Aidant, un parcours du combattant

Aidant, un parcours du combattant

Margaret a 55 ans et depuis des années, elle s’occupe de ses parents mais surtout de son père, qui accumule les maladies (diabète, problèmes cardiaques et cancer de la vessie). Elle est considérée comme “aidante”. Pourtant, faute d’informations, elle n’en a pas le statut officiel. Retour sur un quotidien pesant et semé d’embûches.

Comment est-ce que vous avez pris la décision de vous occuper de vos parents vous-même ?

Lorsque mon père est rentré après trois semaines d’hospitalisation, nous avons eu besoin d’une infirmière deux fois par jour mais cela a été très compliqué. Elles venaient une fois sur deux ou alors pas du tout et c’était impossible à gérer. Je devais partir plus tôt de mon travail et toujours être en veille. C’est à ce moment-là que j’ai pris la décision de m’occuper d’eux à “plein temps” et j’ai même démissionné. En attendant de l’aide, j’ai été obligée de m’arrêter de travailler car j’avais du mal à m’organiser pour répondre à leurs besoins surtout lorsqu’il y avait des visites médicales. J’ai choisi cette solution pour quelques mois, le temps de réunir les papiers nécessaires pour déposer un dossier et obtenir de l’aide.

Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce dossier ?

Lorsque l’hôpital nous a demandé comment nous envisagions le retour de notre père, nous savions qu’il voulait rentrer chez lui mais sans assistance c’était impossible car il est souvent sujet à des malaises. Lorsque j’ai déposé le dossier à la mairie, on m’a dit que la validation pouvait prendre jusqu’à trois mois. C’est à ce moment-là que j’ai donné ma démission parce que nous ne pouvions pas laisser mon père pendant trois mois sans aide. Notre dossier a été accepté début novembre. Pour l’instant, le temps que mon père s’habitue, une personne vient seulement 1h30 par jour, deux fois par semaine. Comme je souhaite retourner travailler, nous allons progressivement essayer que la personne vienne davantage.

Vous avez obtenu de l’aide pour vos parents mais vous, en vous avez également obtenu?

Non parce qu’officiellement, je n’ai pas le statut d’aidante. Tout d’abord, j’ai fait une erreur en démissionnant car je n’ai pas précisé que cela était lié à mon devoir de m’occuper de mes parents. Je ne touche donc pas le chômage. Je n’ai pas du tout réfléchi aux conséquences sur le moment même. Je n’ai pas pensé aux possibles procédures à faire pour pouvoir devenir aidante. Le problème c’est qu’il est très compliqué d’obtenir des informations à ce sujet. J’ai appris qu’il existait un statut officiel bien après avoir démissionné. Par ailleurs, personne ne vous donne la même réponse à ce sujet. Je suis allée à Pôle Emploi, au Conseil Général des Hauts-de-Seine et même à l’Assurance Maladie mais impossible de savoir ce qu’est ce statut, ce qu’il apporte et comme il s’obtient. Le mot “aidant” est utilisé à tout va sans rien de concret derrière. Dès que l’on demande des informations un peu plus précises, on est renvoyé vers une autre administration qui n’en sait pas beaucoup plus. C’est le flou total alors très vite, on abandonne.

Est-ce que vous pouvez me parler de votre quotidien ?

Avant que l’on obtienne de l’aide, j’allais voir mes parents tous les jours avant 9h pour prendre le niveau de sucre de mon père et lui faire son injection. Comme les infirmières ne venaient jamais de manière régulière, mon frère et moi avons dû apprendre tous les actes médicaux par nous-mêmes. Par ailleurs, à cause de son diabète, mon père fait souvent des malaises donc je restais chez moi pour être là en cas de besoin, sachant que j’habite en face de chez eux. Pendant trois mois, je suis restée dans mon appartement ou chez eux au cas où il y aurait un problème. Je devais être disponible 24h/24 et 7j/7. Très vite, c’est devenu fatiguant et stressant car cette constante disponibilité est très difficile à gérer. Je ne pouvais pas sortir, voir des amis ou même prendre du temps pour moi.

Donc ce quotidien d’aidante empiète sur votre vie personnelle?

Complètement ! Mon père n’est pas quelqu’un de facile à vivre et même si je fais tout mon possible pour l’aider, je m’en prends bien souvent plein la figure car il n’apprécie pas que sa fille lui dise quoi faire. Cela a affecté ma relation avec lui. Parfois, j’y allais vraiment à contre-cœur et ça me pesait. C’est une charge mentale très forte que de devoir être autant disponible physiquement et mentalement pour quelqu’un d’autre. C’est également une très forte responsabilité car on ne peut jamais savoir ce qu’il peut arriver. On craint de ne pas être là quand il faut mais en même temps on veut continuer à vivre. Conclusion : on se sent coupable dès qu’on prend du temps pour soi loin d’eux.

Qu’est ce qui vous pèse le plus ?

Le plus difficile pour moi c’est de ne plus avoir d’activité professionnelle, pas tant pour une question de reconnaissance mais car que je n’ai plus aucun plaisir à m’occuper d’eux. Mon père n’est même pas satisfait de cette situation. Quand on est aidant on ne devrait pas avoir à s’occuper de la partie médicale car cela représente tout ce qui n’est pas agréable. Étrangement, c’est assez différent quand on s’occupe d’autres personnes que de ses proches. Je suis bénévole au Petit frère des Pauvres et les gens que j’aide sont vraiment contents.

Est-ce que l’aide que vous avez finalement obtenu vous soulage un peu ?

Depuis peu de temps, une personne vient deux fois par semaine pendant 1h30. Cela me permet de faire mes démarches personnelles comme de chercher du travail par exemple. Je prends aussi un peu de temps pour moi. Par exemple, je suis allée chez le coiffeur. C’était la première fois depuis très longtemps. Cela me permet également de penser à autre chose car lorsqu’ils sont avec cette personne, je suis beaucoup plus détendue que lorsque je les laisse seuls. J’espère que nous allons pouvoir rallonger ce temps d’aide.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres aidants ?

Bien se renseigner sur le dossier pour obtenir un statut d’aidant et les aides liées à ce statut. Il y a un grand manque d’informations à ce niveau-là ! Ce qui est contradictoire c’est que c’est à nous, aidant, d’aller pêcher ces informations. Je pourrais aussi leur conseiller d’essayer de prendre du temps pour eux.