Le courage d’Arnaud et de sa famille face au locked-in syndrome

Le courage d’Arnaud et de sa famille face au locked-in syndrome

Une vie avec la maladie c’est possible. À condition de s’en donner les moyens mais aussi et qu’on vous en donne les moyens ! C’est en substance le message délivré par Annick et Michel dont le fils, Arnaud, est atteint du locked-in-syndrome* depuis près de 25 ans. Paralysé à 90 % et ne s’exprimant qu’à travers des clignements de paupières, le jeune homme de 44 ans, comme ses parents, témoignent pourtant d’une abnégation et d’un positivisme à toute épreuve. Comme un pied de nez à une maladie dont la prise en charge relève encore du parcours du combattant…

Le « fameux » bug de l’an 2000… Qui s’en souvient ? Rares sont celles et ceux prêts à revenir sur la psychose qui s’était emparée d’une partie de la population mondiale face à la prophétie d’une panne informatique généralisée appelée à paralyser la planète… La peur du ridicule certainement. Car le bug de l’an 2000 n’a finalement pas eu lieu… « Sauf pour notre fils », corrige Annick, 73 ans. Car, c’est en ces termes – « bug de l’an 2000 » – qu’elle identifie le 7 janvier de ladite année. Ce jour-là, Arnaud, 20 ans – le fils aîné de la famille – sombre dans un locked-in syndrome (LIS) suite à une rupture d’anévrisme.

La connexion entre l’ordinateur central qu’est le cerveau et l’imprimante qui représente le reste du corps a brusquement été rompue », précise Michel, son père, en usant du champ lexical de l’informatique – comme un clin d’œil au cursus d’ingénieur informatique que suivait Arnaud au moment de son AVC.

Quelques jours de coma suffiront aux équipes médicales pour poser le diagnostic et à la famille pour intégrer le verdict définitif. Si les facultés mentales et cognitives d’Arnaud sont intactes, son corps est inerte. Seuls des réflexes – mouvements involontaires caractéristiques du LIS – des clignements volontaires de paupières et une flexibilité contrôlée du pouce de la main gauche sont conservés. Ironie du sort, quelques mois auparavant, sur les conseils d’une amie, Annick avait dévoré Le scaphandre et le papillon, un ouvrage rédigé par Jean-Dominique Bauby lui-même atteint du locked-in syndrome. « Quand les médecins de l’hôpital Henri Mondor m’ont indiqué qu’Arnaud ne parlerait plus, ne bougerait plus mais que son cerveau fonctionnait normalement, j’ai tout de suite fait le lien avec le LIS. Ils étaient surpris et soulagés que je connaisse la maladie et qu’ils n’aient pas à se lancer dans de longues explications. À partir de là, notre nouvelle vie a commencé », explique-t-elle.

Un livre se ferme, un autre s’ouvre…

C’est dans la Sarthe que les premières lignes de cette vie avec la maladie s’écrivent. Pendant 5 ans, Annick et Michel vont parcourir, tous les week-ends, les 400 km qui séparent Paris du Mans. La distance (aller-retour) entre le domicile familial et le centre de rééducation où ils ont réussi, non sans mal, à faire admettre Arnaud.

Passé le coup de massue, nous n’avions pas d’autre choix que d’avancer, rester solidaires, adopter une logique combative et continuer à vivre, pour nous, pour Arnaud et pour son frère cadet Xavier qui n’avait que 17 ans à l’époque. Nous étions tous abattus par la brutalité de cette épreuve et ressentions un profond sentiment d’injustice. Mais nous ne pouvions pas rester à nous lamenter sur notre sort », se souvient Michel.

La marche est pourtant haute, très haute. Parallèlement aux démarches administratives et sanitaires, sans oublier de gros efforts financiers consentis pour optimiser la prise en charge d’Arnaud, le couple conserve une activité professionnelle, celle d’assistante de direction au sein d’une grande banque nationale pour elle, celle de chef de projets au sein d’une entreprise spécialisée dans la pose de voies de chemin de fer pour lui. « Sur ce plan, je ne peux que saluer le soutien apporté par mon employeur qui a notamment mis à ma disposition un chauffeur pour m’emmener tous les jours à l’heure du déjeuner voir mon fils hospitalisé à l’hôpital Henri Mondor », révèle-t-elle, non sans émotion.

Un manque de formation des professionnels de santé

Au Mans, les progrès d’Arnaud sont lents mais certains, favorisés par les séances quotidiennes de kinésithérapie, d’orthophonie et autres soins. L’accompagnement psychologique n’est pas non plus étranger au mieux-être du jeune homme. « Au départ, Arnaud ne voulait voir personne et ne sortait presque pas de sa chambre. C’était compliqué à vivre car notre objectif premier quand nous avons fait le choix de ce centre médicalisé plutôt que la rééducation à la maison, c’était justement de lui offrir l’opportunité de continuer à nouer des relations sociales… Contrairement à ce qu’ont pu penser certaines personnes, nous ne l’abandonnions pas, bien au contraire. Nous devions aider Arnaud à faire le deuil de sa vie d’avant, nous aussi d’ailleurs. Ça a pris du temps, il a fallu être patients », explique Michel. La patience : voilà, à coup sûr, l’un des maîtres-mots associés au LIS. En effet, de la personne malade aux proches de celle-ci en passant par les soignants, chacun se doit d’être patient. Qui plus est pour des professionnels médico-sociaux pour qui le locked-in syndrome faisait figure de grande inconnue. Ce n’est pas exagéré d’affirmer que les soignants au Mans se sont formés et ont développé leurs compétences au contact d’Arnaud. Encore aujourd’hui, nous constatons un manque de formation criant des professionnels du soin face à cette pathologie spécifique », se désole Annick. Qu’à cela ne tienne, petit à petit, Arnaud reprend goût à la vie, stimulé par les challenges que lui proposent ses parents et l’équipe soignante. Objectif : développer chez lui un sentiment d’utilité. L’homme qui a appris à communiquer en clignant des paupières pour épeler les mots** fait ainsi bientôt office de « hotline » face aux caprices technologiques des jeux électroniques que possède le centre spécialisé du Mans…

Redonner espoir en la vie

Ce costume « de dépanneur de bugs informatiques » – comme par hasard – Arnaud continue à l’endosser même après son installation en 2004 dans un établissement spécialisé situé dans le 19e arrondissement de Paris. Il y restera jusqu’en 2018 avant de poser ses valises à Boulogne-Billancourt dans la maison d’accueil spécialisée gérée par la fondation Perce-Neige et fondée en collaboration avec ALIS (Association du Locked-In Syndrome). Unique en son genre (en France et en Europe), ce lieu est dédié aux personnes souffrant de LIS ou d’une tétraplégie de haut-niveau. « L’endroit est exemplaire et nous sommes fiers d’avoir contribué à son aménagement en faisant part de notre vécu, nos expériences, nos attentes et nos conseils », se réjouissent Annick et Michel. Le couple de retraités continue aujourd’hui de s’investir pleinement au sein de l’association qui vient en aide aux personnes malades et à leurs familles. « Les membres d’ALIS nous ont beaucoup aidés. Il est normal et logique qu’à notre tour, nous rendions la pareille, que nous partagions notre savoir et nos modestes conseils aux familles qui ont à subir une épreuve similaire. Notre objectif est également de faire de la cause un enjeu de santé publique car vivre avec le LIS c’est un combat de tous les jours, pour les personnes malades mais aussi leurs proches », martèle Annick. Redonner espoir en la vie à ceux qui pourraient douter serait presque devenu la spécialité de la famille. Arnaud le fait régulièrement. Comme ce jour où avec un texte slam (rédigé par ses soins et lu par l’un de ses soignants), il bouleverse l’assistance composée en partie de personnes en situation de handicap qui saluent son courage et voit en lui un exemple… « Arnaud ne bouge peut-être plus mais il a gardé toutes ses capacités cognitives. Il a donc besoin d’être stimulé intellectuellement. Il est capable de réfléchir autant, voire davantage qu’une personne valide. Il le démontrera peut-être lors d’un prochain tournoi d’échecs, lui qui se passionne actuellement pour cette discipline », ambitionne sa mère…

* 500 personnes seraient atteintes par cette maladie rare en France (données 2022/Association ALIS).
** selon un système normé d’alphabets organisé en fonction de la fréquence d’apparition des lettres dans le langage quotidien.

À votre agenda

ALIS (association du Locked-in syndrome) organise son concert 100 % rock au profit des personnes touchées par le syndrome d’enfermement le mardi 19 novembre à 20h, au Carré Belle-Feuille de Boulogne-Billancourt. Entrée gratuite, sur réservation ici : https://tinyurl.com/ydjwrd2z. Au programme, les reprises par les Tendax Brothers, de titres emblématiques composés par les Beatles, les Blues Brothers, les Rolling Stones, Led Zeppelin, Wilson Pickett, Otis Redding ou encore Téléphone.

M-FR-00012693-1.0 – Établi en novembre 2024