Manque de dons de sang : « Derrière les chiffres et les mots, ce sont des vies qui sont en jeu »

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Manque de dons de sang : « Derrière les chiffres et les mots, ce sont des vies qui sont en jeu »

Messages dans les journaux, les sites d’informations et sur les réseaux sociaux, visibilité dans les espaces publics, communication dans les structures sanitaires accueillant le grand public : la France manque de sang et le fait savoir. Effectivement, la situation n’est pas à prendre à la légère. Une poche de sang est synonyme de vie.

Les personnes atteintes d’anémies chroniques telles que la bêta-thalassémie ou la drépanocytose, ne le savent que trop bien. Dianaba Ba en fait partie. Son traitement à vie : changer de sang tous les mois ! La seule solution pour continuer à vivre. Engagée au sein de la fédération SOS Globi, la jeune femme a accepté, entre deux actions de sensibilisation et de plaidoyer, de mettre en lumière l’enjeu du don de sang…

Elle a dû réapprendre à parler et à marcher

Elle explique, informe, répond aux questions, témoigne, invite à s’arrêter pour parler « don du sang »… À la voir s’activer de manière énergique sur le stand d’informations estampillé SOS Globi*, difficile de croire que Dianaba Ba est malade. La jeune femme de 38 ans au physique d’athlète – elle mesure 1,80 m – se retrouve parfois alitée, complètement dépendante des professionnels de santé et des proches qui l’entourent.

Je mesure la chance d’avoir une famille et des proches présents au quotidien, qui ont fait de la drépanocytose leur fardeau.

Drépanocytose : le mot est lâché. Et avec lui un agenda médical contraint. Un agenda qui oblige la Marseillaise à se rendre toutes les 4 semaines à l’hôpital pour subir un échange transfusionnel appelé érythraphérèse. La faute à la sévérité de la maladie qui l’a vu faire face à de multiples complications cérébrales dont la dernière l’a laissée hémiplégique. « J’ai dû réapprendre à parler, à marcher, à effectuer les gestes simples du quotidien pendant plus d’un an. Aujourd’hui, je me rends à l’hôpital deux fois par mois : une fois pour une prise de sang et la seconde fois pour me faire échanger le sang pendant un après-midi », résume-t-elle. Sa vie en dépend. Tout comme celle des quelques 30 000 drépanocytaires régulièrement transfusés en France. L’apport d’hémoglobine A leur est essentiel pour prévenir et traiter les complications aiguës ou chroniques (crises vaso-occlusives, épisodes douloureux) associées à cette pathologie génétique qui fragilise les globules rouges. On comprend mieux pourquoi la question de la collecte de sang est au cœur des missions que s’est fixée la fédération SOS Globi.

Chaque jour, il manque 1 500 dons de sang

L’inéquation à résoudre a de quoi inquiéter. Avec d’un côté une prévalence de la drépanocytose en augmentation et de l’autre des dons du sang en chute libre. « Depuis le 1er janvier, le dépistage ciblé de la drépanocytose a laissé place au dépistage généralisé de tous les nouveau-nés. Il faut avoir en tête que 80 % des enfants drépanocytaires meurent avant 5 ans s’ils ne sont pas pris en charge. Si un enfant n’était pas dépisté pendant la période néonatale, ses parents découvraient bien souvent la maladie à la suite d’une crise douloureuse ou une complication grave. Au sein de SOS Globi, nous nous réjouissons de cette décision pour laquelle nous militons depuis plus de 15 ans », explique Dianaba Ba. Et alors que l’Établissement français du sang, partenaire de SOS Globi, avance le chiffre de 1 500 dons quotidiens manquants, la jeune femme alerte sur toute l’importante d’humaniser la maladie au moment d’évoquer les dons de sang. « Derrière les chiffres et les mots, ce sont des vies qui sont en jeu. Il y a près de deux mois, une amie n’a pas pu bénéficier d’un échange complet, faute de sang disponible. On ne lui a transfusé que 5 poches au lieu de 7. Cela a eu des conséquences directes sur sa qualité de vie. Qu’en sera-t-il lors de la prochaine transfusion ? », interroge-t-elle.

Pour éviter toute réponse pessimiste, Dianaba et ses camarades bénévoles ont choisi d’agir. Outre l’accompagnement social, administratif, pratique, relationnel qu’ils apportent aux familles directement concernées, ils battent régulièrement le pavé pour informer et sensibiliser le grand public. C’était le cas en novembre dernier lors de la 2e édition de la Semaine de sensibilisation aux sangs rares… Les bénévoles mènent, par ailleurs, une action de plaidoyer à destination des décideurs. « Dans une société pluriethnique où le brassage culturel est une réalité depuis plusieurs générations, prendre en charge la drépanocytose et la bêta-thalassémie est un enjeu national de santé publique. »

Il est temps aujourd’hui de mettre en place un plan national drépanocytose et les moyens qui vont avec pour permettre à des milliers de Français de continuer à vivre avec cette maladie.

La Covid-19 a cassé la dynamique des dons…

Une chose est sûre : l’état préoccupant des réserves de sang, à commencer par les sangs dits rares, n’a pas échappé aux autorités sanitaires, Haute autorité de santé (HAS) en tête. Celle-ci a publié début septembre, une série de recommandations visant à préciser et encadrer au mieux le recours aux transfusions sanguines. L’heure est aux économies et à la crainte de potentielles priorisations. C’est là que le bât pourrait bien blesser. Par définition, une transfusion ou un échange transfusionnel sont des actes thérapeutiques. Pour Dianaba Ba, prioriser serait une solution perverse et non concevable. « Entre une personne drépanocytaire, une bêta-thalassémique, une personne présentant une hémorragie, un patient devant subir une intervention chirurgicale ou un accidenté de la route, qui sera prioritaire ? Cette question n’a aucun sens. Quand un médecin décide que vous devez être transfusé, sa décision ne repose que sur une analyse clinique. Le problème doit donc être envisagé sous un autre angle avec pour seule ligne directrice : la stimulation des dons au niveau local », milite Dianaba Ba, toujours assez médusée quand elle apprend qu’une poche de sang utilisée à Marseille provient de Paris ou de Bretagne. Pour autant, à la stupéfaction et à la préoccupation, elle préfère l’action. Campus universitaires, centres commerciaux, centres urbains, entreprises, zones d’activités… Autant de lieux où SOS Globi et l’Établissement Français du Sang (EFS) tentent d’inverser la tendance en motivant les potentiels donneurs de sang.

Motiver les donneurs

Qui mieux qu’une personne malade pour faire prendre conscience de l’importance du don ? « Si l’épidémie de la Covid-19 a eu le mérite de booster la e-santé, elle a aussi, avec le confinement, cassé la dynamique et le réflexe du don chez des personnes qui pratiquaient ce geste durant leur pause déjeuner ou au détour d’un trajet quotidien. Aujourd’hui, avec le télétravail, il y a moins d’occasions de se déplacer. Il faut donc réapprendre à donner en rassurant sur la facilité du geste et l’absence de contraintes. Le geste du don doit être facile et le plus simple possible pour revenir dans les habitudes. Quand pour donner, vous devez prendre la voiture, trouver difficilement une place de stationnement et la payer, il faut être vraiment motivé… », explique la Marseillaise. En attendant de voir remonter la courbe des dons, et peut-être la mise en place d’un « plan drépanocytose », et parce que les possibilités de greffe de moelle (seul traitement curatif de la drépanocytose) restent limitées, l’autre cheval de bataille de SOS Globi demeure le soutien à la recherche. Il est primordial que les patients bénéficient de toutes les options thérapeutiques : traitements oraux, greffe ou thérapie génique. Cette approche thérapeutique prometteuse pourrait permettre de sortir de la dépendance transfusionnelle.

*SOS Globi – Ensemble contre la drépanocytose et la thalassémie : fédération regroupant une vingtaine d’associations de patients agissant localement pour répondre aux besoins des familles (groupes de parole, actions d’éducation thérapeutique, sensibilisation des professionnels de santé, sorties pour les jeunes malades). Membre de l’Alliance Maladies Rares (association d’associations de maladies rares en France) et d’Eurordis (association européenne des fédérations de maladies orphelines), elle entend améliorer la prise en soin des drépanocytaires et des personnes atteintes de b-thalassémie.
Plus d’informations sur : sosglobi.fr

Donner son sang, oui mais à certaines conditions. Par exemple :

  • avoir au moins 18 ans ;
  • peser au minimum 50 kg ;
  • ne pas être malade (en cas de grippe ou de Covid-19, la contre-indication temporaire au don du sang est de deux semaines).

Pour savoir si vous pouvez donner votre sang, répondez à ce questionnaire en ligne et prenez rendez-vous dans un centre à proximité de chez vous.


M-FR-00008327-1.0 – Établi en mars 2023