A l’occasion de la journée de la douleur qui a lieu ce 17 octobre, Patrick Ginies, anesthésiste et responsable du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du centre hospitalier universitaire de Montpellier, explique les mécanismes de la douleur chronique.
Combien de personnes sont concernées par la douleur chronique ?
On estime que 15 à 20% de Français sont concernés par la douleur chronique. Parmi eux, il y a 57% de femmes. Elles ont un seuil de sensibilité à la douleur plus aiguë, sans doute à cause des hormones féminines. De manière plus générale, on distingue trois profils de patients susceptibles d’être particulièrement concernés. Il y a tout d’abord les anxieux et les déprimés. Il y a ensuite ceux qui vont amplifier leur plainte et leurs symptômes, car ils ont besoin d’exprimer par une douleur corporelle ce qu’ils ont refoulé. Enfin, on note des sujets hyperactifs au mode de vie excessif. Ils sont généralement sportifs et impliqués dans leur travail. Ils ont tendance à dormir moins et avoir moins de zones d’ancrage jusqu’au jour où un accroc dans leur course va révéler l’épuisement général. Pour chacun de ces patients, la douleur impacte leur qualité de vie au quotidien.
Peut-on avoir une maladie douloureuse chronique sans autre pathologie ?
À 90%, les patients entrent dans la douleur chronique par une pathologie, qu’il s’agisse d’un cancer, de problèmes rhumatologiques, d’un ulcère, d’une dépression…. Mais ce sont les facteurs sociaux psychologiques propres au patient qui vont « dérégler le logiciel ». Le patient ne répond alors plus au protocole et aux traitements administrés par ses médecins. Il bascule dans une plainte chronique, souvent lors d’un moment de fragilité (maladie, divorce, perte de condition sociale…). La digestion, le sommeil, la tension musculaire… sont alors parasités.
Quelle prise en charge est actuellement proposée ?
La recherche n’a découvert aucun nouvel antalgique au cours des 30 dernières années, d’autant qu’on a du mal à standardiser les zones de stimulation du cerveau pour inhiber la douleur. Aujourd’hui, 52% des patients pris en charge dans des centres anti douleur sont soulagés par des antalgiques bien dosés et des antidépresseurs à faible dose. On leur prescrit aussi parfois des antiépileptiques pour diminuer la sensibilité des capteurs neurologiques du corps.
Comment aller plus loin dans le traitement de ces patients ?
Au CHU de Montpellier, nous avons mis en place des séances de musicothérapie depuis 15 ans, mais aussi des groupes de parole, des séances d’hypnose et des séances d’éducation thérapeutique. Il s’agit aussi de faire comprendre au patient qu’il va falloir modifier son fonctionnement. Il faut qu’il prenne conscience de l’épuisement de ses mécanismes antalgiques propres et qu’il adapte son alimentation, ses liens sociaux, mais aussi ses objectifs de vie afin qu’ils soient plus réalistes et respectueux de son corps. Une fois que le cercle vicieux est cassé, le patient devient plus autonome et demande, généralement, moins de soins médicaux.