Stéphane, 56 ans a développé une polykystose rénale à l’âge de 30 ans. Il s’agit d’une maladie héréditaire, pour laquelle des kystes se forment autour des reins et grossissent jusqu’à les étouffer. En mars 2013, il se fait greffer un rein grâce au don de sa sœur jumelle, mais six mois plus tard, il fait un rejet. Depuis, il a subi deux néphrectomies et pratique des dialyses trois fois par semaine en attendant une nouvelle greffe.
Je suis parti en vacances et j’ai uriné du sang. J’ai passé une échographie sur place, et le médecin a découvert que j’avais de très nombreux kystes autour des reins. Je suis rentré à Paris et ai été pris en charge à l’hôpital Necker par un urologue.
Les médecins ne savent pas quand ni pourquoi cela se déclenche. Certes ils y a des facteurs comme l’alcool, le tabac, mais aucune cause précise ne peut expliquer le phénomène. D’autant que je ne buvais ni fumais excessivement. La polykystose rénale est d’origine familiale, on naît avec. Ma grand-mère avait la maladie, mais ne l’a pas déclarée. Sur les 4 filles qu’elle a eues, deux d’entres-elles l’ont contractée, dont ma mère. Elle a été en dialyse pendant 15 ans et a bénéficié d’une greffe à 63 ans. Elle est décédée depuis 10 ans maintenant. Ma sœur jumelle n’a pas été touchée par la maladie, ni même ma fille aujourd’hui âgée de 22 ans.
Pendant dix ans, j’ai été suivi à l’hôpital Necker. Les médecins n’ont pas pu faire grand-chose. J’étais contrôlé tous les 3 mois : prises de sang, de tension, échographies… Mais il n’y avait rien à faire, car aucun médicament ne pouvait réduire les kystes. À 18 ans, avec une échographie, on aurait pu déceler la maladie, mais on n’aurait rien pu faire de plus. Car on ne peut pas éclater les kystes au risque d’endommager les reins.
Les kystes étaient devenus si gros que mes reins ne fonctionnaient plus. Alors mon médecin à Necker m’a dit qu’il fallait absolument me greffer et qu’il fallait demander un rein à ma famille. Ça a été un choc. Je considérais que je n’étais pas malade et ne voulais pas me faire greffer. Ma première question quand j’ai su qu’il n’y avait pas d’alternative, était de savoir j’allais pouvoir rejouer au tennis ? En rentrant chez moi, j’en ai parlé à ma compagne qui a immédiatement averti ma sœur jumelle. Elle voyait mon médecin depuis déjà 6 ans et avait tout devancé et tout organisé. C’était la personne la plus compatible avec mon organisme pour la greffe. Elle m’a appelé en me disant que tout était déjà programmé. Ensuite les choses sont allées très vite.
Lorsqu’on envisage une greffe rénale, il y a toujours un côté juridique (pour entre autres éviter le marchandage d’organes). On voit aussi un psychologue qui cherche à savoir ce que l’on ressent à l’idée de vivre avec un organe qui ne nous appartient pas. Ma sœur a également été très courageuse. Je ne sais pas si dans la situation inverse j’aurais eu le courage de le faire pour elle.
Du point de vue de la chirurgie, pratiquement aucun, mais une greffe pourrait développer à son tour une maladie rénale chez le donneur. Le fait d’avoir deux reins permet à l’un de compenser l’autre s’il y a un problème . Et quand on en a qu’un, il n’y a pas de solution…
Oui, la greffe a très bien fonctionné pendant six mois, puis j’ai fait un rejet assorti de plein de complications pendant deux ans. Pendant cette période, je séjournais à l’hôpital pendant 2 jours, 2 semaines, ou 2 mois…. Les prises de sang étaient très négatives alors que d’apparence, j’allais toujours bien. Il n’y avait aucun effet visible de l’extérieur. On n’a jamais su pourquoi j’avais fait ce rejet, ce qui pose toujours de gros problèmes pour envisager une autre greffe. Pourtant, le rein de ma sœur était en parfaite adéquation avec mon corps, on n’aurait pas pu trouver mieux, aucun rein ne pouvait mieux correspondre.
Nous avons évidemment été terriblement déçus, choqués. Ma sœur particulièrement. Mais il n’y a rien à faire. Elle n’a plus qu’un seul rein, et j’espère que cela n’aura pas d’incidence sur sa santé. Aujourd’hui, au sein de ma famille, le seul rein qui serait compatible est celui de ma fille de 22 ans, mais c’est hors de question. Je ne me pose même pas la question. Nous en discutons souvent, elle ne comprend pas pourquoi je ne veux pas, mais pour moi c’est inenvisageable. Ou alors, il faudrait vraiment que ce soit la dernière solution pour me garder en vie. Et nous n’en sommes pas là.
Pendant des mois, j’ai été tellement chargé en médicaments que j’ai développé du diabète. Les médicaments sont essentiels car ils servent à développer au maximum les défenses immunitaires. Alors les médecins ont commencé à me parler des dialyses et de néphrectomie car les kystes continuaient à grossir.
Oui, quand on m’a greffé, j’avais mes deux reins.
La greffe n’est pas un remplacement des reins, c’est une addition. Ils ont mis le rein de ma sœur là où il y avait de la place. Normalement, ils se situent dans le dos, au-dessus des hanches et là, ils ont dû faire la greffe au niveau de l’appendice, seul endroit où il restait de la place. Par la suite on m’a effectivement retiré mes deux reins natifs car ils étaient devenus trop gros et ils se déplaçaient dans mon corps. Normalement, un rein pèse 300 grammes, les miens faisaient 8 kilos chacun. Plus rien n’était à sa place, mon foie étaient complètement à gauche. On m’a enlevé le premier rein car je n’arrivais plus à marcher tellement il était volumineux. On m’a retiré le second deux ans après.
À l’époque, après la greffe, je ne voulais pas entendre parler de dialyse car j’avais encore l’image de ma mère qui avait tellement souffert à la fin de sa vie. Je savais aussi ce que cela voulait dire : être bloqué tous les deux jours à Paris alors que j’étais souvent en déplacement et travaillais régulièrement aux États-Unis. Et les dialyses, c’est pour toute la vie…
Les dialyses impliquent beaucoup de rigueur et d’organisation au quotidien. Mais sans elles, je peux mourir à tout moment d’un arrêt cardiaque. On me dit souvent que j’ai beaucoup de courage, mais c’est ça ou je meurs. Il faut faire attention à tout lorsque l’on est en dialyse. Mais moi, je n’y pense pas plus que ça. Bien entendu, je ne fume pas, je ne bois pas… Je vis très bien grâce à la dialyse même si c’est très pesant. Dans mon centre, il y a des gens qui ne veulent pas entendre parler de greffe. Le poids de l’opération est bien trop lourd. Ils préfèrent vivre sous dialyse. Souvent il s’agit de personnes à la retraite, qui ont plus de temps. Cela leur permet de discuter avec d’autres patients, de se socialiser.
Je suis en dialyse depuis quatre ans maintenant, trois fois par semaine. Elles se déroulent le lundi, mercredi, vendredi et ce, pendant quatre heures.
Alors il faut apprendre à s’organiser : par exemple, trouver des centres quand on part en vacances. Aujourd’hui, je pars souvent à Agadir en vacances, et il y a un très bon centre là-bas. La sécurité sociale me rembourse 100% des frais au Maroc, le seul inconvénient c’est que je dois avancer les frais. En revanche, ma fille habite à Montréal, au Canada et j’ai essayé de trouver un centre mais les dialyses là-bas ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale, et elles sont très onéreuses. Donc je ne peux pas y aller, c’est financièrement impossible pour moi. Il y a aussi une double peine de la dialyse au niveau social car il faut aménager sa vie. Depuis que je suis en dialyse, j’ai perdu 80% de mon chiffre d’affaires. Le problème n’est pas de ne pas travailler durant la dialyse, le problème est le manque d’énergie et la fatigue qui s’ensuit. La maladie met les personnes malades dans un état de grande précarité. Si par exemple vous voulez obtenir un crédit pour acheter une maison, même si des lois de protection existent, il est très rare qu’il soit accordé.
Il y a beaucoup de choses faites pour les personnes en dialyse : des croisières en méditerranée par exemple, les bateaux sont entièrement équipés pour recevoir les patients. Il y a tous les traitements et les machines, tout est prévu sur les bateaux. Il y a aussi des compétitions sportives pour les dialysés, comme des Jeux Olympiques.
Personnellement, je ne participe pas à ce type de choses, je ne veux pas me retrouver au milieu de malades. Je suis encore dans le déni de la maladie. Ce n’est pas quelque chose que je cultive. Je n’en parle pas mais je trouve les initiatives formidables.
Tout à fait. On a la possibilité de faire ses dialyses à domicile. Mais moi j’ai refusé. Il faut être très sérieux pour faire cela et j’aurais peur d’être un peu trop léger. Pour faire une dialyse à domicile, il y a un mois de formation très complexe du patient. Mais je me dit que je ne suis ni infirmier ni médecin. Le simple fait de me faire des piqûres d’anticoagulants ne me met pas à l’aise, je mets 1/2h à me piquer… et pourtant c’est très simple. Aussi, j’ai craint que si j’ai le choix de la faire quand je veux, je ne la fasse pas. Avec les médicaments, il faut être très rigoureux déjà, et je le suis moyennement. A l’hôpital, vous n’avez pas le choix. Les planning de dialyse sont établis des mois à l’avance, la demande est grande, c’est une grande chance pour nous donc il n’y a aucune alternative, ou presque, pour les assurer.
Tout à fait. En France on travaille d’ailleurs beaucoup plus là-dessus que sur la recherche chirurgicale et les greffes. La recherche et le financement se portent essentiellement sur le confort des patients alors qu’aux États-Unis par exemple, la recherche porte plus sur la greffe. Ils vont bientôt sortir un rein artificiel qu’on va greffer à un patient. La médecine française apporte aussi beaucoup d’importance à la gestion de la douleur des patients. Beaucoup de nouvelles méthodes sont développées, au-delà même des traitements antidouleur. Après ma première néphrectomie, au bout d’une semaine, j’ai fait un malaise à mon domicile. J’étais seul. Je suis violemment tombé sur une enceinte dans mon salon, avec le seul rein qui me restait, ce qui a provoqué une grave hémorragie interne. Je n’ai jamais autant souffert de ma vie. Le SAMU est arrivé, et l’ambulancier a réussi à me calmer avec la respiration et en me parlant. Sans aucune autre intervention, il a réussi à apaiser ma souffrance rapidement.
Aujourd’hui, je suis toujours en attente d’une nouvelle greffe. Je suis déçu car je trouve que la recherche pour ce type de pathologie n’a pas beaucoup avancé. Je vis toujours avec les anti-rejets, je suis toujours autant en risque. Je redoute un peu une nouvelle greffe si elle arrivait, car c’est une grande épreuve, et la dialyse est quand même très confortable. C’est le but premier. Même si au bout de 10 ou 15 ans, le corps en prend un coup, les artères souffrent beaucoup, on développe des problèmes cardiaques…. Mais on a la chance en France d’être très bien suivi par les médecins et leurs équipes.
Aujourd’hui, après ma greffe, son rejet, mes deux néphrectomies et mes dialyses, je dois avouer qu’à part les cicatrices on ne voit rien et je me porte plutôt bien ! Je joue au tennis, je travaille, je pars en vacances… J’ai une vie presque normale !
Les greffes des donneurs vivants sont en théorie celles qui marchent le mieux. À l’heure actuelle, non ce n’est pas fréquent du tout car les traitements immunosuppresseurs ont beaucoup progressé. On peut parfois observer un rejet aigu plutôt en début de greffe et le bilan rénal se détériore. On procède alors à une biopsie et on traite ce rejet par des corticoïdes. Et puis il y a un rejet plus vicieux qu’on appelle un rejet chronique. Il apparaît environ un an plus tard. On voit apparaître, si on les surveille dans le sang, des anticorps contre le greffon.
Oui, c’est la maladie rénale génétique la plus fréquente. Elle concerne une naissance sur 1000 et touche aussi bien les garçons que les filles. Quand le père ou la mère est atteint, l’enfant aura 50% de chance d’être concerné lui aussi. En général c’est une maladie qui va se manifester plutôt vers la 30ème année et se manifester par une insuffisance rénale. Dans le cas de la polykystose PKD1, l’insuffisance rénale terminale se déclare vers 55 ans. Dans le cas de la PKD2, plutôt vers 70 ans.
Les kystes existent dès la naissance mais ne sont pas toujours visibles. Et même si on fait une échographie on peut ne pas les voir car ils sont tout petits. Toutefois, si à l’âge de 30 ans, la personne n’a pas de kyste, cela veut dire qu’elle ne déclarera pas la maladie. Et donc elle ne la transmettra pas. Dans la polykystose, il y a souvent une hypertension artérielle. Celle-ci doit impérativement être prise en charge. Souvent, les jeunes dans une famille à risque n’ont pas « envie de savoir ». On leur conseille quand même d’investiguer car cela permet de mieux les surveiller et donc de mieux prendre mieux en charge leur hypertension artérielle.
On connaît mieux le mécanisme d’apparition des kystes, si bien qu’il y a des voies thérapeutiques pour réduire la progression des kystes et l’évolution de l’insuffisance rénale. Les résultats sont pour l’heure assez modestes. Les personnes qui ont une insuffisance rénale persistante dans le temps doivent souvent être dialysés ou greffés.
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