Infirmière à l’hôpital Cochin, Doriane Villordin s’est tournée vers le bénévolat après être devenue mère. Pour Voix des Patients, elle témoigne de cette expérience du don de soi.
Comment a commencé pour vous l’aventure du bénévolat ?
J’étais infirmière, puis, lorsque j’ai eu mes trois enfants, j’ai eu envie de leur consacrer plus de temps. Pour autant, je n’avais pas envie de quitter l’hôpital comme ça. Pour moi, c’était déchirant de ne plus rendre visite aux malades.
Il manquait quelque chose dans mon existence. N’ayant plus les mêmes disponibilités qu’avant, j’ai choisi de commencer le bénévolat.
Notamment dans le cadre de l’aumônerie de l’hôpital. Pendant trois ans, j’y ai consacré une demi journée par semaine. Désormais, je suis employée au sein de l’hôpital Debré, mais je garde un souvenir fabuleux de cette expérience.
De quoi les patients avaient-ils le plus besoin ?
Avant toute chose, ils avaient besoin d’écoute. Il ne faut pas être pressé et prendre le temps d’accueillir leur parole. C’est prioritaire. Ils ont besoin de témoigner de leur colère pour certains, et de leur culpabilité pour d’autres. Beaucoup de gens se demandent « pourquoi moi ? », « qu’est-ce que j’ai fait ? », « pourquoi ça me tombe dessus ? », « je n’ai rien fait de mal !»…
C’est important pour eux de se livrer à des gens comme moi, qui ne font partie ni du cercle familial ni du cercle médical. Ils peuvent ainsi tout lâcher sur nous, surtout si on arrive à les mettre en confiance.
Mais justement, n’est-ce pas difficile ?
On accueille certes des choses très différentes, parfois très dures. Cela suppose d’être bien dans sa tête. Il y a un juste positionnement à trouver entre une attitude empathique et la capacité à prendre de la distance. Cette dernière ne s’apparente pas du tout à de l’indifférence évidemment. Il faut aussi de la douceur, de l’humilité et de la sincérité. A mes yeux, c’est essentiel d’être vraie. Ce n’est pas un jeu. Il faut être dans la réalité de ce que vivent les patients.
Vous leur avez certainement apporté beaucoup…
A vrai dire, je ne sais pas très bien ce que j’apporte, en revanche, c’est très gratifiant de recevoir d’abord leur confiance, puis ensuite, parfois leur reconnaissance. Certains envoient même des petits mots. Les personnes visitées sont attentives à nous, leur question quelquefois est « comment allez-vous ? » Cela est très touchant.
Est-ce que cette expérience vous a transformée ?
Cela fait grandir. On voit les choses vraiment autrement, ne serait-ce que parce que les personnes auxquelles on rend visite sont couchées, alors que nous, nous sommes debout, et en bonne santé. Nos petits bobos ne comptent plus et on apprend à ne plus être centré sur soi-même, mais aussi à être vraiment en relation avec l’autre.
Cela fait mûrir l’esprit. Pour autant, on ne fait pas du bénévolat pour soi, mais pour l’autre. C’est là toute la beauté du geste. D’ailleurs, on n’a pas à parler de soi, sauf si le patient nous y invite.
Y-a-t il une rencontre qui vous a tout particulièrement marquée ?
A vrai dire, toutes les rencontres m’ont marquée. Je suis souvent sidérée par la force que les gens ont, et je ne suis pas sûre qu’à leur place, j’en aurai autant.
Je me souviens de toutes les histoires que j’ai entendues, elles restent à jamais gravées dans ma mémoire. Je pense souvent aux personnes auxquelles j’ai rendu visite.
Si je devais parler d’une rencontre en particulier, j’évoquerai cette femme, rencontrée par hasard dans un couloir. Nous avons commencé à discuter et elle m’a remerciée de m’intéresser à elle. Elle m’a raconté que son mari venait certes la voir, mais qu’il lisait son journal à côté d’elle. Point. En réalité, ce dont elle avait besoin, c’est de parler. De vider son sac.
Vous est-il arrivé de douter dans le cadre de cette expérience ?
De douter, jamais ! Mais de traverser des périodes difficiles, bien sûr. Ce n’est pas si évident d’entrer dans une relation vraie avec une personne. Certaines sont plus hermétiques que d’autres. Il faut souvent un temps de silence avant que la rencontre puisse se produire.