Maladie mentale : elle raconte la schizophrénie de sa mère…

Maladie mentale : elle raconte la schizophrénie de sa mère…

Michèle Delorme, de l’association Schizo oui, a grandi aux côtés d’une mère atteinte de schizophrénie paranoïde. «Le langage de la maladie, je l’ai appris très tôt. Je ne l’ai jamais renié et il ne m’a jamais quittée», explique-t-elle. En exclusivité pour Voix des Patients, elle explique cette situation si particulière.

On n’aurait pas nécessairement donné cher d’une gamine de dix ans évoluant dans un contexte familial si spécial que le mien. Ma mère entendait des voix et elle était très violente dans ses paroles. Parfois, avec ma sœur, il nous arrive encore de sangloter en réalisant que nous n’avons pas vraiment eu de mère,

reconnaît-elle. Pas vraiment de père non plus, car il était alcoolique et peu présent. Pourtant, Michèle est parvenue à faire des études et à devenir enseignante. Ce qui l’a sauvée, c’est son amour des lettres. Mais surtout sa rage de vivre. A ses yeux, la plus grande des injustices n’est pas tant l’argent dont on dispose, que l’envie d’abattre des montagnes.

J’ai toujours eu en moi cette résilience. L’idée qu’il n’y avait pas de raison pour que le soleil ne brille pas un jour pour moi aussi. J’avais envie de me faire ma propre place, sans renier ce qui m’entourait. Je me disais qu’il n’y avait aucune raison que l’on m’empêche de vivre,

raconte-t-elle des années après. Dans cet environnement pour le moins chaotique, elle a trouvé la force de se frayer son chemin.

J’avais conscience que mes parents étaient mal et qu’ils ne pouvaient s’occuper de moi comme j’aurais adoré qu’ils puissent le faire. Je savais donc qu’il fallait que je me prenne en main. Seule,

témoigne-t-elle. Sa réussite scolaire est un catalyseur. C’est cela qui l’a le plus aidée pendant ces périodes troubles.

Mes parents étaient fiers de moi, mais ça ne les a pas guéris.

Leur en a-t-elle voulu ?

Oui. A eux et à tous ceux qui ne les aidaient pas, d’autant qu’on était pauvres. Le regard de certains médecins n’est pas le même selon la catégorie sociale du patient. Inconsciemment, il ne vont pas parler de la même manière,

explique-t-elle. Pourtant, encore aujourd’hui, elle continue d’épauler sa mère grabataire. Elle lui rend régulièrement visite dans la maison de repos dans laquelle elle se trouve. Ses conseils pour être un bon aidant ?

Etre bien dans sa tête. Tout simplement. C’est bien plus efficace que les discours de pitié et de commisération qui me paraissent douteux. Il faut être plus dans la vie que dans la complainte,

précise-t-elle. Le danger, selon elle, est de s’identifier à la maladie. Car on est bien plus que cela !

Je suis persuadée que derrière chaque malade, il y a une part de conscience. Souvent, le patient lui même détient certaines solutions. Il faut arriver à s’appuyer sur ce qui lui reste de conscience,

analyse Michèle. Elle aimerait que tous les membres du corps médical et les chercheurs travaillent davantage de concert. Autre élément essentiel à ses yeux dans la guérison d’un patient : l’humanité de certains soignants.

Ils obtiendraient des résultats bien plus probants s’ils osaient jouer de leur humanité et qu’ils montraient parfois leur fragilité. Au contraire, ils font tout leur possible pour mettre une distance entre eux et leur patient. Il ne s’agit pas d’être à tu et à toi, mais de créer un lien plus authentique.

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Pour faire bouger les lignes, elle invite les patients souffrant de troubles schizophréniques et leur famille à rejoindre l’association Schizo Oui (54, rue Vergniaud Paris XIIIe). Aujourd’hui, Michèle est à la fois mère de 3 enfants et grand-mère de 5 petits-enfants.

Je ne pense pas avoir été une plus mauvaise maman qu’une autre,

prévient-elle d’emblée. Et d’ajouter :

quand je raconte à toute ma tribu ce que j’ai vécu, ils ne me croient pas vraiment. Ils pensent que j’en rajoute.

Il faut dire que ce qu’elle a vécu et surtout la façon dont elle a fait face sont incroyables ! En nous livrant ce magnifique témoignage, Michèle l’affirme : c’est avant tout un acte militant. Militer pour une meilleure reconnaissance des patients, pour une plus grande humanité des soignants et pour l’envie de vivre : voilà de bien beaux combats !