Cataracte : l’opération miracle devenue presque « banale »

Ophtalmologie
Cataracte : l’opération miracle devenue presque « banale »

L’opération de la cataracte consiste à poser un implant intraoculaire à la place du cristallin (petite lentille située à l’intérieur de l’œil). Ce dernier devient plus opaque avec le vieillissement. L’intervention chirurgicale, devenue « routinière » pour les praticiens experts, permet chaque année à des centaines de milliers de personnes de retrouver une vue nette quasi immédiatement.

C’est la chirurgie la plus communément réalisée en France. Un chiffre pour prendre la pleine mesure du phénomène : plus d’un million d’opérations, uniquement pour l’année 2023. Autant dire qu’à écouter les spécialistes, l’intervention n’a rien d’exceptionnel. Le Professeur Jean-Philippe Nordmann compte parmi ces praticiens pour qui la chirurgie de la cataracte fait partie du quotidien. Le chef de service d’ophtalmologie de l’hôpital des Quinze-Vingts (Paris, XIIe) en réalise environ 400 par an.

L’opération dure une vingtaine de minutes. Le patient ne reste à l’hôpital que 3 à 4 heures. Je sais que dans certains établissements, on ne lui demande même plus de se changer, puisque juste un drap posé sur le visage et le haut du corps délimite le périmètre stérile d’intervention », décrit l’ophtalmologue.

Un processus normal de vieillissement, pas une maladie

Une chirurgie qui n’a rien d’exceptionnel ? Certainement pas pour le commun des mortels qui y voit d’abord une opération au cours de laquelle une micro-incision de 2 millimètres va être réalisée dans l’œil (la cornée) pour venir « briser en miettes grâce à l’action conjuguée du laser et des ultrasons » un cristallin devenu opaque avant de l’aspirer. La première étape a assurément de quoi en impressionner plus d’un. La suite aussi, à vrai dire. Car, une fois la capsule cristallinienne nettoyée, il reviendra au chirurgien d’introduire, toujours via l’incision de 2 mm, une lentille transparente de 13 mm repliée sur elle-même, appelée implant intraoculaire. Inséré, l’implant se déploie et se positionne en lieu et place de l’ancien cristallin. La durée de l’intervention chirurgicale, la précision requise tout au long de l’opération, la fragilité et la complexité de la zone concernée… On comprend mieux l’appréhension de Michèle, 78 ans, à la veille de son opération. Et ce, même si elle sait le passage obligé pour mettre fin à la baisse de son acuité visuelle (notamment les difficultés rencontrées pour identifier distinctement les objets placés devant elle) et aux phénomènes d’éblouissement. Dans son cas, comme chez la plupart de ses congénères, le coupable a rapidement été désigné : un cristallin en proie au vieillissement. Comprenez une opacité progressive qui ne permet plus une concentration optimale de la lumière sur la rétine, et une perte des capacités de déformation de ce même cristallin, propriétés pourtant essentielles à la vue de près et de loin. Les ophtalmologues évoquent alors une presbytie étroitement associée à la chirurgie de la cataracte.

Je ne considère pas la cataracte comme une maladie. C’est davantage la résultante d’un processus normal de vieillissement d’un organe fragile, le cristallin. Autant dire que tout le monde, passé les 70-75 ans, est sujet à la cataracte. Personne n’y échappera et il n’y a rien d’inquiétant à cela, ce n’est pas la fin du monde », rassure le Pr Nordmann.

Avant de nuancer son propos : « Ce n’est pas grave en France car la chirurgie est parfaitement maîtrisée, qu’elle se fait la plupart du temps à un stade précoce avant toute complication et qu’elle est accessible à tous car prise en charge par l’Assurance-maladie. Ce n’est pas le cas partout, ce qui explique que la cataracte reste la première cause de cécité dans le monde ».

Des implants intraoculaires pour corriger myopie, hypermétropie, presbytie.

Opérer dès les premiers signes de cataracte limite aussi indéniablement les risques de complications post-opératoires. En effet, pour briser un cristallin toujours plus rigide, le chirurgien se verra obligé de procéder par à-coups pour le briser, ce qui constitue autant de traumatismes pour l’œil. Qu’à cela ne tienne, l’opération de la cataracte fait encore office de prouesse aux yeux du grand public . Pour preuve, une incision réduite de 13 à 2 mm sans point de suture ou la réduction du temps d’intervention de 3 heures à 20 minutes… Mieux, l’intervention apporte aujourd’hui une réponse spécifique aux problématiques rencontrées par les patients. En effet, la fabrication de l’implant intraoculaire peut désormais se faire sur mesure et permettre de corriger tous les défauts de la vue : de la myopie à l’hypermétropie en passant par l’astigmatisme ou la presbytie. Plus qu’une opération pour remplacer un cristallin défaillant, la chirurgie de la cataracte apparaît comme l’occasion de corriger une mauvaise vue.

Voilà pourquoi en amont, nous réalisons toute une série de mesures pour sélectionner le type d’implant qui sera le plus adapté », explique Jean-Philippe Nordmann.

Il est à noter que les patients qui rencontrent des difficultés pour voir de près et de loin, privilégieront d’abord un implant à même de leur assurer une bonne vision de loin, quitte à avoir recours à des lunettes pour voir de près (ex. pour la lecture). Un choix par défaut qui s’explique en partie par des considérations financières : les implants dits accommodatifs – permettant de voir de près et de loin en même temps – dans la grande majorité, ne sont pas remboursés par l’Assurance-maladie.

Empêcher le vieillissement naturel du cristallin ?

Côté recherche, difficile d’envisager l’optimisation d’une chirurgie déjà « très au point » comme aime à le répéter le Pr Nordmann. Hormis peut-être le développement d’une stratégie thérapeutique, ou plutôt préventive, pour empêcher le vieillissement naturel du cristallin, mais celle-ci n’est pas d’actualité. Il y a assurément d’autres problématiques qui concernent l’œil et qui méritent plus d’attention de la part de la communauté scientifique. « Par contre, la recherche concerne les implants utilisés qu’il importe de rendre toujours plus performants et adaptés entre ceux qui permettent de voir de près ou de loin, voire les deux, et les implants à profondeur de champ dits intermédiaires qui assure une bonne vision intermédiaire et de loin. L’évolution touche aussi aux à-côtés de l’opération, notamment l’anesthésie. Si l’anesthésie se fait aujourd’hui généralement sans piqûre, l’objectif est de la minimiser, notamment en ayant recours à la musique et à la parole pour relaxer les patients. La récupération serait encore plus rapide », renseigne l’ophtalmologue. Une autre question anime la communauté scientifique comme les pouvoirs publics : à quand une opération de la cataracte sur les deux yeux le même jour ? Jusqu’ici, en France, les deux interventions sont espacées de quelques jours voire de un mois, histoire de permettre au patient de récupérer rapidement et d’avoir dès le lendemain une excellente vision d’au moins un œil. Il faut dire que les réticences des patients à se faire opérer des deux yeux le même jour persistent. Des freins qui pourraient aussi venir de l’Assurance maladie car une seule opération correspond à une seule journée d’hospitalisation ambulatoire…

 

M-FR-00011859-1.0 – Établi en Juin 2024