; Curapy.com, une plateforme de jeux vidéos thérapeutiques; Zombie Division, une activité conçue pour les enfants qui y font des divisions en détruisant des zombies ; Driving, le jeu de sensibilisation à la conduite automobile ; Toap Run, un serious game pour améliorer la motricité des personnes souffrant de la maladie de Parkinson ; Foodzy, le jeu qui surveille votre alimentation…

Diabète, cancer, maladies neurodégénératives… Toutes les pathologies dites chroniques sont aujourd’hui concernées et envisagées sous l’angle des serious games. Accessibles à tout profil d’apprenants (enfants ou personnes âgées ; atteint par une maladie chronique ou souffrant d’un handicap physique etc…), le serious game s’intègre dans le plan de soin.

Et si effet de mode il y a, se pose malgré tout la question de l’engagement pérenne du « patient-gamer » dans l’apprentissage. Cet engagement pérenne, condition sine qua none à l’efficacité du dispositif, semble donc maintenu par les ressorts de jeu. Nul doute qu’un mieux-être physique et psychologique de la personne malade y participera également.

 

Serious games : les chiffres

Le marché français du serious game, représenté par des petites et moyennes entreprises et des laboratoires de recherche, atteignait 84 millions d’euros fin 2015 (chiffres IDATE) contre 10 millions d’euros en 2009. Il avoisinerait actuellement les 10 milliards à l’échelle mondiale. Entre 30 000 et 150 000 € : c’est l’enveloppe budgétaire à consacrer pour envisager créer un serious game. La facture peut largement dépasser cette fourchette (Pulse a coûté plusieurs dizaines de millions de dollars). Toutes les données, toutes les actions et tous les éléments graphiques d’un serious game doivent en effet avoir leur justification pédagogique. C’est, à ce titre, qu’un serious game est excessivement complexe à élaborer et exige de réunir des compétences complémentaires : pédagogues, ingénieurs, game designer, graphistes, développeurs, cliniciens, patients, proches de personnes malades…