Et si j’arrêtais de fumer ?

Cancers
Et si j’arrêtais de fumer ?

Alors qu’on célèbre le 25ème anniversaire de la loi Evin, son instigateur s’est exprimé – aux côtés, Michèle Delaunay, cancérologue et femme politique française – sur l’état des lieux du tabagisme en France.

Tous deux rappellent qu’un fumeur sur deux meurt du tabac. « Si le tabac est une plaie sanitaire, c’est aussi un carnage financier », souligne Michèle Delaunay. En effet, si l’industrie du tabac rapporte 14 milliards d’euros par an, cela coûte en réalité 25,9 milliards d’euros de dépenses sanitaires liées aux différentes formes de maladies qu’il génère (soit trois fois le déficit de la sécurité sociale).

N’ayons pas peur de dire que le tabac tue !

« Ce qui compte, c’est la durée d’exposition. Or force est de constater qu’on fume tôt et que l’espérance de vie augmente, » déplore la présidente d’Alliance contre le tabac. De ce fait, les patients traînent longtemps de lourdes pathologies. Parmi elles, il y a la BPCO, troisième cause de mortalité en Europe. Cette maladie touche de plus en plus de femmes, comme nous l’expliquions récemment dans notre article Attention à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Michèle Delaunay
Michèle Delaunay, présidente de l’Alliance contre le tabac
Dans les colonnes de Voix des Patients récemment, nous donnions également la parole au Pr Cadranel, chef du service de pneumologie à l’hôpital Tenon. Il rappelait que chaque année en France, 40 000 nouveaux cas de cancer du poumon sont diagnostiqués. Un chiffre qui en fait le 4ème cancer le plus fréquent, mais le premier en terme de mortalité.

Les femmes, une cible de choix

« Incitées à fumer pour ne pas grignoter, les femmes sont souvent instrumentalisées par l’industrie du tabac », s’exaspère Michèle Delaunay. Elle précise que la tranche d’âge des 35 – 55 ans est la seule au sein de laquelle les infarctus du myocarde ont augmenté.

J’ai cherché à interpeller les magazines féminins, mais à chaque fois, on refuse de prendre en compte mes remarques, car les rédactions ne souhaitent pas alerter leur public,

confie-t-elle. Pourtant, loin d’embellir, le tabac rend les dents jaunes et fait vieillir la peau beaucoup plus rapidement. Sans parler des maladies qu’il provoque, à commencer par le cancer.

Une bonne loi, mais pas appliquée

L’ancienne députée et ancienne ministre rend hommage à la loi Evin, laquelle n’a pas pris une ride, mais déplore que la France ne se donne pas les moyens de l’appliquer. « On vend des cigarettes aux mineurs sans vérifier leurs papiers d’identité. Dans les gares, on dit que c’est interdit de fumer sur les quais mais tout le monde le fait y compris les contrôleurs, ce qui est ridicule », regrette quant à lui Claude Evin. La loi qu’il a initiée est régulièrement contournée :

les bureaux de tabac n’ont pas le droit de s’installer dans les gares, qu’à cela ne tienne ! Ce sont les points relais qui vendent les cigarettes.

Enfin, l’interdiction de fumer dans des lieux non ouverts est continuellement violée, puisque l’on fume sur des terrasses semi couvertes. Si le vapotage permet de faire baisser la consommation de tabac, on ne sait pas très bien ce qu’il y a dans ces produits alternatifs. « Pour des raisons de cohérence, le vapotage ne devrait pas être autorisé car on ne peut interdire à une personne de fumer dans un café et autoriser une autre à vapoter », analyse-t-il.

Une évolution du tabagisme insatisfaisante

« Le premier plan cancer de Jacques Chirac a permis de faire chuter de 30% le nombre de fumeurs en augmentant le prix des paquets de 30%. La prévention existe depuis 60 ans mais cela fait 60 ans que ça ne suffit pas », explique Michèle Delaunay. Elle observe une hausse très significative du tabac à rouler :

80% des jeunes l’utilisent car c’est moins cher. La France est la lanterne rouge, ou en tout cas dans le peloton de queue en Europe en ce qui concerne la chute de la consommation de tabac.

Et parlant des jeunes, la présidente d’Alliance contre le tabac s’indigne du fait que des zones fumeurs ont été mises en place dans certains lycées pour éviter aux jeunes de traîner sur les trottoirs dans un contexte d’état d’urgence post attentats. Tout cela participe à une « débanalisation » du tabac en France, comme en témoigne la place du tabac au cinéma et dans la publicité. Et de citer une publicité très diffusée pour une grande marque de cosmétiques dans laquelle la belle Jennifer Lawrence tient un tube de rouge à lèvre à la façon d’une cigarette.

Les mesures envisagées

Michèle Delaunay et Claude Evin appellent de leurs vœux un encadrement plus strict des activités d’influence des lobbies du tabac, la mise en place du paquet neutre pour casser l’attractivité, le renforcement du contrôle d’identité par les débitants pour vérifier l’âge des clients, la mise en place d’un fonds de prévention du tabagisme et enfin une action de groupe pour les victimes et leurs familles. Mais ce qu’il faut surtout selon eux, c’est augmenter davantage encore le prix du tabac pour changer les comportements. En Australie, on est passé de 57% à 14% de fumeurs. Comme quoi, il est permis d’espérer. A condition de s’en donner les moyens. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une commission d’enquête parlementaire sera bientôt diligentée sur le sujet du lobbying de l’industrie du tabac.