Cette pathologie ne concerne que les filles. Il s’agit d’une maladie génétique rare caractérisée par l’absence totale ou partielle du second chromosome sexuel X. Quelles sont les conséquences pour les patientes concernées par cette anomalie chromosomique ?
Comme on l’apprend dans les manuels scolaires de biologie, le sexe d’un fœtus est déterminé par les chromosomes sexuels X et Y, XX chez la femme, XY chez l’homme. Une paire de chromosomes X et Y (XY) entraîne la formation d’organes masculins, et une paire de chromosomes X et X (XX) entraîne la formation d’organes féminins. Les femmes transmettent automatiquement à leur progéniture un chromosome X et les hommes soit un chromosome X, soit un chromosome Y. Mais dans de très rares cas, il peut survenir une anomalie lors de la division cellulaire entraînant une absence partiel ou total de l’un des deux chromosomes X.
Une fille sur 5 000 serait concernée
Sur le site OrphaNet, il est précisé que la prévalence est estimée à 5/10 000 nouveau-nés vivants de sexe féminin, autrement dit 1 fille sur 2 000 serait concernée. Toujours selon cette même source, au total, 10 000 femmes sont touchées en France. Cette rareté est liée à la fragilité des embryons atteints par le syndrome, puisque 98 % des grossesses concernées aboutissent à une fausse couche précoce, toujours selon le site Orphanet. Ni l’âge de la mère au moment de la grossesse, ni les facteurs héréditaires ou environnementaux ne semblent en cause. Physiquement, on peut observer chez certaines filles certaines particularités. À la naissance, il peut y avoir (pas systématiquement) un gonflement du dos, des mains et des pieds ainsi qu’un cou un peu large et court, ou palmé. Parfois, une dysmorphie craniofaciale peut être repérée, avec un visage un peu triangulaire et une hypoplasie du maxillaire inférieur. Il arrive que les oreilles et les cheveux soient implantés un peu bas.
La petite taille, le principal symptôme…
Les filles présentant ce syndrome sont généralement de petite taille. C’est d’ailleurs ce qui a interpellé Milette. D’origine philippine, elle est arrivée en France en 2017, quand sa fille avait 7 ans. Nous ne nous doutions de rien, mais mon premier employeur m’a fait remarquer en voyant Carlota qu’elle était petite pour son âge. Et que je devrais consulter », raconte-t-elle. Elle suit ce conseil et rencontre un médecin à l’hôpital, qui confirme que l’enfant n’est pas dans les courbes de croissance. Il lui prescrit un traitement avec des hormones de croissance. « Nous étions très tristes. J’ai beaucoup pleuré. Il me semble que ma fille, elle, ne s’est pas vraiment rendu compte. Et ce d’autant que, heureusement, les autres enfants ne se sont pas moqués d’elle à cause de sa petite taille », précise Milette. Et d’ajouter : « c’est mon mari qui se charge des injections quotidiennes d’hormones depuis cinq ans, mais c’est bientôt terminé. »
… mais parfois aussi des problèmes cardiaques
Jamais avant le diagnostic, elle n’avait envisagé que sa fille puisse avoir un problème. Quand elle était bébé, Carlota ronflait un peu, et on a compris ensuite que c’était peut-être lié à ses problèmes cardiaques », ajoute-t-elle. Car c’est l’un des autres symptômes. Outre le risque plus élevé de présenter des malformations congénitales et des anomalies rénales, osseuses, ORL ou endocriniennes, on observe aussi souvent des malformations cardiaques, en particulier une bicuspidie aortique (la valve aortique ne présente qu’un double feuillet au lieu du triple habituel) ou une sténose (une diminution de la surface d’ouverture de la valve aortique) de l’aorte ascendante. « Nous allons régulièrement à l’hôpital américain pour son cœur et à Bicêtre pour les hormones de croissance », raconte Milette. Si les termes techniques lui échappent un peu, elle a compris que l’étroitesse des artères créait des complications au niveau du cœur de sa fille. « Il n’est pas exclu qu’on soit obligé de l’opérer », ajoute-t-elle.
Une puberté pas comme les autres et des problèmes de fertilité
Les patientes concernées par le syndrome de Turner (lequel doit son nom à Henri Turner, un médecin américain qui a décrit, en 1938, les signes cliniques de ce syndrome, sachant que les premiers caryotypes n’existent que depuis 1959) sont aussi concernées par des problèmes de fertilité. C’est d’ailleurs parfois seulement à l’adolescence que le syndrome est détecté, lorsque la puberté et les règles ne surviennent pas. L’étude du caryotype permet alors de confirmer le diagnostic. En réalité, les filles ont bien un utérus avec une insuffisance plus ou moins avancée du développement ovarien pouvant conduire à l’absence de cycles menstruels. Un traitement hormonal substitutif en œstrogènes et progestérone a été mis en place pour contrer cette insuffisance ovarienne. Carlota n’a pas voulu parler de ce sujet à ses amis à l’école : Ma fille est très timide. Personne n’est au courant de ce qu’elle a vraiment, mais nous avons quand même dû prévenir l’établissement, car pour la pratique du sport, elle peut avoir des difficultés par rapport à d’autres. Je lui dis souvent que si c’est trop dur, il ne faut pas le faire car elle pourrait s’exposer à des risques cardiaques. » Milette redoute que Carlota n’ait jamais d’enfants, et ce d’autant que c’est sa fille unique. Mais elle a choisi de garder la foi, surtout depuis qu’elle a appris que grâce aux avancées scientifiques, les « jeunes filles Turner » ont maintenant des possibilités de grossesse, grâce à un don d’ovocytes. De quoi garder espoir…
M-FR-00011210-1.0 – Établi en avril 2024