Schizophrénie : l’humain avant tout!

Schizophrénie : l’humain avant tout!

A l’occasion de la semaine de la Santé Mentale, Michèle Delorme, vice-présidente de l’association Schizo-Oui fait le point sur la schizophrénie et les préjugés dont cette maladie fait l’objet. Elle délivre des conseils dans le cadre d’une approche très humaniste et respectueuse du patient.

Quel regard est aujourd’hui porté sur les schizophrènes ?

Encore aujourd’hui, le regard porté sur les personnes qui souffrent de troubles schizophréniques s’alimente de préjugés et d’idées fausses. Non, la schizophrénie n’est pas un dédoublement de la personnalité. L’étymologie du mot (schizein = fendre / phrên = esprit) et la perception de cette maladie sont biaisées! La schizophrénie est une pathologie très complexe qui affecte tout le processus de pensée. Certes, ses manifestations sont parfois impressionnantes (hallucinations, idées délirantes, désorganisation de la pensée, paroles non appropriées…), mais il faut retenir que le malade ne perd pas son âme, qu’il perçoit le monde différemment, mais reste bel et bien un sujet à part entière. Une fois ce regard intégré, il est beaucoup plus facile de considérer la personne sujette à des troubles schizophréniques comme un partenaire et de remettre en cause les stigmatisations dont il fait l’objet. Il y a un vrai travail de vulgarisation à mener sur cette maladie pour mieux la faire connaître. Notre association y contribue, c’est l’un de nos combats!

Lire aussiL’interview du Professeur Pierre Michel Llorca, éminent expert de la schizophrénie

Quels conseils donneriez-vous aux proches des personnes atteintes de schizophrénie?

Le premier conseil que je leur donnerai serait de porter le juste regard sur celui qui souffre de ces troubles, pour éviter à tout prix de dramatiser. Un regard tendre, beaucoup de patience, pour aimer le patient comme il est. C’est un réel travail à faire, j’en suis consciente, je l’ai moi-même vécu ayant eu une mère schizophrène, mais ce travail est fondamental. Je vois souvent des proches arriver dans une grande détresse, ils se sentent désemparés et abattus. Je conseille systématiquement de retrouver au plus vite une attitude normale et de ne pas dramatiser.

Mon mot d’ordre: « Plus on est de fous, plus on rit !»

Image.3CCD9F61-08D7-43B5-B76F-01B2E0AE201E
Michèle Delorme,
vice-présidente de l’association Schizo-Oui

(Cette boutade n’est permise que parce que j’aime profondément les personnes à qui je l’adresse dans le but d’une mise à distance complice). En effet, l’humour et la prise de distance peuvent jouer un rôle non négligeable ! Vous l’aurez compris, mon combat est du côté de la vie. Mon second conseil est donc de ne surtout pas se replier sur soi. La maladie ne doit pas devenir la carte de visite de la famille, elle ne doit pas devenir le pivot autour duquel tout se cristallise et se fige.
Aider les proches dans cette démarche est l’une des missions de Schizo…Oui! Nous les rassurons, les apaisons, et montrons aux familles que la vie n’est pas fichue, que tout ne s’arrête pas là.

Concernant la recherche et la prise en charge de la maladie, constatez-vous des évolutions?

La recherche avance énormément, mais elle n’est pas assez considérée et soutenue. Elle a en tout cas permis de manière claire de lier la schizophrénie à des causes biologiques engendrant un dysfonctionnement du cerveau, ce qui est un acquis important pour la compréhension de la maladie et le regard qu’on porte à ceux qui en sont atteints.
Les traitements évoluent, mais il faut souligner que la prise en charge de la schizophrénie est une prise en charge avant tout individuelle, donc très complexe: il y a autant de traitements que de malades. Si je dois retenir une avancée, c’est la possibilité de proposer des traitements moins agressifs et plus faciles à vivre: aujourd’hui, on peut administrer au malade une seule piqûre mensuelle, les composants actifs agissant durant toute cette durée avec un processus de «retard ». C’est un réel confort.
Mais il ne faut pas oublier que le médicament n’est rien sans une solide construction humaine autour du patient. Grâce à l’entourage bienveillant de ses proches. Mais aussi grâce aux équipes médicales. Lorsque l’équipe médicale prend le temps de discuter avec le patient et de l’impliquer comme partie prenante dans l’élaboration et le suivi de son traitement, on observe une réduction du nombre de rechutes, de consultations et même d’hospitalisations.

Exergue : “Retrouver au plus vite une attitude normale et ne pas dramatiser”

Lire aussi : Le témoignage de patients interrogés par l’anthropologue Laurent Marty