10 milliards d’économies en santé

Système de santé
10 milliards d’économies en santé

Manuel Valls, le nouveau Premier Ministre, a annoncé son objectif de 10 milliards d’euros d’économie en trois ans des dépenses publiques de santé.

Pour Frédéric Bizard, enseignant à Sciences-Po Paris, « un tel plan d’économie est possible à réaliser à condition de changer de politique de santé et de réformer structurellement notre système de santé ».

Il rappelle que notre système de santé est le plus coûteux au monde après celui des États-Unis pour des résultats sanitaires dans la moyenne des autres pays européens. La France dépense en effet 50 milliards d’euros de plus que la moyenne des pays de l’OCDE. « L’organisation hospitalo-centrée de notre système de soins, la forte incidence des maladies chroniques et la sur administration du système sont les trois raisons majeures de surcoûts du système », souligne-t-il.

Dans sa culture et ses structures de soins, la France privilégie l’hôpital et consomme 15 milliards d’euros de plus de soins hospitaliers avec 100 000 lits de plus que la moyenne des autres pays de l’OCDE. « Notre système de santé intègre 1,3 million de nouveaux patients chroniques chaque année dans un système de remboursement à 100 % qui en compte déjà près de 10 millions. Notre modèle est uniquement pensé pour gérer ce flux et non le limiter, ce qui n’est plus soutenable financièrement », ajoute Frédéric Bizard.

Sans parler des coûts d’administration du système, qui sont les plus élevés d’Europe et traduisent un État omnipotent dans la gestion quotidienne et absent dans l’orientation stratégique. Il existe des solutions pour réduire ces coûts mais il faudrait selon lui changer le logiciel de notre système de santé, ce qu’aucun politique ne s’est risqué à faire tant la santé est jugée à haut risque politique. « Il est nécessaire de réduire notre surface hospitalière et d’organiser les parcours de soins à partir de la ville pour les actifs et du domicile pour les personnes âgées. Il faut investir en amont du risque santé pour freiner le flux des nouveaux patients chroniques. C’est le transfert de capacités vers l’individu pour lui permettre de mieux gérer son risque santé en développant notamment l’éducation santé pour les bien portants et les malades, les matériels innovants d’autoévaluation, la santé au travail et dans les écoles », ajoute-t-il.

Il regrette que cela n’ait pas été évoqué dans le discours de politique générale du premier Ministre dont l’effet d’annonce est en fait très anxiogène. « Généraliser le tiers payant, ralentir la restructuration des hôpitaux publics, affaiblir la médecine de ville, renforcer les rentes des complémentaires santé aux dépens de l’assurance maladie ; la liste est longue de décisions contradictoires avec une politique de réduction des dépenses publiques de santé », pour Frédéric Bizard, lequel critique deux ans de politique discriminatoire et vindicative contre les établissements hospitaliers privés et les professionnels de santé libéraux.

La stratégie nationale de santé va selon lui à l’encontre d’un plan de modernisation du système associant efficience et qualité. Marisol Touraine devrait annoncer l’installation d’un service public territorial de santé. « En tentant de nationaliser l’offre de santé, on cherche à installer le modèle anglais, avec son rationnement des soins et ses files d’attente, en pire car sans l’efficacité économique de la mise en concurrence locale des offreurs de soins. Les plus grands zélateurs du service public en sont souvent les plus grands fossoyeurs. La dégradation du service public de l’éducation nationale illustre bien cette triste réalité », conclut-il.