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Une douleur loin d’être fantôme…

Près de 90 % des personnes amputées d’un bras ou d’une jambe ont la sensation que ce membre perdu est toujours là. Pour certains, cette sensation, non seulement désagréable, est aussi très douloureuse. Une douleur de type neurologique qui fait depuis plusieurs années l’objet de nombreux questionnements et travaux de recherche. Heureusement, pour soulager les patients, des solutions existent. État des lieux des réponses thérapeutiques, dont l’objectif est bien souvent de restituer au cerveau l’image de son corps entier…

« C’était le 12 décembre 2012… 12, 12 et 12. Facile à retenir, non ? », interpelle François. « J’ai peut-être perdu mon bras, mais je ne risque pas de perdre la mémoire de l’événement avec ce moyen mnémotechnique que m’a offert le destin », s’amuse ce comptable de 46 ans. L’homme a peut-être perdu son bras droit – amputé au niveau du coude suite à un accident de moto – mais visiblement pas son humour et encore moins sa bonne humeur que son entourage lui reconnaît. Enfin presque… car ce trait de caractère jovial en même temps que ce regard détaché qu’il porte sur le handicap disparaissent brutalement lorsque se réveillent de fortes douleurs ressenties au niveau de… son bras droit ! L’impression, presque constante, de piqûres et de fourmillements. Et puis, parfois, une très douloureuse sensation de brûlure.

Comme lui, ils sont des milliers à être amputés d’un membre (un bras ou une jambe) avec, pourtant, la sensation que leur membre disparu est toujours là et que ce dernier se rappelle douloureusement à eux. De quoi en surprendre plus d’un. Sauf les professionnels de santé et autres spécialistes qui ont baptisé cette pathologie neurologique : la sensation du membre fantôme. « Pour résumer en une phrase : ce qu’on définit comme le membre fantôme, c’est l’illusion de la persistance du membre amputé, quelle que soit la partie du corps. Le plus souvent, il s’agit des membres supérieurs ou inférieurs, mais ce phénomène peut aussi se manifester suite à une mastectomie, ou après s’être fait arracher une dent voire, plus rarement, suite à l’ablation d’un organe interne comme le pancréas avec la manifestation de douleurs pancréatiques internes », explique le Pr Nadine Attal, médecin de la douleur à l’hôpital Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

La douleur fantôme, une douleur pathologique

Si la présence du membre amputé est bien le fruit d’une illusion, la douleur quasi-constante, quant à elle, est bien réelle comme l’explique la neurologue. « Il s’agit d’une forme de douleur neurologique extrêmement pathologique. Nous ne sommes en aucun cas dans l’ordre du psychologique comme certains peuvent le croire. Les douleurs fantômes sont neuropathiques car elles sont liées à des lésions. Sans amputation, pas de douleurs… Ces dernières sont donc à mettre en rapport avec une réorganisation de la carte somato-sensorielle dans le cerveau après l’amputation. Une représentation mentale du membre persiste après l’amputation, et des phénomènes de plasticité cérébrale se mettent en place et favorisent ces douleurs ». Caractérisée le plus souvent par des brûlures et des décharges électriques, la douleur fantôme – véritable manifestation de la plasticité cérébrale – requiert habituellement une prise en charge médicamenteuse à base d’anti-épileptiques ou d’antidépresseurs. Dans de très rares cas, de la morphine. Et parce que la nature a horreur du vide, il s’agit également par anticipation d’une gêne, d’une douleur fantôme, mais aussi par confort et pour des raisons pratiques et esthétiques de « combler la zone muette ». Voilà pourquoi la prothèse, si elle est bien supportée par la personne, apparaît comme une première réponse aux douleurs du membre fantôme. En prenant la place du corps perdu, cette prothèse va littéralement éviter la modification de l’organisation cérébrale, source de douleurs.

La kinésithérapie, l’une des options

Parallèlement aux traitements pharmacologiques, une réponse physique de type kinésithérapie est proposée aux personnes amputées. Force est de constater que la solution kinésithérapeutique se veut des plus innovantes, comme c’est le cas par exemple avec les thérapies miroirs. Il s’agit de s’appuyer sur le principe de la plasticité cérébrale pour offrir au patient une nouvelle vision de son membre dont il aura l’illusion de la présence grâce au reflet dans le miroir. Preuve du plébiscite rencontré par la technique et de sa démocratisation progressive, l’outil est aujourd’hui disponible sur une grande plateforme de commerce en ligne. En toute autonomie, le patient peut ainsi réaliser un travail mental régulier qui s’apparente à un véritable exercice de rééducation pouvant considérablement améliorer ses sensations et atténuer la douleur.

La réalité virtuelle pour restituer au cerveau l’image de son corps entier

Le principe d’illusion ne s’arrête pas là. Les professionnels de santé ont désormais recours à la réalité augmentée. Une réalité virtuelle ou « illusion visuelle du mouvement » dans laquelle la personne paraplégique ou amputée évolue sur ses deux jambes et avec ses deux bras. Avec le temps et une meilleure perception de ses membres, les douleurs diminuent. La réalité virtuelle en 3D atténue donc les douleurs en restituant au cerveau l’image de son membre entier. « Travailler sur le mouvement, même s’il est virtuel, cela participe clairement à réduire et même à faire disparaître temporairement la douleur », souligne le Pr Attal avant de poursuivre : « Cela n’enlève en rien le travail d’acceptation de l’amputation. Mais il s’agit d’une autre prise en charge, psychologique celle-là, pour répondre au traumatisme de l’amputation. Mais, encore une fois, l’accompagnement psychologique, s’il répond à une détresse psychologique, ne suffira pas nécessairement à soulager la douleur du membre fantôme », insiste Nadine Attal.

Dans le sillon de plusieurs études et travaux reconnus sur la plasticité cérébrale (et sa réversibilité) et sur la connectivité neuronale qui ont été menés pour mieux comprendre les mécanismes subtils de la douleur fantôme, une autre réponse thérapeutique émerge. Elle s’appuie sur la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (RTMS) ou encore la stimulation médullaire via une électrode implantée et reliée à un stimulateur.

Il est à noter que ce phénomène du membre fantôme n’est pas obligatoirement douloureux comme tempère le Pr Attal : « Les sensations fantômes ne sont, fort heureusement, pas nécessairement désagréables à partir du moment où elles ne sont pas douloureuses. Les personnes ont alors l’impression qu’elles ont encore leurs membres. C’est la sensation étrange d’un membre qui est bloqué, qui bouge et, parfois qui est beaucoup plus proche du corps avec une main qui serait collée au moignon ».

L’information en plus…
Suite à une amputation, deux types de douleurs sont caractérisées. D’une part celles définies comme fantômes et associées à la sensation du membre fantôme. Elles sont la résultante de modifications de la plasticité cérébrale (voir ci-dessus). Il existe d’autre part, des douleurs pouvant être directement liées au moignon. Il s’agit de douleurs de névrome. Ce dernier correspond à une tumeur bénigne résultant de la cicatrisation de fibres nerveuses se formant au niveau du moignon d’amputation.

M-FR-00006270-1.0 – Établi en février 2022

Laetitia

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