Manon « Je n’ai envie de voir personne »

Vie sociale
Manon « Je n’ai envie de voir personne »

Manon souffre d’une maladie neurologique. Si certaines personnes ont besoin de parler de leur maladie, pour sa part, elle ne souhaite voir personne.

« Je ne veux pas m’épancher, ni me montrer sous un mauvais jour. Je n’ai pas envie de faire pitié et que mes amis me voient dans un sale état », commente-t-elle. Quand Manon fait des crises, elle ne souhaite pas, selon ses termes, « s’épancher ». Elle se replie sur elle-même, s’enferme.

Un trop grand décalage

Le rapport à l’autre quand on est fragilisé varie beaucoup selon les patients. Certains (et ils sont nombreux !) ont besoin de parler, de voir du monde, de se changer les idées, de « vider leur sac », de trouver chez l’autre du réconfort, de recueillir un avis ou tout simplement, d’être entendus. D’autres, au contraire, se referment. Manon fait partie de ceux-là et se définit volontiers comme « une huître dans sa coquille ».

Depuis deux ans, son état s’est dégradé et Manon ne souhaite voir personne.

« Je suis tellement affectée par mes propres difficultés, que je n’arrive pas à m’intéresser à l’autre. Cela m’est arrivé de voir des copines, qui me parlent de leur travail, de leurs nouvelles conquêtes… Mais tout me semble tellement loin de ce que je vis que je décroche »

avoue-t-elle. Jalousie ? C’est elle-même qui évoque le terme : « je me suis interrogée. Je ne suis pas sûre que ce soit ce dont il s’agit, mais il y a un décalage qui me pèse car il me ramène à ce que j’étais et que je ne suis plus. A ce que je faisais et que je ne fais plus ». Comme sortir, marcher, danser… Pendant le confinement, elle a même éprouvé un certain plaisir à savoir que tout le monde éprouvait sa réalité quotidienne, à savoir ne rien pouvoir faire.

La crainte du regard de l’autre

Pour elle, plus lourd encore que la détresse de mesurer ce qu’elle ne fait plus, il y a le regard de l’autre. « Ce sentiment de commisération, leur œil apitoyé… je ne le supportais déjà pas au début de la maladie, mais c’est de pire en pire. Ce n’est pas facile pour moi de livrer tout cela, car je me demande souvent si le problème ne vient pas de moi », confesse-t-elle. Il lui arrive parfois de ne pas se reconnaître. Pas seulement dans la silhouette (plus chétive et plus voûtée), pas seulement dans le regard (souvent grave, triste et cerné par les nuits sans sommeil) mais aussi dans le caractère.
Pour faire face, et sur les conseils de sa sœur, Manon s’est résolue à consulter une psychologue. « Les séances ont lieu par visio, en raison du contexte sanitaire mais aussi de ma difficulté à me déplacer », précise-t-elle. Mais même en distanciel, ce travail sur elle l’aide beaucoup. « J’ose enfin affronter ce sujet du rapport à l’autre, dont je parle plus librement. Je me pose les vraies questions. Je tente de positiver, de prendre de la hauteur et de relativiser », analyse-t-elle. Elle a notamment compris qu’elle projetait ses propres attitudes.

« Par le passé, quand j’allais bien, une amie me parlait toujours de la maladie de sa grand-mère. Elle était toujours préoccupée, et je trouvais cela très oppressant. A mon tour, je crois que j’appréhende de lasser les gens avec ma détresse, de les contaminer avec mon humeur maussade. J’ai tendance à penser à eux avant de penser à moi et à mes besoins »

relève-t-elle. Au-delà de cette salutaire prise de conscience, il y a une autre nette avancée : Manon sait que ses crises sont cycliques, et qu’il lui arrive d’aller mieux. Elle a appris à respecter son envie d’être seule dans les moments difficiles sans se juger, et a désormais envie de renouer avec les autres et avec la vie dans ses moments de répit. Comme quoi, l’introspection et le fait d’être en paix avec sa façon d’être sont véritablement des clés….

M-FR-00005997-1.0 – Etabli en janvier 2022