Depuis qu’elle est petite, Ana enchaîne les épisodes fiévreux. Inquiets, ses parents ont investigué. Et ont découvert que leur fille était atteinte d’une maladie rare, qualifiée de syndrome de Marshall. Une maladie qui disparaît subitement, aussi vite qu’elle est arrivée, mais qui n’en est pas moins invalidante pour autant…
Virginie, vous êtes la maman d’Ana. À quel moment avez-vous mis le doigt sur cette pathologie ?
Nous avions remarqué qu’Ana était très souvent malade, dès l’âge de 2 ans. Nous pensions que c’était normal, et que ces maladies contribuaient à son immunité. Quand elle est allée à la crèche, nous avons pensé que c’est là-bas qu’elle attrapait des virus. Donc nous avons accepté la chose. À chaque fois que nous avions des réunions familiales, elle était malade et nous nous exposions à des réflexions. Ce qui m’a interpelée, c’est la régularité de ces épisodes. J’en ai parlé à mon médecin, qui m’a incité à en noter la fréquence.
Comment se caractérisaient ces épisodes ?
Ana ne savait pas s’exprimer mais on remarquait de la fièvre et des pleurs, mais aussi des maux de gorge. Nous avons pensé à des angines, si bien qu’elle a pris beaucoup d’antibiotiques. Puis nous avons eu la chance d’avoir un généraliste qui soignait déjà un enfant pour le syndrome de Marshall, si bien qu’il savait ce dont il s’agissait. Il nous a donc aiguillés et a porté ce même diagnostic pour notre fille.
Mettre des mots dessus, cela a été un soulagement ?
Dans une certaine mesure. Apparemment ce sont les gens du Sud qui développent cette maladie. Avant ça s’appelait la « fièvre méditerranéenne ». Il se trouve que je suis effectivement du Sud. Puis Mr Marshall s’est intéressé à ce syndrome, lui donnant ainsi son nom.
Ana a aujourd’hui 6 ans. Comment va-t-elle ?
Les maux de gorge ont laissé la place à des maux de ventre. Quand elle s’en plaint, on sait que la fièvre ne va pas tarder à arriver. Elle a parfois mal aux yeux, aux bras (ce sont en fait des courbatures mais elle ne connaît pas le mot), aux jambes… Les symptômes peuvent évoluer en fonction de l’âge et du temps. Tous les mois, elle passe par un épisode de fièvre, à intervalles réguliers. C’est une caractéristique de la maladie.
Il semblerait que le syndrome disparaisse par lui-même…
Oui, soit à peu près à son âge, 6 ans, soit il faut attendre l’adolescence, alors on croise les doigts. Une fois par an, nous avons rendez-vous dans un centre spécialisé en région parisienne, le Centre anti-inflammatoire des maladies rares. En France, il y en a trois de ce type.
Quel est l’impact sur le quotidien ?
Il est lourd. Il y a d’abord la douleur, même s’il existe des médicaments pour la soulager. Notre fille a de la chance car elle n’est pas « fortement impactée ». Ce qui, chez elle, dure 3 à 4 jours dure parfois une semaine pour d’autres enfants. Ce n’est pas une maladie grave en soi, mais elle peut être difficile à gérer. Pour elle, bien sûr, car elle voit bien une différence par rapport à ses camarades et parfois ne peut pas aller à un anniversaire. Pour la famille aussi, qui doit adapter son emploi du temps. A fortiori quand, comme dans notre cas, nous avons un autre enfant (lequel n’est pour sa part pas touché par le syndrome). J’ai la chance, avant même le Covid, d’être beaucoup en télétravail, mais ce n’est pas simple pour autant. Cela peut avoir un impact sur la vie scolaire, sociale, familiale et professionnelle. J’ai préféré en informer ma direction et ils ont été très bienveillants.
La mise en place d’un PAI et la prise en charge d’Ana à l’école et au sein d’autres établissements ont été tardives dues à la longueur du diagnostic et à la méconnaissance de cette maladie. Il a fallu beaucoup de rendez-vous et de discussions. Ce n’est pas une maladie contagieuse.
Comment Ana vit-elle la situation ? Et vous ?
De moins en moins bien car elle a de plus en plus de copines. Elle veut sortir et ne peut pas toujours. Elle me dit : « maman, j’en ai marre d’être malade, pourquoi je suis toujours malade… ». Cela fait de la peine, bien sûr, et on se trouve assez démunis face à ces remarques. Néanmoins, nous sommes à présent beaucoup moins stressés, d’autant que la cortisone fait effet assez rapidement. Pour ma part, j’ai été très soulagée de savoir que je n’étais pas toute seule à vivre cela. Je sais que c’est connu, que des gens s’en occupent, que cela intéresse des médecins et que cela ne va pas durer. Je suis plus sereine qu’il y a un an où il m’arrivait d’être en pleurs. Je n’en parle pas trop, cependant. Il m’est plus facile d’en informer les parents d’amies d’Ana qui auraient à lui administrer un antalgique lors d’une pyjama party. Ma plus grande inquiétude, c’est de savoir en quoi cela peut se transformer. Le syndrome va-t-il disparaître complètement ? Ou y aura-t-il d’autres souffrances, comme par exemple des règles très douloureuses ? J’ai lu des informations en ce sens, et je suis préoccupée, même si au final j’ai beaucoup d’espoir dans l’avenir…
M-FR-00006593-1.0 – Établi en avril 2022