Syndrome d’Ehlers-Danlos : méconnu mais plus fréquent qu’on ne le croit

Maladies rares
Syndrome d’Ehlers-Danlos : méconnu mais plus fréquent qu’on ne le croit

Cette pathologie touche le tissu conjonctif qui protège et soutient les organes. Le Dr Daniel Grossin, Président du GERSED (Groupe d’étude et de recherche sur le SED) s’est spécialisé dans l’étude de cette maladie depuis de nombreuses années. Il nous éclaire sur le sujet.

En quoi consiste le syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) ?

C’est une maladie qui atteint l’ensemble du tissu conjonctif. Les signes cliniques sont très disparates et très variés car le SED atteint tous les tissus donc tous les organes.

Les symptômes sont les suivants : un état de fatigue, une hyperlaxité ligamentaire, des entorses, des luxations, des douleurs pouvant être hyper-invalidantes, une altération de la proprioception c’est-à-dire la perception du corps dans l’environnement (les personnes se cognent beaucoup par exemple),

aussi des manifestations digestives, respiratoires, cardiovasculaires, hémorragiques, des troubles de la mémoire de l’attention, des troubles de la cicatrisation et des troubles visuels.

Que sait-on de l’origine de ce syndrome ?

Il est héréditaire. Le SED est une maladie génétique mais la pénétration des signes est un peu aléatoire. Elle touche à 80% les femmes et nous pensons que les oestrogènes ont certainement un rôle qui majore les signes cliniques.

Il y a un syndrome D’Ehlers-Danlos vasculaire avec une prédisposition à la survenue de complications sévères – artérielles, digestives et utérines – qui sont parfois observées, souvent absentes, dans les autres formes de SED.

Pour cette forme de la pathologie, un diagnostic génétique peut être fait. Mais l’immense majorité des SED sont du type « hypermobile ». Là, il n’y a pas de tests génétiques et le diagnostic repose sur l’ensemble des signes cliniques.

Comment avance la recherche et quelle est la prise en charge ?

La recherche est uniquement axée sur la génétique et ce sont les centres de références qui en ont la charge. Je pense qu’il serait utile de faire aussi des recherches sur la thérapeutique. L’errance diagnostic est en moyenne de 20 ans.

Il y a des traitements qui vont améliorer la vie des patients. Les troubles de la proprioception sont généralement bien améliorés avec les vêtements compressifs qui diminuent les douleurs.

L’oxygénothérapie en cure pendant une vingtaine de minutes, trois fois par jour, est bénéfique contre les migraines et la fatigue. Certains antalgiques fonctionnent et nous disposons de médicaments contre les contractures musculaires. Les orthèses plantaires et des mains avec des attelles de fonction aident beaucoup également. Les vitamine C et D sont souvent proposées.

La palette thérapeutique reste très large ensuite pour tous les cas particuliers.

Mais lorsqu’on demande une classification en ALD, malgré un handicap souvent sévère, la sécurité sociale la refuse de plus en plus fréquemment, même lorsqu’il s’agit d’un renouvellement. Elle demande éventuellement des expertises et peut remettre en cause des traitements commencés qui se sont avérés efficaces.

Quelle est la prévalence car les chiffres varient : 500 000 personnes seraient touchées rien qu’en France. Pour d’autres, c’est 5 000 dans le monde…

C’est une vraie discussion, nous ne sommes pas tous d’accord. Il est avéré que la fréquence de la maladie dépasse celle des maladies rares mais nous rentrons dans le programme des maladies rares.

En ce qui me concerne, je pense que la prévalence est bien supérieure à 500 000 personnes en France. Les médecins ne sont malheureusement pas formés pour les reconnaître, et les centres de référence sont saturés.

Dans le centre Ellasanté, nous assurons des consultations pour le SED. Nous en faisons peut-être dix fois plus que les centres de référence. Les gens viennent nous voir parce qu’ils savent que nous allons les recevoir dans un délai raisonnable.

Quelles sont les principales attentes des patients et de leur famille ?

Ils souhaitent avant tout une reconnaissance de la maladie. Le diagnostic est sans cesse remis en cause par les Caisses Primaires d’Assurance Maladie. Ces personnes souffrent mais ne sont pas considérées comme malades.

On veut leur « affubler » d’autres pathologies, généralement psychologiques, alors que cela n’a rien à voir.

Elles attendent d’être reconnus en ALD. Nous souhaitons également que les médecins soient formés, et que ce syndrome soit reconnu au niveau médical. Nous avons fait des courriers aux députés et sénateurs pour être reçus. Nous avons déjà des réponses.

Comment les patients vivent-ils ce manque de reconnaissance ?

Laissez moi vous raconter le cas d’une jeune femme qui m’a raconté récemment que l’expert imposé par la CPAM lui aurait dit « Ehlers Danlos, c’est à la mode ça ! ». Elle était évidemment décontenancée par ce début de consultation. Comme si on choisissait d’être à la mode ! Elle m’a aussi fait part de son sentiment que le médecin connaissait mal le dossier. Il l’a auscultée, mais alors qu’elle lui avait demandé d’y aller « délicatement », les gestes ont ravivé ses douleurs. Quand elle lui a parlé de ses blocages respiratoires, il lui a demandé plus d’explications en disant ça ne voulait rien dire! Le renouvellement de l’ALD accordée auparavant a été annulé par cet expert.

Quels conseils aimeriez vous donner aux patients ?

Ils doivent s’organiser et adhérer à des associations de patients. D’ailleurs, au Gersed, nous sommes en relation avec plusieurs d’entre elles. Le combat continue, plus que jamais.