Comment communiquer avec ses proches ? Quel impact sur son couple ? Comment vivre une intimité et sexualité épanouie pendant un tel séisme ? Audrey Allain, psychologue à l’institut Rafaël, accompagne des femmes comme Stéphanie, frappée par un cancer du sein l’année dernière. Elles nous expliquent l’importance de réapprivoiser son corps et sa sexualité grâce au contact et au dialogue.
Les répercussions sur la vie quotidienne sont nombreuses, et tout le fonctionnement de la famille et du couple peut se voir bousculer. “Une situation terrible pour le proche évidemment, mais aussi pour son entourage. Les aidants sont en première ligne. Ils vivent l’impact – plus ou moins silencieusement – de la maladie”, explique Audrey Allain, psychologue à l’institut Rafaël, un centre de médecine intégrative spécialisé dans l’après-cancer.
Elle accompagne au quotidien des femmes qui vivent ce type de séismes. À l’image de Stéphanie, 37 ans, dont la vie a basculé il y a un an.
La culpabilité vis-à-vis de ses proches
Ce sentiment est assez récurrent. “Il n’est pas rare que la femme se sente coupable de faire vivre cette nouvelle réalité à ses proches. Le conjoint peut, lui, éprouver une forme d’impuissance, un sentiment compliqué à gérer”, explique Audrey Allain, “c’est très dur de voir quelqu’un qu’on aime très amoindri, dévasté par la maladie ou par les traitements. Il faut redéfinir un nouvel équilibre et ce n’est pas une mince affaire”.
Dans cette période trouble, il arrive qu’une patiente taise ses inquiétudes dans le but d’épargner ses proches et ses enfants… Il peut alors y avoir une rupture ou en tout cas des difficultés à maintenir une bonne communication. Une spirale dans laquelle il est alors compliqué d’exprimer sa propre angoisse à celui qu’on aime par peur d’envenimer son état psychologique.
Cela entraîne une collusion de silences autour de ce que vit chacun. La thérapeute le souligne, il est important de maintenir une communication par le verbal et le non-verbal pour essayer de ne pas créer d’incompréhensions et de conflits au sein de la famille et du couple.
La relation affective et sexuelle bousculée
“La femme peut avoir du mal avec son corps abîmé par les traitements, et une phase de réappropriation de son corps est essentielle pour retrouver une libido. L’homme peut lui aussi faire face à une baisse de désir”, confirme Audrey Allain. C’est ce qu’il s’est produit dans le cas de Stéphanie, qui raconte la façon dont son couple s’est délité, heureusement provisoirement. “Mon mari et moi avions régulièrement des rapports sexuels. Avec les traitements, j’en avais moins envie. Il était stressé par son propre travail et malgré sa bonne volonté, ne parvenait pas toujours à comprendre mon manque de libido et ma fatigue. Devant si peu de motivation pour passer ensemble des moments intimes, il a fini par se lasser. Nous ne nous touchions quasiment plus”, explique la jeune femme, précisant combien le sentiment de culpabilité fut difficile à gérer.
La thérapie de couple : une issue ?
« Nous proposons des parcours de soins aussi bien pour la patiente que pour les aidants. S’ils en ressentent le besoin, les proches peuvent avoir accès à un psychologue qui leur est propre. Les consultations de couples sont possibles, pour aborder les éventuelles difficultés, mais on propose toutefois que chacun ait son propre thérapeute », explique Audrey Allain.
La thérapie de couple, c’est l’option choisie par Stéphanie. Devant le sentiment d’être dans une impasse, elle a voulu se faire accompagner.
Les consultations avec son mari ont été l’occasion à chacun d’exprimer son ressenti. Stéphanie a réussi à mettre des mots sur la honte qu’elle éprouvait face aux stigmates physiques qu’elle portait – notamment sa mastectomie et son amputation. La thérapie a libéré la parole et surtout, renforcé les liens. Le couple a pris conscience de l’importance de se serrer les coudes.
« Nous nous sommes dit que c’était comme une zone de turbulences pendant un trajet en avion, sauf que celle-ci durerait un peu plus longtemps. Et que l’essentiel était d’arriver à bon port », détaille Stéphanie.
La thérapie a également été l’occasion pour elle d’aborder plus librement le chapitre de la sexualité et de son angoisse face à l’avenir. « C’est clairement un tabou, car on sait que l’hormonothérapie affecte la libido. Par ailleurs, le sujet de l’avenir est difficile à aborder. Comment est-ce qu’on se projette ?” confirme Audrey Allain. “L’angoisse à l’idée de voir l’autre partir est réelle, mais rarement exprimée” ajoute-t-elle. Elle conseille aux couples qu’elle accompagne de maintenir un lien, un contact. Même s’il n’y a provisoirement plus de relations sexuelles, c’est important de se toucher, de se faire des caresses, des câlins. Ce peau à peau s’avère extrêmement rassurant. Les mots, les regards, les attentions… tout cela est très réparateur !