Sclérose en plaques : le travail, c’est (aussi) leur santé…

Sclérose en plaques : le travail, c’est (aussi) leur santé…

Une personne sur deux aura à souffrir d’un handicap pérenne ou temporaire au cours de sa vie… Un chiffre qui souligne tout l’enjeu qu’il y a à mieux penser la qualité de vie au travail en général, l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap en particulier. Aides, interlocuteurs, acteurs privilégiés mais
aussi préjugés et tabous à combattre : focus sur ce que sous-entend la sclérose en plaques au travail.

Certaines personnes n’envisagent pas de travailler, considérant que cette maladie chronique évolutive empêche toute activité. A grands renforts de campagnes médiatiques allant à l’encontre des préjugés, et grâce aux récits concrets d’histoires personnelles convaincantes, les actions de sensibilisation commencent à produire leurs effets positifs. En effet, le regard porté sur la maladie change. Une évolution constatée par Carole de Mulatier, coordinatrice au sein de l’Union pour la lutte contre la sclérose en plaques (UNISEP) :

Je crois sincèrement que nous sommes aujourd’hui à une période charnière en ce qui concerne l’insertion professionnelle des personnes malades, et ce au-delà de la seule sclérose en plaques. La société évolue. Les mentalités aussi. La personne malade n’est plus considérée au travers de son handicap ou des contraintes liées à sa maladie mais pour ses compétences et son potentiel en faveur de la société civile et professionnelle. »

Véronique Bustreel (cf photo), conseillère nationale Travail-Emploi-Formation au sein de l’Association des Paralysés de France (APF) relève, quant à elle, une confusion sémantique courante qui peut, en partie, expliquer les préjugés.

Situation de handicap ou personnes souffrant d’incapacités ne veut en aucun cas dire inaptitude au travail. La différence est importante. Elle est même au cœur de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Oui, on peut être atteint de sclérose en plaques et travailler. »

La dynamique apparaît en tout cas aujourd’hui positive et les entreprises semblent avoir saisi tout ce qu’elles avaient à perdre à mettre de côté un collaborateur atteint d’une SEP (ou d’une autre pathologie chronique) et, a contrario, tout ce qu’elles avaient à gagner à s’appuyer sur cette personne qui, au-delà de ses compétences professionnelles, fera preuve d’un investissement et d’un engagement irréprochables.

« Bien sûr, tout n’est pas parfait et je dirais même que la France est en retard sur cette question par rapport à d’autres pays, notamment les pays anglo-saxons. Mais nous partions de très loin », nuance Carole de Mulatier. Du côté de Véronique Bustreel, l’analyse est similaire. Elle salue une « prise de conscience progressive par les employeurs, les partenaires sociaux mais aussi les personnes malades qui évoquent désormais plus facilement leur état de santé ».

Parler librement de sa maladie

Pas question en effet de nier la réalité de la maladie, notamment le caractère imprévisible de ce qu’on appelle « les poussées » : ces phases pendant lesquelles la SEP s’exprime de manière aiguë (troubles cognitifs, difficultés motrices, visuelles etc.). Ces épisodes peuvent être extrêmement contraignants et invalidants pour la personne malade. Malheureusement, leur fréquence et leur intensité ne peuvent être contrôlées ni anticipées.

Vous pouvez très bien être en forme le lundi et souffrir terriblement le mardi, sans qu’il n’y ait eu de signes avant-coureurs de crise. L’employeur doit le savoir pour mieux anticiper et programmer des initiatives correctives que sont, par exemple, le télétravail – même si celui-ci doit rester ponctuel pour ne pas isoler le collaborateur – la mise en place de binômes, le partage d’informations et de dossiers entre collègues pour permettre la prise de relais en cas d’absence… Tout cela revient à adapter les conditions de travail à l’état de santé du collaborateur, »

précise Carole Mulatier. Encore faut-il que la maladie ne soit pas un sujet tabou au sein de l’entreprise… Et c’est là que le bât blesse souvent. La censure vient parfois de la personne malade elle-même qui n’ose pas parler par peur des conséquences. Une crainte courante veut que maladie dévoilée soit synonyme de licenciement ou de « mise au placard ».

La méconnaissance de la maladie engendre logiquement la peur. Mais comme SEP ne signifie pas fauteuil roulant, elle ne signifie pas non plus perte d’emploi. Au contraire ! Les collaborateurs qui ont parlé de leur maladie ont vu, dans la grande majorité des cas, leurs conditions de travail s’améliorer tant dans la relation avec leurs collègues qui, non informés, auraient pu dénigrer la personne malade en raison des absences répétées et injustifiées à leurs yeux. A l’inverse, le fait d’être informés les rend au contraire bienveillants tant dans l’aménagement du poste de travail que la spécificité des projets confiés avec des échéances à long terme autorisant des absences non programmées, »

souligne Carole de Mulatier. Parler tôt de la maladie et de ses contraintes permet donc de désamorcer ou prévenir des conflits, des ressentis négatifs de la part des autres collaborateurs mais aussi d’envisager toutes les aides possibles.

Des outils spécifiques autour d’interlocuteurs privilégiés

Les statistiques ne trompent pas. Si d’un côté, elles attestent d’une progression et d’une meilleure insertion dans l’emploi des travailleurs en situation de handicap – 1.000.000 de salariés dont 80% en milieu dit ordinaire de travail – de l’autre, elles viennent aussi tempérer le propos : près de 500 000 personnes en situation de handicap sont au chômage, soit 20% d’entre elles. Ce pourcentage n’est que de 10% chez les personnes valides (données Dares de novembre 2016 pour les personnes en emploi et pôle emploi pour les données chômage au 31/12/2016).

Alors, si le bien-être au travail et l’insertion professionnelle des personnes malades requièrent une évolution des mentalités, ils nécessitent aussi et surtout des actes. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont déployé des outils spécifiques autour d’interlocuteurs privilégiés (voir encadré ci-dessous).

Il existe aujourd’hui des dispositifs d’accueil et d’accompagnement du parcours, et des dispositifs de formation. Si des besoins d’aménagement du poste de travail ou de compensation de la situation de handicap dans l’emploi sont à prévoir, des outils de financements spécifiques peuvent également être amorcés. Pour chaque situation, des dispositifs de droit commun ou des dispositifs spécifiques existent et peuvent être activés. Soit par Pôle emploi – qui suit ¾ des demandeurs en situation de handicap – soit par le réseau spécialisé Cap emploi, pour les demandeurs d’emploi. Concernant les personnes en emploi, il existe également les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) dans chaque département. Ils peuvent être mobilisés par l’employeur et/ou la personne malade. Enfin, il ne faut pas oublier les associations. Elles proposent des espaces d’accueil, d’accompagnement, d’appui, de soutien, organisent des temps d’échanges sur les parcours professionnels, et des ateliers avec des acteurs de l’emploi, »

détaille Véronique Bustreel. Mais à qui s’adresser alors ? D’abord au médecin du travail. Tenu par le secret médical, il est à même de faire le lien entre l’activité professionnelle de la personne malade, la réalité de l’environnement de travail et la pathologie. En tant que spécialiste du travail, il doit pouvoir détecter ce qui est susceptible de poser problème et faire des propositions à l’employeur pour assurer le maintien dans l’emploi et le développement des compétences du collaborateur. Il est le relais-médiateur entre l’employeur et l’employé. Le responsable des ressources humaines (ou à défaut le chef d’entreprise pour les petites structures) et le supérieur hiérarchique sont aussi des interlocuteurs à solliciter.

Au final, la méconnaissance de la maladie et de ses contraintes, les aprioris quant aux réactions des uns et des autres poussent à adopter des attitudes contre-productives. Tous les acteurs de l’emploi doivent lutter ensemble contre la méconnaissance et la méfiance qui sont présentes du côté de l’employeur comme du côté du salarié. L’expérience me fait dire que la personne atteinte d’une maladie chronique telle que la SEP peut être différemment productive, différemment organisée, différemment intégrée, mais être toujours un excellent collègue et collaborateur, estime Véronique Bustreel. »

Pour en savoir plus : fiphfp.fr

 

Le saviez-vous ?

30 ans : c’est l’âge de la loi d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Instituée le 10 juillet 1987, elle a été modifiée par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle impose un quota d’emploi de 6% de personnes en situation de handicap dans les effectifs salariés. Elle propose plusieurs possibilités de réponse (emploi direct, accueil de stagiaires, recours au secteur protégé et adapté notamment).

Personnes malades et personnes handicapées ? parmi les bénéficiaires de l’obligation d’emploi, on trouve les personnes bénéficiaires de la pension d’invalidité. A ce titre, l’obligation d’emploi s’applique aussi aux personnes malades. Bien qu’elles ne soient pas forcément perçues par l’opinion publique et parfois par elles-mêmes, comme des personnes en situation de handicap.

Les dispositifs de soutien, de type Cap Emploi ou Sameth, qui participent au maintien ou à l’accès à l’emploi sont ouverts à tous les employeurs privés ou publics, quelle que soit leur taille de l’entreprise ou de l’établissement. La situation de la personne prévaut. A noter que pour les grandes entreprises, ces dispositifs peuvent être complétés par des accords d’entreprise sur le handicap.

Pôle emploi : Pôle emploi a la responsabilité d’accompagner les personnes en situation de handicap n’ayant jamais travaillé ou ayant perdu leur emploi. A l’heure actuelle, ¾ des demandeurs d’emploi en situation de handicap sont accompagnés par un conseiller Pôle emploi. La mission locale est également compétente en la matière.

Réseau Cap emploi : est un dispositif spécialisé dans l’accompagnement des parcours des personnes demandeuses d’emploi en situation de handicap. Présent sur chaque département, il est financé par Pôle emploi, par l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés) et par le FIPHFP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique).

Sameth : est un dispositif spécialisé pour l’appui au maintien dans l’emploi. Présent sur chaque département, financé par l’Agefiph et le FIPHFP, il est mobilisable notamment par les employeurs qu’ils soient privés ou publics, les médecins du travail et les salariés.
Les personnes en situation de handicap sont prioritaires sur un certain nombre de dispositifs d’aide à l’emploi, en particulier les contrats aidés. Cette priorité traduit une prise en compte par les pouvoirs publics de la spécificité de cette population qui rencontre plus de difficultés à accéder ou se maintenir à l’emploi.