Droit à l’oubli : un délai raccourci qui résonne comme une victoire pour les patients

Droit à l’oubli : un délai raccourci qui résonne comme une victoire pour les patients

En 2016, la loi sur la modernisation du système de santé instaurait le principe du droit à l’oubli. Depuis, les « ex-malades » du cancer peuvent occulter leur passé médical lors de la souscription d’un prêt bancaire à l’issue d’un délai de 10 ans après la fin des traitements. En 2022, le délai est réduit de moitié pour passer à 5 ans.

Adoptée mi-avril, cette proposition de loi du 17 février 2022 est entrée en vigueur le 1er juin 2022. Une avancée considérable pour des millions de personnes qui ont longtemps connu, en raison de leur maladie « passée », surprimes, exclusions de garanties et autres tarifs exorbitants au moment de contracter la sacro-sainte assurance emprunteur. De quoi freiner leurs projets de vie.

La volonté de revivre comme avant

« La seule certitude, c’est que rien n’est certain. » Cette maxime de l’auteur Romain Pline l’ancien illustre parfaitement la singularité du cancer. Ou plutôt de sa « rémission » diront les uns, de sa « mise en sommeil » diront les autres… Annie Brousse ne le sait que trop bien. Comme beaucoup de personnes ayant fait la douloureuse expérience du cancer, elle espérait en avoir terminé avec la maladie une fois le protocole thérapeutique achevé. C’était sans compter sur une première récidive de son cancer du sein 8 ans après la fin de son traitement, puis une seconde quatre ans plus tard. « Voilà pourquoi les médecins ne parlent jamais de guérison. La récidive est cliniquement possible. Il faut non seulement en prendre conscience mais surtout l’admettre et l’accepter », explique la présidente de l’association Vivre comme avant.

Cette structure – forte d’une centaine de bénévoles ayant toutes vécu un cancer du sein – accompagne des femmes malades dans 70 hôpitaux situés dans une quarantaine de villes en France. Soutien émotionnel et conseils pratiques sont apportés pour les aider à mieux faire face à la maladie et ses conséquences au quotidien. Et aussi à mieux communiquer avec leur conjoint, leurs enfants, leurs proches.

Droit à l’oubli, droit d’avoir des projets de vie

Vivre Comme Avant… Le nom de l’association présidée par Annie Brousse en dit long sur l’état d’esprit qui anime les bénévoles et qu’elles tentent toutes d’insuffler aux femmes malades qu’elles côtoient. « L’incertitude qui règne autour du cancer ne doit pas empêcher les personnes et les familles qui y font face ou y ont fait face, de continuer à vivre et d’avoir des projets. Certes, avec le diagnostic récent et le protocole thérapeutique en cours, elles sont dans le court terme. Vivre après le cancer, c’est possible. Nous, bénévoles, en sommes la preuve vivante et en cela nous constituons des facteurs d’espoirs… Même si on a eu un cancer, on continue à avoir des projets, à avoir une vie de couple, à élever ses enfants, à avoir une vie professionnelle, sociale… à faire construire ou à acheter une maison », détaille Annie Brousse.

Cela tombe bien, cette dernière projection est au cœur de la loi sur le droit à l’oubli qui a connu, courant avril, une évolution d’envergure pour ne pas dire une petite révolution. Terminé le délai incompressible des 10 ans post-traitement (sans rechute) durant lesquels tout « ancien malade » devait signaler à l’assureur sa pathologie passée lorsque le cancer avait été diagnostiqué après l’âge de 21 ans. Le délai est désormais de 5 ans. Une durée déjà appliquée pour les personnes dont le cancer avait été diagnostiqué avant leur 21 ans.

Terminé également le questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros. « Il y a encore 5 ans, quand vous aviez eu un cancer, même si vous n’aviez pas eu de récidive depuis plusieurs années, emprunter pour acheter une maison relevait quasiment de l’impossible dès lors que vous deviez solliciter un crédit. Les emprunteurs qui présentaient, aux yeux des assureurs, un risque aggravé de santé, se voyaient généralement appliquer des surprimes ou des exclusions de garanties sur l’assurance emprunteur », explique la présidente de Vivre Comme Avant. Et de poursuivre : « Ce passage de 10 à 5 ans est une avancée majeure. En effet, on diminue de moitié ce droit à l’oubli et on met quasiment fin aux questionnaires médicaux. Les personnes et les familles qui ont vécu le cancer ont le sentiment d’avoir été entendues. »

Encore une fois, il ne s’agit pas d’être utopique et de nier la possible récidive mais de dire que la vie continue. Le droit à l’oubli, c’est le droit de vivre comme une personne normale et de ne plus être considérée comme une cancéreuse ou comme une patiente.

Les maladies chroniques également concernées

Plus que jamais, l’obtention d’un crédit se trouve facilitée pour les familles qui ont connu un cancer. D’autant plus qu’il y a toujours la possibilité parfaitement légale de mettre l’assurance uniquement au nom du conjoint (ou de la conjointe). « C’est souvent le cas et ce fut d’ailleurs notre cas avec mon époux », tempère Annie Brousse. À noter que si le cancer (quels qu’en soient la localisation et le type histologique) est souvent associé au droit à l’oubli, la loi concerne aussi l’hépatite C et les maladies chroniques comme le diabète.

M-FR-00007170-1.0 – Établi en août 2022