Caroline Simonds, 62 ans, anime une troupe de clowns hospitaliers, qui interviennent dans des services pédiatriques partout en France. Pour diffuser son expérience, elle a ouvert l’an dernier un Institut de formation du rire médecin.
Clown à l’hôpital. Un métier bien étrange en apparence, mais pourtant tellement salutaire. Un métier, qui, contrairement aux apparences, n’a pas vocation à détendre « que » les petits, mais aussi les plus grands. En effet, personne ne peut réaliser l’état d’angoisse, de déni et de colère dans lequel se trouvent les parents dont les enfants sont malades. Quand le clown arrive et que, soudain, ils perçoivent à nouveau un sourire sur le visage de leurs enfants, c’est comme un abcès qui se crève.
Faire rire semble être une seconde nature de Caroline Simonds. Quand elle était petite, déjà, son oncle lui demandait de lui faire des grimaces pour l’aider à sortir de sa déprime. Caroline, elle, voulait être médecin. A 18 ans, elle a fait un stage dans le service de grands brûlés d’un hôpital de Philadelphie. Elle a notamment la charge de trois enfants venus du Viêt Nam, brûlés au napalm. Un élément déclencheur, qui lui permet de prendre conscience qu’elle veut continuer de soigner, mais par le rire désormais.
Après quelques aller-retours entre la France et les Etats-Unis, son pays natal, elle est conviée, en 1988, à se déguiser en dinde pour les enfants d’un service de cancérologie. “J’ai débarqué avec des pattes d’oiseau et des ailes colorées. Je n’avais jamais côtoyé d’enfants cancéreux. Ça m’a bouleversée, dans le bon sens du terme”, précise-t-elle.
Depuis, Caroline travaille dans un service d’hématologie depuis plus de 20 ans. « Lorsque je suis avec un enfant, je ne pense pas à ce qui va se passer après. Je suis avec lui dans le moment et j’ai très envie que ce moment soit beau », explique-t-elle.
Etre là où elle est et faire ce qu’elle fait lui permet de donner un sens à sa vie. « Lorsqu’un enfant est capable de sourire, de faire rire sa maman, de se moquer d’un clown, quand il sait qu’il peut lui donner des ordres pour qu’il prenne la porte en pleine poire, alors il reprend confiance. Et même s’il doit mourir quelques heures plus tard, ça vaut la peine de sortir de la vie résilient. C’est un message à la famille : que cette petite vie trop tôt interrompue valait le coup d’être vécue à chaque instant et jusqu’au bout », témoigne-t-elle.
Bien sûr, elle accumule les chagrins qu’elle « glisse sous le tapis ». Les enfants qui sont partis sont comme ses anges gardiens. Lorsqu’elle enfile son nez rouge, Caroline incarne le docteur Josette Girafe. Pour entrer dans la peau de ce personnage, elle a beaucoup travaillé les techniques théâtrales. « Le clown est ton propre héros déchu. Tu t’interprètes toi-même. Et le public rit de se reconnaître dans tes failles. Il faut être capable de plonger en soi et d’appuyer sur les zones sensibles pour lui donner sa personnalité », précise-t-elle.
Cette femme exceptionnelle raconte qu’une fois, elle a hésité à parler à une petite fille qui était dans le coma, puis le médecin lui a expliqué qu’il était possible qu’elle l’entende. Alors elle lui a murmuré « je suis une girafe, j’ai des oreilles et une grande queue. Mon partenaire et moi, nous allons te faire un petit concert. J’espère que ça te plaira…” À sa respiration, elle a eu la sensation qu’elle écoutait. « C’est très intimidant de travailler avec des enfants malades. Tu marches sur un fil, entre les dangers de la maladie, le stress des soignants, l’inquiétude des parents, le souci d’être juste », souligne-t-elle.
C’est tellement magique de voir les enfants s’illuminer, oublier l’hôpital, les perfusions. Très vite l’attention décline. Mais, au final, Caroline a toujours envie d’applaudir les enfants et leurs parents, « parce qu’ils sont géniaux » !
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