La mort est-elle un sujet tabou ? Evidemment. Même si l’on sait tous qu’elle est inéluctable, il reste très difficile d’en parler. Pourtant, quel que soit son âge et son état de santé, cela peut avoir du sens d’y réfléchir. Mais comment anticiper quelque chose qu’on n’a pas envie de voir ?
Il y a encore quelques siècles, on mourait chez soi, entouré de sa famille, de ses voisins et de ses amis. Parce que les gens étaient davantage exposés à la mort, cela faisait partie du quotidien. On voilait de noir la porte d’entrée, on venait passer un moment au chevet du mourant en l’accompagnant jusqu’à son dernier souffle… La mort était considérée comme faisant partie de l’ordre naturel des choses. Mais ces rites ont quitté l’espace public. Aujourd’hui, on s’éteint à l’hôpital, le plus souvent seul, et les symboles du deuil ont disparu. Peut être parce qu’il s’agit de l’un des rares éléments que nous ne maîtrisons pas, ou peut être parce qu’elle nous renvoie à notre propre fin que nous préférons repousser le plus possible, nos sociétés ne veulent plus voir la mort. Ce qui ne fait que renforcer la peur qu’on en a !
Éviter la double peine
Mes enfants ne sont pas à l’aise quand j’aborde ces sujets. Je le comprends très bien, mais je veux leur épargner la peine d’avoir tout à gérer le jour où mon épouse et moi disparaîtront. J’ai d’ores et déjà réservé un caveau, et anticipé avec une entreprise de pompes funèbres », raconte Jean, 70 ans.
Pour l’heure, il est en pleine santé, mais il connaît la panique susceptible d’être générée si une maladie, voire un décès soudain, venait à se déclarer. À ses yeux, anticiper de son vivant permet de faire respecter ses dernières volontés tout en épargnant à ses proches d’éventuels problèmes d’organisation. Mais aussi des problèmes financiers… Parce que des obsèques, ça coûte cher ! Jean sait aussi que ses deux enfants ont peu de moyen, or le coût d’un enterrement oscille entre 1 350 € et 6 600 € environ, selon les choix de cercueil, de décoration florale…. En France, il faut compter en moyenne à 3 350 euros pour une inhumation tandis que le prix moyen d’une crémation est de 3 609 euros. Quand le défunt n’a rien anticipé, les familles peuvent se sentir démunies. Et au chagrin, il faut ajouter l’accomplissement de nombreuses démarches administratives. C’est pourquoi Jean a préféré prendre les devants… Pour lui, pas de doute, ce sera une inhumation.
Toutefois, de plus en plus de personnes envisagent la crémation, une technique funéraire visant à brûler et réduire en cendres le corps d’un être humain mort. À noter que dans certaines religions, cette approche est condamnée, car il n’est pas permis d’abîmer un corps. La crémation, autorisée en France depuis 1887 n’est tolérée par l’Église catholique que depuis 1963. « Quelles sont les raisons de ce choix et que signifient-elles ? Comment est-elle vécue par les survivants ? Leur permet-elle de faire un travail de deuil ? », autant de questions qu’il faut se poser, souligne Nadine Mayer, psychologue. Elle a accompagné aussi bien des proches, dépités par ce qu’ils considéraient comme une violence supplémentaire pour le défunt, que des familles heureuses de pouvoir conserver chez elles les cendres de l’être aimé et disparu. Toujours est-il que la crémation représente désormais plus de 20 % des obsèques, et sur un plan symbolique, cela confirme l’évolution du rapport à la mort.
Plutôt que la décomposition, beaucoup préfèrent la disparition immédiate du corps.
Un choix personnel mais qui impacte les proches
Il m’arrive d’accompagner aussi bien des personnes en fin de vie que d’autres en pleine santé. Je pense qu’il faut respecter le souhait de celles et ceux qui ne veulent pas aborder le sujet, car cela les précipite dans une réalité qu’elles n’ont pas envie d’affronter. On peut avoir envie de ne pas tout préparer, de tout anticiper, même s’il est vrai que cela peut faciliter la vie des proches », ajoute Nadine Mayer. Elle constate que souvent, il s’agit d’une forme de déni, qui évite au patient de plonger, car le simple fait d’envisager leur mort les précipite dans l’inconcevable. Elle recommande toutefois de penser aux proches qui vont rester, et qu’elle suit dans l’épreuve du deuil. En effet, elle constate régulièrement leur détresse : Souvent, l’être disparu n’a donné aucune instruction. Ou alors a mentionné de façon très informelle son souhait d’être enterré à tel endroit et de telle façon, mais sans laisser d’écrit officiel. J’ai vu des fratries faire face à des casse-têtes et parfois même se disputer ». C’est la raison pour laquelle cela a du sens de formaliser ses dernières volontés. Il est possible de les rédiger seul(e), en compagnie d’un proche, ou accompagné(e) d’un professionnel (juriste, conseiller funéraire, notaire…). Et il convient ensuite de les déposer au Fichier Central des Dispositions de Dernières Volontés (FCCDV).
À savoir : en France, le consentement au don d’organes est présumé. Cela signifie que si la personne n’a pas fait connaître son refus de son vivant, on considère qu’elle est d’accord pour que ses organes soient prélevés à son décès. Autant de réflexions difficiles et compliquées que peu de personnes ont envie de mener, mais qui ont néanmoins du sens…
M-FR-00010390-1.0 – Établi en décembre 2023