Diabétique, malvoyante, greffée et handicapée par une sclérose en plaques, Anne a passé la quasi totalité de sa vie dans les couloirs d’hôpitaux et en consultation médicale. A l’aube de ses 40 ans, malgré un quotidien rythmé par les multiples pathologies, elle vient d’entamer sa seconde vie grâce à une double greffe de rein et de pancréas en avril 2023.
La première chose qu’Anne a faite après sa double greffe rein-pancréas en avril 2023, c’est de déguster un café sucré accompagné d’un gâteau à la cafétéria du CHU de Toulouse sur les conseils de sa diététicienne. « J’ai d’abord culpabilisé en pensant à mon taux de glycémie mais au final tout allait bien donc là, j’ai vraiment pris conscience de tout ce qui allait changer dans mon quotidien », déclare-t-elle. Depuis l’âge de ses 8 ans, Anne souffre d’un diabète de type 1. Toute sa vie, elle a donc suivi un régime très particulier, adapté à sa maladie pour ensuite doser son insuline. Pendant des années, la pathologie a rythmé son quotidien.
Les quatre dernières années, j’allais en dialyse trois fois par semaine car mes reins étaient vraiment de plus en plus fragilisés par la maladie. Cela m’empêchait de profiter pleinement de mes enfants car les soins prennent beaucoup de temps », se rappelle la quarantenaire.
Une greffe qui a changé sa vie
Sa greffe, Anne l’a attendue pendant quatre ans et demi en étant inscrite sur la liste d’attente du CHU de Toulouse. Elle devait initialement recevoir un rein de la part de sa mère : « elle venait de passer tous les tests et elle était compatible donc on attendait plus que le feu vert pour l’intervention chirurgicale. » Mais à la même période, elle reçoit un coup de téléphone en plein milieu de la nuit, la veille de ses 40 ans, lui annonçant que le rein et le pancréas d’un donneur décédé l’attendaient. Elle prépare ses affaires en vitesse et se fait conduire à l’hôpital, à quatre heures de route de chez elle. L’opération n’étant pas anodine, elle est hospitalisée deux mois et demi avec plusieurs complications comme des infections du greffon ou une embolie pulmonaire. Malgré un long parcours pour se rétablir, diabète et dialyse sont désormais de lointains souvenirs pour Anne car bien que ses deux reins et pancréas malades ont été conservés, elle a gagné deux organes comme neufs. Elle a donc trois reins et deux pancréas.
Une malvoyance irréversible
En revanche, cette double greffe ne permet malheureusement pas d’améliorer la vue. En 2007, Anne s’est couchée un soir en voyant très bien et le lendemain, elle a constaté comme un « trou noir à gauche ». Elle est touchée par une névrite optique, une atteinte neurologique causée par une inflammation du nerf optique. Du côté de l’œil droit, sa vision s’est stabilisée à 2/10 suite à de nombreuses hémorragies de la rétine. « Les médecins m’avaient annoncé que je ne devais plus rien voir du tout. Ils m’avaient donné un an. À chaque évènement, je me disais que c’était le dernier. Le dernier Noël, le dernier anniversaire, le dernier feu d’artifice etc. Au final, je vois mais différemment, à ma façon. C’est comme si je regardais dans un trou de serrure. Je peux aussi apercevoir les silhouettes. Il semble que cela n’évoluera pas ni en négatif, ni en positif », explique-t-elle. Désormais, elle est toujours accompagnée de son chien-guide et tente de faire le plus de choses au quotidien sans se laisser diminuer par la maladie. « Je fais tout le ménage chez moi, sauf les carreaux, rigole-t-elle. Ce n’est pas parfait parce que je ne peux pas tout voir mais au moins, je me débrouille toute seule ». La malvoyance d’Anne est en partie provoquée par le diabète. La pathologie touche directement la rétine en bouchant les petits vaisseaux ou en les dilatant. C’est une rétinopathie diabétique. Cette maladie est d’abord silencieuse puis s’aggrave au fur et à mesure des années. Une conséquence handicapante sur laquelle Anne veut insister : « Quand j’étais adolescente, je ne faisais pas très attention. Un verre d’alcool par ci, un sirop par là et finalement ces excès ont eu des répercussions des années plus tard. Le problème avec le diabète c’est que cette pathologie ne fait pas mal, du moins dans un premier temps. Donc on ne se rend pas vraiment compte des bêtises qu’on fait. J’étais pourtant prévenue par le corps médical mais je me disais que j’étais plus forte que les autres, que cela ne m’arriverait pas »
La prévention comme mot d’ordre
Cette mère de famille de deux enfants assume ses erreurs, et s’en sert aujourd’hui pour faire de la prévention :
Je connais plusieurs jeunes diabétiques et je leur parle de tout ce que cela peut entraîner »
La perte de vision, c’est aussi ce qui a permis de détecter la sclérose en plaques de cette mère de famille de deux adolescents. Touchée par des symptômes pendant quatre ans et demi, les médecins n’arrivaient pas à trouver la cause de ses douleurs diffuses et permanentes.
Il y avait peu d’évolution donc personne ne comprenait ce que c’était mais quand j’ai perdu la vue subitement en 2007, le diagnostic a été posé grâce à un IRM », explique-t-elle.
Suite à une grosse poussée de la maladie, peu de temps après avoir été détectée, Anne part en rééducation. Trois mois plus tard, le corps médical lui annonce qu’elle ne pourra plus jamais marcher. « Je venais d’apprendre que j’étais enceinte mais je me suis tant pis, c’est la vie. Il y a des couples handicapés qui arrivent très bien à gérer alors pourquoi pas moi ? Je venais de me séparer du papa, ce qui n’arrangeait pas vraiment la donne. Certes, j’aime les difficultés, mais là, elles commençaient à s’accumuler », ironise-t-elle. Elle accouche le 3 février 2009 de son premier garçon, exactement deux ans après être devenue malvoyante. « Je suis rentrée à la maternité en fauteuil et je suis sortie en poussant le fauteuil », raconte-t-elle. Anne n’a subi aucune poussée de la maladie pendant sa grossesse. Un phénomène expliqué par des chercheurs suédois dans le Journal of Neuroinflammation. Selon eux, la plus grande tolérance du système immunitaire pendant la grossesse pourrait expliquer la réduction des symptômes. Suite à cela, Anne a pu remarcher normalement pendant 14 ans, jusqu’à ce qu’elle se casse le talon et que la prise en charge trop tardive ne permette pas de sauver son os. Malgré toutes ces pathologies et leurs complications, Anne reste emplie de joie de vivre et de second degré : « Tant que je n’ai pas une date de fin, tout va bien. À l’hôpital j’ai vu tellement de personnes se battre contre des cancers, ou des enfants malades qui allaient mourir mais qui ne baissaient pas pour autant les bras. Ils savent que dans deux ou trois ans, ils ne seront plus là. Face à cela, moi je ne peux pas me permettre de ne pas être bien. Peut-être que quand on m’annoncera que je n’ai plus que trois mois à vivre, je commencerai à me plaindre mais pour l’instant, tout va bien » Cet état d’esprit, Anne souhaite le diffuser le plus possible. La quarantenaire est en train d’écrire son autobiographie. Elle raconte son histoire à des auteurs professionnels qui se chargent de la rédaction. Le livre devrait sortir prochainement.
M-FR-00011910-1.0 – Établi en juillet 2024