L’annonce d’un cancer, un moment fondamental

Hôpital
L’annonce d’un cancer, un moment fondamental

Permettre au patient de mieux appréhender la maladie et les traitements qu’il va subir, tel est le quotidien d’Estelle WYTSZITC, infirmière d’annonce. Un métier où l’aspect relationnel et le sens de l’écoute tiennent une place prépondérante !


En quoi consiste un dispositif d’annonce dans un service d’oncologie ?
Le dispositif d’annonce a été créé par Jacques Chirac, suite à la demande des états généraux des patients atteints de pathologies cancéreuses, pour avoir un plan personnalisé de soins qui leur soit propre et particulier. Dans ce dispositif, on distingue quatre parties distinctes : le temps d’annonce médicale, le temps d’accompagnement soignant, le temps de lien avec les acteurs de soins de support et le lien entre la médecine et la vie.

De quelle partie êtes-vous spécifiquement en charge ?
Je m’occupe du temps d’accompagnement soignant. C’est un moment privilégié avec le patient qui permet de réexpliquer ce qui s’est dit pendant le temps d’annonce médicale, de réexpliquer les traitements, les effets secondaires ou les différents examens complémentaires qu’il peut y avoir à faire. C’est un moment important pour être à l’écoute des patients qui n’ont peut-être pas bénéficié de suffisamment de temps dans les précédentes consultations. L’infirmière d’annonce répond aux questions qu’ils n’oseront jamais poser à un médecin parce qu’on observe généralement un retrait, une réserve. Si la personne a besoin de poser une question qu’il n’ose pas poser au médecin pour quelque raison que ce soit, j’assure un suivi téléphonique, tout au long du parcours et pas seulement tout de suite après l’annonce médicale.

Redirigez-vous les patients vers les acteurs des soins de support ?
Oui, je les oriente vers des kinés, des socio-esthéticiennes, des psychologues, des assistantes sociales, des équipes en charge de la douleur… ; tout cela va permettre au patient de parler à des personnes de confiance et d’avoir des points d’appui. Les patients arrivent très angoissés parce qu’ils ne savent pas où ils vont aller, comment les choses vont se dérouler, comment vont se dérouler les jours qui suivent l’hospitalisation… Notre objectif est de les rassurer et de leur dire que tout va se passer pour le mieux.

Les objectifs qui avaient été fixés lors de la création du dispositif d’annonce au début des années 2000 sont-ils atteints ?
A l’hôpital Tenon, Jean-Pierre Lotz a demandé à ce que ce dispositif soignant soit mis en place mais ce n’est pas le cas dans tous les hôpitaux. Les gens sont encore très frileux et l’infirmière d’annonce n’est pas présentée comme il faudrait. D’abord je pense qu’il faudrait changer le terme et dire plutôt « l’infirmière de coordination de soins » ou « de suivi » ou « de parcours de soins ». Mais pas « d’annonce », car cela refroidit tout le monde. Ce terme est à mes yeux trop violent. L’annonce médicale informe le patient d’une pathologie cancéreuse. Quand on lui demande d’aller voir « l’infirmière d’annonce », il se demande ce qu’elle va bien encore pouvoir lui annoncer. Nous essayons au contraire de le rassurer, en lui disant que même si c’est certes très difficile, on peut l’aider à traverser cette étape.

Comment voyez-vous évoluer ce dispositif d’annonce dans les années à venir ?
Personnellement j’aimerais bien qu’il évolue partout, puisqu’actuellement il est réservé aux patients atteints de pathologies cancéreuses, mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi les patients atteints de maladies neurologiques dégénératives, les diabétiques, les Alzeihmer… L’annonce de toute maladie grave doit être prise en compte, vu que cela impacte une vie entière. J’aimerais aussi que d’autres soins parallèles soient développés : la réflexologie, l’acupuncture…

Quelles sont selon vous les limites de ce dispositif d’annonce, et quelles améliorations peut-on y apporter ?
Ce dispositif est obligatoire, mais je pense que tous les patients n’ont plus forcément envie d’en faire partie. Il faudrait leur demander leur avis.

Les moyens de communication à distance, et les nouvelles technologies de l’information et de la communication peuvent-ils être intégrés dans le dispositif d’annonce ?
Pour certaines questions spécifiques, comme par exemple la perte des cheveux, il y a des questions qui reviennent tout le temps, et donc ce serait bien d’avoir un support internet où on retrouve des réponses. Néanmoins, les demandes des patients doivent être traitées au cas par cas. Tous n’ont pas les mêmes attentes et les mêmes priorités. J’observe que c’est la personnalisation de l’écoute qui contribue au bon fonctionnement du dispositif.

Depuis la mise en place de vos consultations d’annonce, quels bénéfices pour les patients avez-vous vu se dessiner et avez-vous des retours de leur part ?
Le bilan est assez bénéfique, comme le révèle des questionnaires de satisfaction pour évaluer justement la consultation. On constate qu’environ 85% des patients sont très satisfaits. Je pense donc qu’il faudrait généraliser ces questionnaires pour demander leur avis aux patients étant donné que ce sont eux qui ont demandé ce dispositif. Il faudrait même pouvoir faire le bilan avec les patients, pour mesurer ce qui pourrait être fait, ou ce qu’il faudrait ne plus faire. Leur demander leur avis permettrait aussi à certaines personnes qui n’adhèrent pas trop à ce dispositif, de réaliser que c’est assez bénéfique.

Précisément, comment faire mieux comprendre au patient ce que peut lui apporter la consultation d’annonce ?
Tout simplement en expliquant notre rôle. Le problème, c’est que même certains médecins n’ont pas toujours compris à quoi correspond ce temps d’accompagnement soignant. Donc il faut agir par le biais d’affiches ou de petites cartes explicatives qu’on place dans les bureaux des médecins ou au niveau des accueils. Le patient pourrait alors y voir une aide tout au long de son parcours plutôt qu’un autre « coup de marteau sur la tête ». Le rôle de l’infirmière auprès du patient est très important, et trop souvent laissé de côté, même si, de plus en plus les médecins se rapprochent des infirmières et les aident à développer et à valoriser ce dispositif.

Existe-t-il un diplôme spécifique d’infirmière d’annonce ?
Non, mais il faut quand même avoir eu, pour l’oncologie, une expérience en pathologies. Pendant mes années d’hospitalisation à domicile, par exemple, j’ai accompagné beaucoup de patients atteints de pathologies cancéreuses. Il me paraît essentiel d’avoir déjà expérimenté de la relation d’aide, et pas seulement une connaissance des gestes techniques. C’est précisément ce qui permet d’humaniser ce dispositif. Il existe désormais des formations spécifiques de quelques jours, mais pas encore de certification pour ce poste.

Quelle est l’action de l’infirmière d’annonce vis à vis des proches des malades ?
Personnellement je la perçois de la même façon qu’avec les patients. Je ne conçois pas un temps d’accompagnement soignant sans avoir échangé avec l’entourage. Si on ne leur fait pas sentir qu’ils sont aussi acteurs de cette thérapeutique, il n’y a pas d’équilibre.

Quelques mots pour conclure ?
En conclusion je pense que c’est un poste qui doit continuer à être valorisé, qui devrait être instauré dans tous les établissements, pour toute pathologie (grave ou moins grave) qui transforme la vie de la personne.

Entretien diffusé par Bulles Santé, une inititive de Tribu Cancer, avec le soutien de la fondation Roche.