Cancer du poumon : 3 questions au Pr Cadranel, chef du service de pneumologie à l’hôpital Tenon

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Cancer du poumon : 3 questions au Pr Cadranel, chef du service de pneumologie à l’hôpital Tenon

Chaque année en France, 40 000 nouveaux cas de cancer du poumon sont diagnostiqués. Un chiffre qui en fait le quatrième cancer le plus fréquent, mais le premier en terme de mortalité.

On peut diviser le cancer du poumon en deux grands types : celui dit « à petites cellules » (environ 15%), très relié au tabac puisqu’il touche essentiellement les fumeurs, et ceux « non à petite cellules » (85%) qui frappent parfois les personnes qui ne fument pas. 80 à 85% des cancers du poumon sont, toutefois, liés à la cigarette !

A l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, Voix des Patients a posé trois questions au Pr Jacques Cadranel, chef du service de pneumologie à l’hôpital Tenon, à Paris.

 

C’est le cancer qui fait le plus de morts chaque année, c’est donc un cancer très agressif ?

« La proportion de malades que l’on guérit est d’environ 15%, il y a donc environ 85% de ces cancers que l’on ne guérit pas.

On ne sait guérir pratiquement que les cancers que l’on peut opérer ou ceux qui sont suffisamment petits et sans extensions en dehors du thorax. Mais malheureusement tous les malades que l’on opère ou qui reçoivent un traitement local ne vont pas pouvoir guérir.

C’est un cancer agressif, et le diagnostic est souvent tardif avec une maladie localement très étendue ou qui est déjà métastatique. Au moment du diagnostic, les deux tiers des malades sont des personnes qui ont un cancer étendu localement donc non opérables ou avec métastases.

En ce qui concerne les médianes extrêmes de survie, un cancer du poumon de moins de 2 cm opéré a une probabilité de guérison 85%, mais la survie d’un cancer métastatique est de l’ordre de douze mois. Néanmoins dans les cas métastatiques certains patients meurent dans les trois à six mois, mais maintenant il y a aussi des malades qui ont une survie très prolongée liée, notamment, à leurs particularités génétiques et au progrès thérapeutique. »

Que sait-on à propos de la qualité de vie des personnes qui ont eu un cancer du poumon ?

« Il y a peu de travaux sur le cancer du poumon guéri. Nous bénéficions de plus d’études concernant les malades qui ne guérissent pas et qui s’intéressent à la question de la qualité de vie avec tel traitement ou tel autre.

C’est probablement parce que l’on ne guérit pas beaucoup de patients. Il y a certainement un milieu associatif inexistant à l’inverse du cancer du sein, par exemple. Socialement, ce cancer a souvent été vu négativement parce qu’on estime que le malade est responsable de sa maladie à cause du tabac. Il y a donc sûrement une vision sociologique du cancer du poumon très différente par rapport à d’autres, et c’est ce qui en fait un cancer que l’on considère parfois comme inavouable.

Les malades que l’on guérit ont été opérés ou bien ont subi de la radiothérapie, ils ont donc une amputation fonctionnelle qui engendre un vrai handicap avec un essoufflement et des limitations physiques. »

Malgré les pronostics qui restent assez sombres y a-t-il eu des progrès ces dernières années ?

« Nous sommes passés de moins de 10% de malades guéris à 15%. Il y a aussi eu des améliorations dans la prise en charge chirurgicale ainsi que des avancées considérables dans la radiothérapie, notamment avec la radiothérapie que l’on appelle stéréotaxique qui limite la toxicité des rayons au niveau du poumon.

Depuis une quinzaine d’années, des nouveaux médicaments sont également apparus dans le cadre des chimiothérapies. Les concepts thérapeutiques ont aussi progressé. Avant, la chimiothérapie était fatigante et il fallait l’arrêter rapidement, donc les malades rechutaient vite. Maintenant, elle est mieux tolérée, ce qui permet de retarder le moment de la rechute. Et puis il y a eu le développement des thérapies ciblées. »

L’arrêt du tabac est donc primordial pour se préserver soi-même ainsi que son entourage. Chaque fumeur doit garder à l’esprit que, quel que soit l’âge auquel il stoppe la cigarette, il réduit son risque de développer un cancer du poumon.