En décembre 2020, à l’âge de 31 ans, Sarah découvre qu’elle est atteinte de la maladie de Verneuil. Depuis l’adolescence, elle se posait des questions sur des inflammations cutanées, mais jamais un diagnostic n’avait été posé. Désormais, elle partage des informations sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les patients et leurs proches. Elle nous a accordé un entretien.
Pour commencer, pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette maladie très mal connue…
Elle se caractérise par des abcès à répétition, lesquels sont localisés dans les glandes sudoripares, autrement dit dans tous les plis du corps (sous les aisselles, dans les plis de l’aine, sur le sillon interfessier, sous les seins…). Elle peut se déclarer sur le visage, mais se manifeste le plus souvent dans les zones chaudes du corps, là où il y a du frottement.
Est-ce que c’est douloureux ?
Oui très. Dans les services de dermatologie, on dit que c’est la maladie de peau la plus douloureuse.
Existe-t-il une dimension génétique ?
Des recherches sont en cours pour le savoir, mais on observe qu’une grande partie des personnes qui souffrent de la maladie de Verneuil ont des proches eux aussi concernés. En ce qui me concerne, aucune personne de ma famille n’en souffre. En termes de prévalence, les femmes sont très représentées. Des investigations cherchent à évaluer d’éventuels aspects hormonaux.
Existe-t-il des facteurs aggravants ?
Oui l’alimentation, le tabac, le surpoids… mais cela n’explique pas tout, car parmi les patients, beaucoup sont des grands sportifs, non-fumeurs et avec une alimentation très saine.
Quels sont les traitements ?
En première intention, des crèmes antibiotiques et corticoïdes locales sont prescrites par le dermatologue pour faire diminuer les abcès et limiter le risque d’infection. En deuxième intention, vient le traitement chirurgical à savoir des greffes de peau, l’ablation des abcès à l’hôpital… autant dire des gestes assez lourds pour éviter une récidive. D’autres patients sont sous antibiothérapies avec des traitements conséquents.
Pourquoi le diagnostic a-t-il été posé si tard en ce qui vous concerne ?
On me parlait d’abcès, parce que j’étais en surpoids. Les médecins ont évoqué des problèmes hormonaux et émis l’hypothèse de lésions causées par le tabac… En tant qu’aide-soignante, j’ai été amenée à prendre en charge des patients qui souffraient de cette maladie et je réalisais que j’avais les mêmes symptômes. Quand le verdict est tombé, je connaissais déjà cette pathologie.
Les inflammations étaient localisées à quel endroit chez vous ?
Au début, c’était vraiment dans les plis de l’aine surtout sur le coccyx, puis au niveau du pubis. C’était très douloureux. Récemment, j’ai eu un gros abcès derrière l’oreille, un autre dans le cou, dans le dos, sur les fesses et derrière les jambes. La maladie a pris de l’ampleur. Quand j’ai été diagnostiquée j’étais sur un stade 1, et aujourd’hui je suis sur un stade 2.
La greffe, c’est quelque chose que vous avez envisagé ?
Je me suis fait opérer au niveau du coccyx, et ce fut très douloureux. À aucun moment on ne m’a parlé d’une greffe que j’aurai préférée, pour éviter trois récidives. Pour l’instant je me sens chanceuse, car j’arrive plus ou moins à contrôler ma maladie, mais si demain j’ai besoin de passer par la greffe, je le ferai.
On imagine que les symptômes sont très invalidants, surtout pour les ados…
Tout à fait ! Beaucoup de jeunes m’écrivent pour avoir des conseils. Cette maladie évolue par poussées. On peut ne rien avoir un jour, et dans la nuit, découvrir un abcès plus gros qu’une balle de golf entre les jambes. On ne peut alors plus marcher tellement on a mal et on est épuisé. Les personnes qui travaillent ne peuvent pas y aller. Les étudiants qui ont des examens ne peuvent s’y rendre. Impossible de s’asseoir, de conduire… Il m’est arrivé d’annuler des rendez-vous, de ne pas être en mesure de m’occuper de mes enfants, de ne même pas pouvoir me lever ou bouger tellement l’abcès est énorme. Dans la mesure où c’est localisé dans des zones intimes, cela ne se voit pas. Difficile de communiquer avec son patron sur cette maladie invisible.
Pour des jeunes qui sont en train de se construire et de connaître les premières relations sentimentales, cela doit être difficile à vivre au-delà de la douleur ?
Le plus difficile à supporter c’est l’image de soi. La maladie laisse beaucoup de cicatrices, on a plein de boutons, ce n’est pas très beau. Cela ne m’a pas empêchée de rencontrer l’homme avec lequel je partage ma vie, et d’avoir des enfants, mais en effet, beaucoup de jeunes n’osent pas rencontrer quelqu’un, pour ne pas avoir à montrer leurs corps. Ils n’ont pas envie de se mettre en maillot et ont du mal à assumer car « ce n’est pas glamour ». Quand l’abcès se perce, ça ne sent pas très bon, on en devient même un peu « paranoïaque ». Je me souviens qu’en ce qui me concerne, quand j’étais adolescente, je ne voulais pas aller ni à la piscine ni à la plage pour ne pas me montrer. Je ne voulais pas en parler à mes parents. Quand j’étais indisposée, je savais que la semaine qui allait suivre mes menstruations, des abcès allaient se manifester. Je me disais que c’était hormonal et que cela allait passer.
Quels sont les principaux préjugés ?
Le fait que ce soit contagieux ! Non, la maladie ne s’attrape pas. C’est aussi pour cela que j’ai voulu sensibiliser, afin de casser les idées reçues. Ce n’est pas parce que quelqu’un de votre famille a cette maladie que vous allez l’avoir. La culpabilité est énorme pour les parents, avec la peur de transmettre un gène et/ou la maladie.
Vous avez eu envie de raconter votre vécu. Est-ce que le fait de partager avec d’autres vous a fait du bien ?
Quand le diagnostic a été posé, je me suis sentie soulagée avec le sentiment d’être enfin prise au sérieux et entendue. En même temps, j’ai pris conscience que j’avais une maladie chronique. Il fallait que je fasse quelque chose de cette information. L’idée de créer une page s’est vite imposée. À la base, c’était une façon pour moi de poser des mots sur mes maux, de me renseigner et de tout mettre sur un blog et sur Instagram. J’avais besoin de synthétiser toutes les données que je pouvais trouver, avec la conscience que peut-être j’allais aider d’autres personnes (diagnostiquées ou pas), et qui se sentent un peu seules parce que ce n’est pas facile au quotidien d’en parler. L’objectif était de libérer la parole et de pouvoir échanger avec des gens qui souffrent de la même chose que moi.
Quels ont été les retours ?
Grâce à cette page Instagram, j’ai rencontré des gens qui aujourd’hui sont devenus des amis. J’ai bénéficié de plein d’astuces, et j’en ai partagé aussi. Avec les autres patients, nous parlons au quotidien, et organisons régulièrement des « live ». Je fais partie de l’association « solidarité Verneuil », car j’ai eu envie de m’engager, pour aider à mon niveau. J’ai fait le choix de « m’afficher », de poster des photos… Le but n’est pas de choquer, mais de sensibiliser. Et de permettre aux patients et à leurs proches de se sentir moins seuls. Je ne suis pas médecin et ne donne pas de conseils médicaux quand on m’en demande, je suis là pour partager mon expérience. Je fais très attention aux commentaires car je veux que mon blog soit un lieu bienveillant.
Comment se passe votre vie aujourd’hui ?
J’ai la chance d’être très aidée par mon compagnon. Dans les périodes de poussées, je peux compter sur son aide. C’est grâce à lui que je me suis fait diagnostiquer, il m’a poussé à aller voir plusieurs spécialistes pour poser un nom sur ce que j’avais. C’est lui qui a eu l’idée de mes projets sur le web pour sensibiliser. Écrire me permet en effet d’extérioriser. Il me soutient énormément, et m’aide à faire des recherches. Mon fils Victor va avoir bientôt 7 ans, il est au courant. On en parle beaucoup. Je suis très aidée par mes proches que ce soit mes parents ou mes amis.
M-FR-00007605-1.0 – Établi en octobre 2022