Patientes et aidantes : elles témoignent sur la bipolarité

Patientes et aidantes : elles témoignent sur la bipolarité

La première Journée mondiale des troubles bipolaires se tiendra pour la première fois en France le 30 mars prochain, à l’initiative de l’association France-Dépression.

Le film Humeur Liquide sera projeté au cinéma L’Entrepôt, 7 rue Françis de Préssensé dans le XIVè à Paris Métro Pernety, en présence du réalisateur Rodophe Viémont. Dans son film, il raconte la bataille qu’il livre avec sa femme Laurence contre la maladie ensemble, au quotidien. Ils sont tous deux bipolaires (maniaco-dépressifs). Dans ces épreuves, unis, « forts et à deux », ils ont le projet de fonder une famille avec tous les questionnements sur l’hérédité de la maladie et les conséquences sur la santé de leur futur enfant. Le film sera précédé d’un hommage à Christophe Docet, fondateur de Bipol Entreprises, qui nous a quitté récemment et sera suivi d’un débat avec la salle et d’un forum de rencontres. La soirée débutera à 18h00.

Le but de cette première Journée mondiale des troubles bipolaires est de consacrer une journée à échanger sur la prévention, les soins, les traitements, et tout ce qui gravite autour de la question de la bipolarité, pour une amélioration de la prise en charge. Les jeunes seront à l’honneur, car les troubles bipolaires se révèlent souvent sur des populations entre 15 et 25 ans.

Nathalie Maunoury, Vice-présidente de l’association France-Dépression est elle-même bipolaire de type 2 depuis plus de 30 ans. Les premiers symptômes de la maladie se sont manifestés à la fin de son adolescence par de grandes déprimes et une forme de mélancolie. Toutefois, elle n’a été diagnostiquée bipolaire qu’à l’âge adulte, il y a tout juste une douzaine d’années. Les médecins lui ont alors prescrit des antidépresseurs. Aujourd’hui, elle sait que ces traitements n’étaient pas adaptés. La faute à un mauvais dépistage qu’elle regrette aujourd’hui :« à mon époque, on disait « ça va passer, c’est normal ». Or, si j’avais été diagnostiquée plus tôt, je n’aurais pas eu cette errance médicale et les conséquences sur ma vie auraient été bien différentes. »
Il existe des traitements qui permettent aux bipolaires d’avoir une vie presque comme tout le monde, en stabilisant l’humeur. Aujourd’hui, Nathalie milite pour éviter les retards de prise en charge. La priorité de l’Association France-Dépression est donc d’axer la prévention chez les jeunes pour un diagnostic et des soins plus précoces, dans le but de limiter les effets négatifs sur leur vie.

Nathalie est formelle : « C’est le manque de diagnostic qui peut conduire un jour au suicide ». D’ailleurs, un patient bipolaire sur quatre commet une tentative de suicide. « On a tendance à parler du suicide de manière un peu feutrée mais je pense qu’il faut vraiment en parler à titre préventif, mettre des mots dessus par tous les moyens de communication possibles. »

Le sujet de la bipolarité et du suicide, Martine, bénévole à l’association France-Dépression, y a été confrontée. Son époux a été diagnostiqué bipolaire bien après leur mariage il y a 25 ans. Sa fille est également porteuse de la maladie, et concernant cette dernière, c’est à la suite d’une tentative de suicide, à l’âge de 18 ans, que la maladie est décelée. La question de l’hérédité est alors soulevée quand les médecins la questionnent sur les antécédents familiaux. Le fils aîné est passé entre les mailles du filet.

La souffrance liée à cette maladie est très intense. « Ma fille qui a 36 ans aujourd’hui a eu un cancer. Elle me dit souvent que la souffrance morale est plus dure à supporter que la souffrance physique. Et qu’elle préfèrerait avoir dix cancers plutôt qu’une dépression ». Et pourtant, elle a connu la chimiothérapie, la perte de cheveux… Mais vivre avec des bipolaires représente une lourde croix à porter, avec de grands moments de découragement qu’il faut cacher pour ne pas envenimer une situation déjà délicate. Martine a aussi constaté qu’à force de focaliser toute son attention sur son mari et sa fille, elle avait consacré moins de temps à son fils qui le lui reproche assez souvent aujourd’hui.
Martine se demande souvent si elle a bien agi et réagi, sans avoir réellement de réponse. Elle consulte même un psychologue mais n’en tire pas un grand soutien. Ce dont elle avait besoin, c’était de conseils pratiques. « On pourrait s’attendre à être davantage accompagné par les médecins, car on passe son temps à se poser des questions, mais on n’a vraiment aucune aide de leur part. Et ça, c’est vraiment dommage. »

Les amis sont pleins de bonnes intentions, mais souvent maladroits. Ils pensent à tel médicament sensationnel, à tel expert médical, et s’étonnent que trois jours plus tard leur remède miracle n’ait pas été essayé. Du coup, Martine s’est souvent sentie jugée, comme si c’était elle qui ne parvenait pas à gérer la situation. Souvent aussi, on se trouve face à l’incompréhension de personnes moins proches car le malade a une grande capacité à cacher son mal-être aux amis ou aux collègues : il est difficile d’en parler librement car la maladie mentale fait peur ou est mal comprise. Elle en tire une leçon : « il faut vraiment choisir les personnes à qui on en parle. Il y a des associations qui sont spécialisées et ce cadre là est celui qui me paraît le plus adapté pour ne pas se sentir seul. »

Copyright – pavelkriuchkov – fotolia