Combiner rééducation fonctionnelle, soutien psychologique et accompagnement vers une réinsertion optimisée : c’est l’ambition que les professionnels du centre de Kerpape (situé à Ploemeur, près de Lorient) nourrissent pour leurs patients. Immersion dans un établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR).
Sophie* n’a plus une minute à perdre… Elle est déjà en retard. Il faut bien l’avouer, la ponctualité lui fait parfois défaut. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est pas un jour comme les autres. Le rendez-vous fixé n’est pas à prendre à la légère. La jeune femme doit en effet suivre dans quelques minutes sa première leçon de conduite. Comme des millions de jeunes adultes… Mais pour le reste, la vie de Sophie est bien différente de celle des autres jeunes de 18 ans. Ses déplacements, elle les fait à l’aide d’un fauteuil roulant en raison d’une récente amputation de la jambe droite, suite à un accident de scooter. L’heure c’est l’heure, alors aujourd’hui Sophie se presse pour rejoindre les locaux de l’auto-école… située à Kerpape. Au cœur même du centre de séjours et de soins où elle a été admise il y a 4 mois. Une école de conduite pleinement intégrée : c’est l’une des spécificités du centre de Kerpape.
La réinsertion sociale est importante
C’est une illustration concrète des multiples enjeux poursuivis par la rééducation/réadaptation. Nous ne nous situons pas seulement sur une intervention d’ordre physique pour redonner toute sa fonctionnalité au corps, mais nous nous inscrivons aussi dans une logique de réinsertion sociale optimisée du patient. »
« Et, chacun le sait, pour s’insérer ou se réinsérer socialement, le permis de conduire est un élément important, qui plus est en province. Conduire, c’est être libre et autonome pour faire ses courses, aller travailler, remplir ses obligations administratives, pratiquer des loisirs, rendre visite à sa famille et ses amis, consulter un professionnel de santé. À Kerpape, la reprise de la conduite automobile fait partie intégrante du parcours de soins », explique Servane Marivain, directrice des soins. On comprend mieux pourquoi l’établissement n’a pas hésité à investir pour se doter de véhicules adaptés et recruter des professionnels dédiés (deux moniteurs et une ergothérapeute appelés à valider les compétences de la reprise de la conduite avant passage officiel devant l’inspecteur et le médecin agréé). Un choix spécifique au centre breton quand d’autres établissements sollicitent directement des auto-écoles indépendantes (sur des créneaux précis) ou optent pour l’installation de simulateurs de conduite.
Pluridisciplinarité et partage d’expertise au service des patients
Anticiper la sortie des patients et préparer au mieux la reprise du cours de leur vie : l’ambition est clairement affichée à Kerpape comme dans la plupart des établissements spécialisés de ce type. Limiter l’intervention des professionnels du centre à la condition physique serait réducteur. L’aspect psychologique de la rééducation/réadaptation n’est pas à négliger, bien au contraire. Ce volet est même essentiel. Voilà pourquoi aux côtés des infirmiers et aides-soignants spécialisés en rééducation, des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des orthophonistes, des psychomotriciens, des orthoprothésistes et autres enseignants en activité physique adaptée, interviennent aussi des (neuro)psychologues, des éducateurs spécialisés, des assistantes sociales, des chargés d’insertion professionnelle, sans oublier des moniteurs d’équitation et… d’auto-écoles. Et la liste n’est pas exhaustive. Par définition, l’activité d’un centre comme le nôtre repose sur la pluridisciplinarité, le partage d’expertises, les regards croisés sur les patients et la collaboration professionnelle », indique la directrice des soins.
Et d’ajouter : « Elle repose aussi et surtout sur une pleine et entière mobilisation de tous les collaborateurs. Les gens qui travaillent ici ont fait un vrai choix de carrière professionnelle et humaine. Ils ne sont pas chez nous par hasard ou par défaut ». Il importe donc pour la direction du centre de soins de veiller à préserver la santé physique et morale de ses ressources humaines. Des supervisions d’équipes ont ainsi été mises en place pour faciliter les prises de parole et l’expression de chacun, en groupe ou à titre individuel. Une psychologue est également à la disposition des collaborateurs qui ressentent le besoin de parler. « Ma porte comme celle des autres cadres est ouverte autant que faire se peut pour recueillir les difficultés rencontrées et les besoins. Il s’agit d’accompagner au mieux les professionnels dans l’exercice de leurs fonctions. Nous n’oublions pas que pour accompagner efficacement un patient dans son parcours de rééducation, il faut que le thérapeute se sente bien », rappelle Servane Marivain.
La place centrale de la famille dans le parcours de soins
Au total, 650 professionnels représentant plus de 60 métiers différents officient à Kerpape au service des quelque 400 patients accueillis à la journée (en hospitalisation complète ou en hospitalisation de jour). Quant à la durée moyenne de séjour, elle varie selon les pathologies : certains ne resteront qu’un mois au bord de l’Atlantique, lorsque d’autres fréquenteront l’établissement jusqu’à 18 mois. « C’est dans le cadre de ces séjours longs que la construction d’un projet de vie après la sortie est nécessaire. Quoi qu’il en soit, notre rôle est de leur montrer qu’un accident, ce n’est pas la fin de la vie. Il leur reste encore beaucoup de moments heureux. Leur vie aujourd’hui et demain sera certes différente de ce qu’elle était hier, mais elle continue. Penser à demain, c’est aussi faire en sorte que le passage à Kerpape ne soit qu’une parenthèse », ambitionne la directrice des soins, ergothérapeute de formation. Une vie qu’ils doivent réapprendre à partager avec leur famille qui occupe une place centrale dans le processus de rééducation-réadaptation. Les proches en sont des acteurs majeurs. Pas question de les exclure du parcours de soins. « Nous les invitons systématiquement à rencontrer l’équipe de thérapeutes, à commencer par la psychologue qui évoque avec eux le parcours de rééducation et l’après. Les familles ont même la possibilité de résider pendant plusieurs jours dans nos appartements tremplins qui permettent à chacun de reprendre sa place de parents, d’enfants, de frères ou de sœurs au sein de la cellule familiale. Leur vie change également et nous prenons en compte leurs nouvelles responsabilités en leur proposant des parcours de formation dédiée aux aidants et un accompagnement jusqu’à un an après le départ du patient », explique Servane Marivain.
Un contact permanent avec l’extérieur…
Permettre aux patients d’entrevoir la vie d’après en dehors des murs de l’établissement, c’est aussi donner l’occasion au grand public de le fréquenter. La direction multiplie ainsi les initiatives pour ouvrir les portes de Kerpape au monde extérieur… Il n’est donc pas rare de croiser dans l’établissement des personnes valides venues profiter de la piscine du site ou de ses équipements sportifs, à commencer par son gymnase. D’autres patients « sortis » déjà depuis quelques mois ou années n’hésitent pas à répondre favorablement à l’appel des professionnels du centre et reviennent y partager leurs expériences le temps d’une journée, une après-midi ou une soirée. « Ces groupes de parole avec des anciens patients et ou des personnes récemment accidentées qui viennent raconter leur histoire sont très importants car le discours est tout de suite plus audible et légitime aux yeux des patients actuels qui se disent que la personne en face d’elles sait de quoi elle parle. C’est aussi l’occasion de sortir du discours thérapeutique pour avoir un temps d’échange plus libre entre les patients », explique Servane Marivain. Elle met un point d’honneur à souligner « la convivialité, la solidarité et la bonne humeur » qui règnent à Kerpape. La jeunesse d’une partie des patients n’y est pas étrangère. En effet, l’établissement accueille un tiers d’enfants via son volet pédiatrie. Par ailleurs, le site d’envergure se décompose en unités accueillant un maximum de 25 patients. Des effectifs réduits qui renforcent la proximité et permettent aux patients de nouer une relation particulière entre eux et avec leurs soignants. En dépit de lourdes pathologies prises en charge** et des moments difficiles, notre établissement est un endroit avec une âme où la bienveillance, la solidarité, la patience, l’écoute, le partage sont de rigueur.
« Il est vrai, par ailleurs, que la pédiatrie est toujours propice à créer des moments vivants, plein de vie et c’est très bien ainsi. Ne soyez donc pas surpris, par exemple, d’assister dans les couloirs à des courses de fauteuils roulants pour aller plus rapidement supporter notre équipe de Foot Fauteuil », prévient-elle.
* L’identité de la patiente a volontairement été changée.
** Patients souffrant de troubles neurologiques (Parkinson, Sclérose en plaques), accidentés vasculaires cérébraux, traumatisés crâniens, grands brulés, personnes blessés médullaires (paraplégiques et tétraplégiques), patients polytraumatisés.
M-FR-00011211-1.0 – Établi en avril 2024