Corinne Devos Education thérapeutique et patient-expert

Corinne Devos Education thérapeutique et patient-expert

Corinne Devos est intervenue lors de la 1ère table ronde de la 3e journée des Rencontres annuelles de la Maladie chronique le 6 mars à Paris. Elle explique ici son parcours.

Un parcours classique et en 2000, plusieurs pathologies chroniques sont diagnostiquées. Un véritable tremblement de terre, à 9 et sur l’échelle de Richter, avec un retentissement puissance 10 dans tous les domaines de ma vie quotidienne. Le point d’orgue : ma mise en invalidité, sans aucune perspective de reprise, même à très long terme. 

Et sans y être préparée, il a fallu reconstruire un projet de vie qui ne soit pas qu’un projet de soins.

C’est  là que j’ai choisi de m’impliquer, en tant que bénévole de l’afa, auprès de malades atteints de Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin et au fil du temps et de l’expérience auprès des malades, de devenir patient-expert.

Mais on ne s’improvise pas patient-expert !  Et heureusement !

Ce n’est ni témoigner de son parcours,  ni plaquer son expérience de malade sur un autre malade, ni fournir un kit de solutions clés en mains, ni faire la morale ! 

C’est être un patient atteint d’une maladie chronique, avoir la volonté de s’impliquer auprès d’autres malades chroniques, avoir du recul sur sa maladie, être riche de son expérience et de celle des autres et être formé, d’abord à l’écoute, puis en ETP, pour intervenir en réseau et en complémentarité des soignants.

Quant à l’ETP, des mots souvent mal compris des malades, interprétant cela comme une nième consultation thérapeutique et une infantilisation. Une relation de maître à élève, de celui qui sait à celui qui ne sait pas. Et pourtant, un vrai « » pour mieux vivre avec une maladie chronique …

C’est pour cela que l’afa a rebaptisé son programme d’ETP de façon plus sexy en « coaching santé – API-MICI ». 

Ce programme, agréé par l’ARS IDF, est animé par des patients-experts formés qui travaillent en réseau : gastro, psy, infirmière, diététicienne, assistante sociale, médiateur juridique, sophrologue… pour optimiser l’orientation du malade et permettre autonomie et remobilisation dans de bonnes conditions.

Il s’adresse aux malades, quel que soit leur âge, le stade et la sévérité de la maladie, qui rencontrent des difficultés dans la gestion de leur quotidien avec la maladie et souhaitent améliorer leur prise en charge.

Ce programme est individualisé et se déroule en 4 à 5 séances individuelles sur RV et peut reprendre à n’importe quel moment en fonction des besoins de la personne.

Les attentes des malades de MICI sont principalement l’information sur la maladie et ses traitements, la gestion de la fatigue, le retentissement sur la vie professionnelle, l’impact de la maladie dans la sphère privée, l’alimentation, la préparation de la consultation avec le médecin ou encore, la perte de confiance en soi.

Les besoins s’expriment, au delà de la maladie et de ses traitements, dans le « vivre avec la maladie ».

Derrière ces besoins, chaque malade souhaite mobiliser ses ressources et développer ses propres solutions pour se construire un projet de vie, dans lequel l’espace laissé à la maladie et à ses contraintes est réduit au minimum,  et retrouver un statut de personne à part entière.

Et c’est bien là qu’on comprend tout l’intérêt de la complémentarité soignants / patients-experts : « chacun a sa place et chacun à sa place».

Par ailleurs, on assiste à une augmentation des soins à domicile, temporaires ou définitifs, c’est à dire à un déplacement des soins du milieu spécialisé et protégé qu’est l’hôpital ou la consultation médicale vers le domicile, vers la sphère privée. Et de ce fait, à une responsabilisation accrue du patient et de son entourage direct.

Si on comprend bien l’enjeu, il faut pouvoir tenir compte des besoins et attentes du malade chronique, de ses capacités (personnelles et matérielles) à prendre en charge les soins à domicile mais aussi des attentes et capacités de son entourage, s’il en a un.

On se rend compte, encore trop souvent, que le patient n’est pas mis en mesure de décider du  parcours de soins qui lui convient le mieux. Quant à son entourage, il n’est que très rarement consulté et se retrouve impliqué sans avoir eu son mot à dire.

Quand le malade rentre chez lui, il entend retrouver sa place de membre à part entière de la famille – et c’est d’ailleurs ce que tout le monde attend de lui – pas une place, à part, de malade exposé et dépendant.

Du « devoir » au « subi », de la « responsabilisation » à la « culpabilisation », il n’y a souvent qu’un pas et pourtant c’est bien la réussite d’un parcours de soins qui là encore est en jeu, à travers l’observance thérapeutique et l’équilibre du malade et de son entourage.

De même, le patient se retrouve souvent seul à faire le lien entre les professionnels de santé, aucune transmission n’étant prévue en tant que telle à l’instar de ce qui existe en milieu hospitalier. 

Ainsi, il faut que soient mis en œuvre les moyens d’une bonne prise en charge des soins à domicile, tant en matériels et services qu’en personnels.  Afin que le soin reste de qualité égale à celui dont le patient aurait bénéficié au sein de l’hôpital.

Un accompagnement individualisé des participants, malade et aidants, à ces nouveaux parcours de soins, avant la prise de décision ou pendant le parcours de soins, a toute sa place.

Les malades chroniques sont responsables et responsabilisés. Les rendre autonomes, c’est leur donner le choix, accepter leur choix et dans tous les cas, leur laisser le dernier mot sur leur parcours de soins et leur parcours de vie. C’est accepter qu’ils soient l’acteur principal de leur santé.