Comment faire face aux addictions ?

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Comment faire face aux addictions ?

Faire face aux addictions, rien n’est plus dur. Bénédicte en sait quelque chose. Elle raconte la façon dont son compagnon, puis elle-même, ont sombré dans l’alcool, sans avoir conscience de sombrer. Mais aussi comment ils s’en sont sortis laborieusement, grâce à une consultation dédiée. Récit.

Rien ne prédestine à devenir « addict ». Rien ne nous protège vraiment non plus. Toutes les générations et tous les milieux sociaux sont concernés. Face aux risques, un seul mot d’ordre, la vigilance. Sauf que pour diverses raisons, au cours de nos vies, la lucidité n’est pas toujours au rendez-vous. Addictions au jeu, à la cigarette, à la drogue… elles sont nombreuses et menaçantes. La bonne nouvelle, c’est qu’on peut en sortir, même si c’est difficile.

Le début du naufrage…

C’est ce que montre le témoignage de cette jeune femme de 38 ans. « Quand Thomas a commencé à boire, après avoir été licencié, j’ai mis cela sur le compte de la détresse. Je ne me suis pas tout de suite inquiétée. Je ne voulais pas le censurer. Je me disais que cela lui faisait du bien, en lui permettant de mettre à distance un épisode professionnel douloureux », relate Bénédicte. Quand elle a vu les bouteilles vides s’accumuler sur la table du salon, elle a tenté de tirer la sonnette d’alarme. « Il ne voulait rien entendre, car il était dans le déni. Il était persuadé de pouvoir arrêter quand il le voudrait. Il n’a jamais été violent physiquement, mais hurlait que cela lui faisait du bien, et me demandait d’arrêter de l’infantiliser », se souvient-elle avec des trémolos dans la voix. Le spectacle qu’elle a alors observé était celui d’un homme qui n’en finissait pas de se marginaliser, ne sortant plus, ne voyant plus ses amis sauf éventuellement des « camarades de beuverie ». « Il ne faisait plus aucun effort pour retrouver un emploi. Comme s’il avait renoncé. Il était devenu très pessimiste, disant que cela ne servait à rien. Je le sentais dépressif au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans l’alcoolisme. J’étais moi-même désespérée de ne pas arriver à le raisonner et à l’aider, car il ne voulait rien entendre », raconte-t-elle. C’est ainsi qu’à son tour, pour continuer de partager des moments avec l’homme qu’elle aimait, elle s’est mise à boire aussi. Un peu d’abord, beaucoup ensuite.

Ce qui est pernicieux dans l’addiction, c’est qu’on sombre sans s’en rendre compte », explique la jeune femme. 

Le déclic

Dans son cas à elle, le déclic a été provoqué par l’interpellation d’une amie et collègue de travail, particulièrement bienveillante : « elle m’a pris à part pour me dire qu’elle voyait ce qui était en train de se produire, que j’étais beaucoup moins performante dans mon travail et qu’elle avait cru comprendre que j’étais sur la sellette. Elle m’a dit fermement mais gentiment qu’elle était d’accord pour m’aider si besoin, mais qu’il fallait absolument que je me ressaisisse. J’ai été aussi honteuse que reconnaissante ». Consciente qu’elle ne pouvait se permettre de perdre son job, alors qu’ils n’avaient déjà qu’un salaire pour deux, Bénédicte a décidé de remonter la pente. Elle a appelé son médecin pour lui raconter ce qui était en train de se jouer depuis quelques mois, et il l’a orienté vers une consultation spécialisée. « J’y suis d’abord allée seule, car Thomas refusait de m’accompagner. Au fur et à mesure des séances, j’ai compris comment pouvait s’opérer ce glissement dangereux et cette mécanique infernale. J’ai apprécié les séances de sophrologie et d’hypnose pour me reconnecter à moi-même. Les équipes m’ont aidé à trouver les mots pour convaincre mon compagnon de consulter à son tour. Et j’y suis parvenue », précise Bénédicte.

Nous avons apprécié le fait que les thérapeutes ne se soient pas focalisés sur la substance ou le comportement, mais sur nos personnes, dans une logique très holistique, en prenant en considération les aspects psychologiques et nos environnements respectifs », détaille-t-elle.

Un sevrage difficile mais salutaire

Il n’en demeure pas moins que cette période a été très compliquée, car comme pour tout sevrage, il faut du temps : « Cela suppose d’accepter de mettre des mots sur nos comportements, or ce n’est pas facile d’avoir un jugement sur soi-même. Surtout quand il est sévère, et à fortiori quand on n’est plus très lucide ». Si le sevrage est aussi difficile, c’est parce que les personnes concernées craignent que tout un pan de leur existence ne s’évapore :

On nous conseille de ne pas retoucher à un verre pour éviter la tentation et ne pas resombrer, mais dans la mesure où on associe l’alcool à des moments de fête et de convivialité, il y a souvent la peur de devoir tirer un trait sur toute une partie de sa vie sociale ».

Aujourd’hui, Bénédicte souhaite dire à tout le monde d’une part que les addictions présentent des risques, mais surtout qu’on n’a pas conscience de cette pathologie cérébrale qui touche pourtant des millions de personnes. L’addiction est véritablement une maladie, qui se caractérise par une perte de contrôle ! « Que ce soit les accros au shopping, au tabac, au jeu, au sexe, aux écrans … la frontière est mince entre le goût pour quelque chose, et la dépendance. Cette dernière nous jette dans un fossé. Et quand on est au fond du gouffre, on a tendance à s’y complaire. Et même quand ce n’est pas le cas, sortir du trou n’est pas simple », explique-t-elle. Parce que c’est souvent une main extérieure qui vient vous en sortir, elle réfléchit à la façon dont elle pourrait à l’avenir apporter sa pierre à l’édifice en aidant à mieux informer tout un chacun. Peut-être grâce à une association qu’elle aimerait créer avec Thomas, maintenant qu’ils ont tous deux remonté la pente !

 

M-FR-00011757-1.0 – Établi en juin 2024