« Construire un modèle gagnant-gagnant entre patients et professionnels de santé »

Hôpital
« Construire un modèle gagnant-gagnant entre  patients et professionnels de santé »

Lionel Reichardt, fondateur chez 7C’s Health – Pharmageek, et membre du comité stratégique de plusieurs startups en E santé explore le territoire de la santé digitale. Curateur, bloggeur, consultant, influenceur sur les réseaux sociaux, Lionel veut casser les silos entre les acteurs de santé.

On parle beaucoup de e-santé ou de santé connectée, qu’est ce que cela recouvre ?
La e-santé regroupe beaucoup d’activités autour de la digitalisation de la santé. On parle alors de « santé digitale » qui comprend des solutions très diverses : objets connectés, applications mobiles, systèmes d’information hospitaliers, serious games ou télé-médecine.

Quels sont les grands enjeux ?
Les enjeux sont nombreux et les attentes fortes. Il s’agit de faire face à une multitude de défis. Défis économiques pour rendre plus efficients nos systèmes de soins. Défis démographiques pour éviter les déserts médicaux et accompagner le vieillissement de nos sociétés. Défis sociétaux enfin pour éviter les inégalités de soins et tendre vers un système le plus juste possible.

Qu’est-ce que cela va changer ou change déjà pour les patients ?
La digitalisation replace le consommateur comme un acteur majeur des secteurs économiques qu’elle transforme. A l’heure de l’ « individu média », le rapport à l’information est modifié.
Dans la santé, cela se caractérise par le « Patient empowerment » et la modification de la relation médecin/patient. Autrement dit, on évolue d’une relation paternaliste à une relation de partenariat, dans laquelle le patient est un acteur à part entière et souhaite comprendre et apprendre, pour participer aux décisions qui le concerne.

Les acteurs de la e-santé ne sont pas les acteurs traditionnels mais plutôt ceux du numérique : pourquoi ? est ce une bonne ou mauvaise chose ?
Les acteurs technologiques s’intéressent beaucoup à la santé. D’abord parce qu’il s’agit d’un marché colossal qui touche 100% des individus et représentent 10 à 20% des PIB des pays développés. Ensuite parce que le secteur, comme beaucoup d’autres avant lui, va connaître ce phénomène de rupture numérique pour lequel ces sociétés ont de grandes prédispositions. Si les acteurs « traditionnels » ont été pris de cours au démarrage, ils rattrapent actuellement leur retard notamment par la mise en place de partenariats avec ces acteurs technologiques. Créer des solutions de santé, c’est avant tout une histoire de convergence d’expertises et de technologies. La co-création entre acteurs est un moyen essentiel.

Comment reconnecter le patient et le soignant alors que le digital permet aux patients d’accéder directement à de nombreuses sources d’informations ?
Cette santé connectée doit reconnecter le patient et le professionnel de santé. Il ne faut pas confondre autonomie et solitude. Le patient gagne en savoir et en expertise sur certains sujets liés à sa pathologie. C’est le cas particulièrement dans les maladies chroniques. Il peut même dans certains cas, de par son expérience de la maladie, être un expert de cette maladie et contribuer à la formation d’autres patients.. Voire de professionnels de santé. La data et la prévention seront au cœur de cette relation qui se construit au tour de la santé et non plus uniquement de la maladie.

Face à ce nouveau paradigme, qu’est ce qui vous semble le plus important ?
D’amener tous les acteurs au même niveau. Selon moi les professionnels de santé sont à la traîne et il y a encore beaucoup à faire en la matière. Si l’enjeu principal est d’éduquer le patient et de l’accompagner dans son autonomie, il faut aussi éduquer les professionnels de santé. Il faut une vraie volonté de construire sur un modèle gagnant-gagnant. Et pour le professionnel de santé la relation sera plus constructive avec son patient.

On entend beaucoup parler d’applications et d’objets connectés pour améliorer la guérison des patients. Comment distinguer le bon grain de l’ivraie ?
L’idée n’est pas forcément de guérir, mais bel et bien de prévenir et il faut distinguer l’outil de la solution de santé. Une application ou un objet connecté ne sont rien s’ils ne s’intègrent pas dans une approche ciblée autour d’une pathologie, d’un besoin et d’un patient, avec des objectifs bien définis.
Construire une solution de santé c’est travailler aussi sur son évaluationet sa validation pour envisager demain qu’elle puisse être prescrite et pourquoi pas remboursée.
L’un des enjeux majeurs est de permettre le changement de comportements hygiéno-diététiques. C’est ce qui permettra, dans le cas de maladies chroniques, comme certaines maladies cardiovasculaires ou le diabète, d’avoir un réel impact sur la santé publique et sur l ‘efficience du système de soin.
Une autre application se trouve dans la “silver économie” et le maintien à domicile. Dans ce cas là, la santé connecté se rapproche de la maison connectée qui connaît aussi un développement important. Pour ce qui concerne les solutions santé il faut se rapprocher du médicament et avoir la même exigence d’évaluation. Les aspects éthiques ne doivent pas être écartés non plus !