À la croisée de l’art et de la médecine, le tatouage joue un rôle reconnu dans le processus de guérison physique et psychologique. Traditionnellement perçu comme une forme d’expression corporelle, il est désormais utilisé dans des contextes médicaux pour favoriser la réadaptation post-traumatique.
Grâce à Sœurs d’Encre, une association dédiée à la reconstruction par le tatouage, après un cancer du sein, Aude Garin a redécouvert son corps et sa féminité. Son corps portait encore les stigmates d’une bataille éprouvante contre le cancer du sein. Après une double mastectomie, la maladie avait en effet laissé sur elle des marques profondes, à la fois physiques et psychologiques. Aujourd’hui, elle a retrouvé confiance en elle, et réinventé sa féminité. Un parcours qui démontre la complémentarité entre art et médecine dans la guérison des corps et des esprits.
Un complément thérapeutique dans le processus de guérison
« Le tatouage n’est pas seulement un acte esthétique, c’est un acte de réconciliation avec soi », explique Aude. Elle confie que le tatouage lui a permis de redécouvrir son corps et de l’accepter. Il est devenu un symbole de victoire et de renouveau.
Avant, je me cachais. Je n’arrivais pas à accepter ce corps marqué par la maladie », confie-t-elle.
Puis elle a appris à voir au-delà des cicatrices, à percevoir la beauté dans ces marques qu’elle avait jusque-là associées à la maladie. Le tatouage ne se substitue pas aux soins médicaux, mais s’intègre dans un parcours de guérison. Il offre une possibilité d’aller plus loin, en aidant à se réapproprier son corps. Dans cette optique, il devient un acte de réconciliation. Il redonne de la valeur à des zones souvent perçues comme déformées ou abîmées. Pour Aude, cela a marqué un tournant dans sa vie : « mon corps ne m’appartenait plus, c’était un champ de bataille qui portait les traces d’un combat. C’est désormais une œuvre d’art, comme si j’avais retrouvé une partie de moi-même. Ce n’est pas juste un dessin, c’est une renaissance ». Le tatouage a en effet eu des répercussions profondes sur son état d’esprit. En transformant son apparence, il a également transformé la manière dont elle se perçoit, et dont les autres la voient : « avant, on voyait la malade qui a souffert. Aujourd’hui, les gens me parlent de mon tatouage, de sa beauté, de ma joie de vivre. J’ai rencontré des chirurgiens qui ont fait un travail incroyable pour reconstruire mes seins, mais c’est le tatouage qui fait que je me sens de nouveau entière ».
Sœurs d’Encre : une approche alliant médecine et art
Sœurs d’Encre s’inscrit dans une démarche globale de soins post-cancer. En collaboration avec des professionnels de santé – notamment des chirurgiens reconstructeurs – cette association propose une approche innovante qui combine la médecine avec l’art du tatouage, pour offrir aux femmes une reconstruction physique, mais aussi morale. Après une mastectomie, la chirurgie reconstructrice permet de redonner une forme au sein, mais ne peut effacer les cicatrices ni recréer les détails esthétiques du mamelon. C’est ici que les Sœurs d’Encre interviennent. En réalisant des tatouages artistiques ou de reconstruction mammaire, l’association complète l’intervention chirurgicale et devient un moyen esthétique et thérapeutique pour restaurer l’intégrité de la personne. La fondatrice de l’association, Nathalie Kaïd, photographe et tatouée, a réalisé en 2010 une exposition photographique consacrée à la poitrine des femmes. Lors de ce projet, elle a observé les nombreuses cicatrices présentes sur les bustes après un cancer du sein. Cette expérience l’a conduite en 2016 à proposer le tatouage comme une forme de reconstruction, lors de l’événement Rose Tattoo. En 2017, elle crée l’association Sœurs d’Encre. Forte de ses nombreuses rencontres avec des centaines de femmes touchées par la maladie, elle comprend l’importance de redonner confiance et dignité à travers cet art et que la guérison ne s’arrête pas avec la fin du traitement. Son association offre des tatouages aux femmes ayant subi des mutilations corporelles à la suite de traitements médicaux, tels que des mastectomies. Ces créations personnalisées permettent aux femmes de reprendre le contrôle de leur corps et de marquer symboliquement la fin d’une période de souffrance.
Chaque tatouage raconte une histoire, celle de la personne que l’on tatoue. L’acte de tatouer devient un acte de soin, dans un environnement bienveillant et respecté », souligne Nathalie.
Son approche va bien au-delà du simple art corporel ; elle s’inscrit dans une démarche thérapeutique, à la croisée des chemins entre l’art, la médecine et la psychologie : « Le tatouage est comme une forme de mémoire positive que l’on grave dans la peau. Il permet de transformer la douleur en beauté, et d’écrire une nouvelle histoire, celle de la reconstruction et du renouveau ».
Tatoueuses engagées : artistes et partenaires de la guérison
À travers les tatouages de reconstruction, elle redonne non seulement une apparence nouvelle, mais aussi un sentiment de paix intérieure. Un élément central de ce processus de reconstruction est l’engagement des tatoueuses qui une fois par an sur Rose Tattoo offrent un tatouage, elles sont à la fois artistes et partenaires de la guérison. Elles comprennent l’impact émotionnel et psychologique que leurs créations peuvent avoir sur les patientes. Elles mettent leur talent au service de la beauté, et sont pleines d’empathie pour accompagner ces femmes. Elles se forment aux spécificités des peaux cicatrisées et travaillent en étroite collaboration avec des dermatologues ou oncologues de l’association, notamment pour s’assurer que leurs interventions sont adaptées aux peaux cicatrisées et respectent le processus de guérison médicale.
Le tatouage ne se fait pas à la légère. Il respecte le temps de cicatrisation et l’avis des médecins », précise Aude, qui a elle-même attendu plusieurs mois après sa reconstruction avant de passer sous l’aiguille de Kiss Ink, sa tatoueuse.
Le travail de l’association Sœurs d’Encre montre à quel point l’art peut contribuer à la réappropriation du corps et à la guérison !
M-FR-00014051-1.0 – Établi en mai 2025