Ils croquent la vie à pleines dents, malgré l’hémophilie

Maladies rares
Ils croquent la vie à pleines dents, malgré l’hémophilie

Cinquante-sept ans avec la maladie n’ont entamé ni le moral ni le plaisir de vivre de Jean-Marc Dien. Bien au contraire… Avec son épouse, Maryse, ils sont membres actifs de l’Association française des hémophiles (AFH). Nous nous sommes entretenus avec ce couple, qui démontre qu’il existe bel et bien « une vie avec la maladie. » Leur regard sur l’hémophilie est à la fois réaliste et optimiste.

Après quelques minutes d’échange, il finit enfin par l’admettre : non, il n’a « pas eu une vie tout à fait normale ». Comment pourrait-il en être autrement pour celui qui soufflera bientôt ses 57 bougies et qui a grandi, construit sa famille et poursuivi sa carrière professionnelle, malgré une hémophilie sévère de type A ? En écoutant plus attentivement Jean-Marc Dien, on comprend rapidement que l’homme maîtrise l’art du contre-pied. Aussi, l’aveu initial prend alors un nouveau sens…

Non, c’est vrai, nous n’avons pas eu une vie normale. Car, contrairement à beaucoup de familles françaises, nous avons jusqu’ici eu la chance d’accomplir de nombreuses choses. Avec nos enfants, nous sommes régulièrement partis en vacances ou en week-end. Nous avons participé à diverses activités culturelles et sportives… Mieux, cette maladie nous a aussi permis de rencontrer des gens extraordinaires qui nous ont beaucoup appris. Bref, jusqu’ici notre vie a été riche, animée, dynamique et nous espérons qu’elle continuera à l’être,

résument Jean-Marc et son épouse Maryse.

Une tendre enfance malgré l’hémophilie…

Aucun doute : le couple rémois croque la vie à pleines dents, comme pour faire un pied de nez à la maladie héréditaire qu’est l’hémophilie. Il faut dire que les « pieds de nez », Jean-Marc les apprivoise depuis ses jeunes années. Lui, le petit dernier d’une fratrie de cinq enfants, diagnostiqué hémophile dès ses 20 jours, et qui faisait l’objet de toutes les attentions familiales. Lui, qui, à l’époque, fréquenta l’école des filles, jugées moins turbulentes que les garçons et donc moins dangereuses pour son intégrité physique. Lui, qui avoue avoir toujours bénéficié de la bienveillance de ses professeurs et camarades de classe informés à chaque rentrée des précautions à adopter à son égard.

Toute cette attention était rassurante, appréciable, confortable. Jamais elle n’a été stigmatisante. Je ne me suis aucunement senti différent, encore moins vulnérable. J’ai eu une tendre enfance…

Optimistes mais réalistes face à la maladie

Mais les conséquences de la maladie ne sont pas totalement oubliées non plus. Elle aura su se rappeler régulièrement à lui : elle l’obligera ainsi à passer deux mois à l’hôpital alors qu’il n’avait que huit ans ; à se déplacer presque à genoux tellement il était meurtri par les douleurs articulaires ; à se faire poser prothèses de hanche et de genoux…

Etre optimistes et proactifs face à la maladie ne nous empêchent pas d’être réalistes et pleinement conscients des difficultés liées à l’hémophilie. Ce n’est pas facile tous les jours, bien entendu pour lui, mais aussi pour sa famille. C’est parfois un peu contraignant, mais nous avons choisi de vivre !

aime à répéter Maryse Dien. Le couple n’a cessé de prendre la vie du meilleur côté, malgré une succession d’étapes rendues plus ou moins difficiles par la maladie, à commencer par le mariage. Maryse remarque :

L’annonce de notre mariage a été une source d’inquiétudes pour mes parents et ma famille élargie ; se marier signifiait avoir un jour des enfants. La maladie de Jean-Marc était donc source d’angoisses pour eux, comme elle l’est chez la majorité des personnes trop mal informées. Encore aujourd’hui il y a un manque cruel d’informations.

Les questions sur la transmission de l’hémophilie

Lors de leur rencontre, Jean-Marc lui a rapidement parlé de sa maladie, ne suscitant aucune inquiétude chez elle.

La maladie n’a jamais été un tabou. Dans notre couple, comme dans la famille ou la sphère amicale, nous en avons toujours parlé librement et naturellement,

explique Jean-Marc. Des craintes sont apparues au moment d’envisager le premier enfant…

Avoir une fille conductrice, c’était courir le risque d’avoir un jour un petit-fils hémophile. J’avais peur que nos petits-enfants soient touchés,

justifie Maryse. Pour tenter d’éviter la transmission héréditaire de la maladie, le couple a consulté le professeur Friedman et Maryse a même suivi un régime qui était sensé influencer le sexe du bébé. Mais finalement Maryse accouchera, avec bonheur, d’une fille ! Puis d’une autre avant l’arrivée d’un garçon. Maryse avoue :

Mes deux filles, Perrine et Mathilde, sont conductrices, et donc susceptibles de transmettre la maladie à leurs potentiels enfants garçons. L’angoisse de la transmission, je l’ai ressentie quand ma seconde fille m’a annoncé sa grossesse. Lorsque nous avons su qu’il s’agirait d’une petite-fille, c’est vrai, j’ai été un peu soulagée, cependant, la décision ne nous appartenait pas et le couple avait choisi de mener cette grossesse à terme en s’appuyant sur les connaissances, les avancées médicales et l’appui de l’association. Nous sommes rassérénés par cette décision.

Membres actifs de l’Association française des hémophiles

Membre active de l’Association française des hémophiles, Maryse partage son expérience au sein du groupe de femmes qu’elle anime.

J’essaie avant tout de rassurer les mamans à travers mon expérience personnelle. Il faut aujourd’hui prendre en compte toutes les possibilités thérapeutiques qui s’offrent aux personnes malades et à leurs proches. Dans les années 60, quand mon mari est né, il n’y avait rien. A l’âge de 14 ans, il est passé de rien à l’auto-traitement.

Ce fut littéralement une révolution. J’étais, d’un coup, devenu libre de mener la vie que je voulais,

ajoute Jean-Marc. Et si le couple s’évertue à « vivre pleinement l’instant présent », les Dien ne s’empêchent pas, pour autant, de se projeter à moyen et long terme. Pour preuve, lors de la construction de leur maison il y a 20 ans, Maryse et Jean-Marc ont souhaité que celle-ci soit de plain-pied et qu’elle soit dotée de portes assez larges pour permettre le passage d’un fauteuil roulant.

Avec le recul, c’est amusant de voir que ce sont aujourd’hui des préoccupations de personnes de notre âge en bonne santé. La maladie nous a juste amené à y réfléchir plus tôt que les autres,

s’amuse Maryse. Cette vision à long terme concerne également l’attention que porte la famille Dien aux avancées de la recherche scientifique. Et Jean-Marc de conclure:

bien entendu, qu’il y a des problèmes dans la prise en charge et que notre système de santé est perfectible, j’en suis parfaitement conscient. Malgré tout, je suis heureux de vivre dans un pays qui dispose de la sécurité sociale et d’une organisation des soins qui fait qu’aujourd’hui avant d’être un malade, je suis un être humain qui peut encore faire des choses en famille…

En savoir plus sur l’hémophilie.