A l’occasion de la journée des maladies mentales, Voix des Patients s’intéresse à la façon dont ces pathologies sont traitées sur le petit écran. Et plus spécifiquement, dans les séries télé.
Alors que jusqu’à une date encore récente, la mise en scène de héros atteints de maladie mentale était encore taboue, la donne a évolué. Si Dexter et Tony Soprano sont sociopathes, Sheldon Cooper, lui, est atteint du syndrome d’Asperger. Quant à Adrian Monk, il est victime de TOCS. Et que dire du Docteur House et de son addiction aux médicaments ? De Carrie Mathison, l’efficace bipolaire de la série Homeland ? Ou encore du célèbre dépressif Don Draper ?
Retrouver une image positive de soi
François Jost, professeur à l’université Paris III enseigne la sémiologie audiovisuelle. Selon lui, ces séries télévisées sont d’un grand secours aux patients souffrant de maladies mentales. Pourquoi ? Car elles les aident à retrouver une image positive d’eux-mêmes, mais aussi à sortir de leur isolement en parlant de leurs souffrances. C’est une façon efficace de dédiaboliser le sujet, sachant que les victimes de ces troubles n’osent généralement en parler à personne.
La schizophrénie est systématiquement associée dans l’imaginaire collectif à des personnes dangereuses, voire à des meurtriers. A tort bien sûr »,
explique de son côté Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Descartes. Ces séries montrent que souffrir d’une maladie mentale n’est ni dangereux (l’héroïne de Homeland travaille pour la NSA), ni marginalisant si, comme elle, on prend son traitement). Raphaël Gaillard ajoute:
Cela peut même, dans certains cas, être un atout : lors de ses crises de bipolarité, Carrie Mathison est beaucoup plus créative que les personnes ne souffrant pas de troubles mentaux, ce qui lui permet de déjouer un projet d’attentat terroriste ».
Former des communautés d’entraide
La thérapeute Emilie V.Gordon estime que les séries TV mettant en scène des maladies mentales aident les fans concernés par la maladie à se retrouver entre eux et à former des communautés d’entraide. Ce qui est certain, c’est qu’elles permettent aux patients de réaliser qu’ils ne sont pas seuls.
Ils peuvent être tentés de faire des démarches pour retrouver des malades qui leur ressemblent, et se rassembler autour de cette figure d’identification que constitue un personnage de série »,
souligne Raphaël Gaillard. Ces logiques communautaires sont très développées aux Etats-Unis, où beaucoup de thérapies de groupe ont essaimé. Pour lui, ces séries TV sont bien plus efficaces que n’importe quel autre moyen de communication, « car elles humanisent la maladie mentale, là où les campagnes de santé publique ne renvoient qu’à des statistiques et des symptômes ».
Sans compter qu’aujourd’hui, ces personnages de série TV sont construits autour de profils psychologiques beaucoup plus complexes. Et il est d’autant plus facile pour le public de s’identifier aux héros, que, comme nous, ils ne sont pas parfaits. Aucun de ces héros n’est tout blanc ou tout noir. Ils ont bien sûr des troubles, mais en parallèle, une famille qu’ils aiment et qu’ils protègent. Ou encore des valeurs morales importantes.
Si les Américains ont beaucoup progressé dans la façon d’approcher ces maladies sans les stigmatiser, les Français restent très en retard. Et ce alors même que ces pathologies
sont ultra-fréquentes.