La réhabilitation psychosociale a vocation à redonner espoir aux malades vivant avec des troubles psychiques. En complément d’un traitement médicamenteux, il s’agit de les aider à accéder à une vie plaisante et à retrouver leur place dans la société. Il s’agit d’une approche pratiquée par des thérapeutes, et qui porte son attention sur l’intégrité et sur les forces de l’individu plutôt que sur sa maladie. Plusieurs centres spécialisés ont essaimé…
Pertes de mémoire, difficultés à entrer en contact avec les autres, incapacité à vivre seul de manière autonome, problèmes pour trouver un logement et un travail… la liste des problèmes rencontrés pour retrouver une vraie vie après l’hospitalisation est parfois très longue. Il existe un dispositif apportant des solutions à cette nécessaire réinsertion des patients : la réhabilitation psychosociale. Elle part d’un postulat simple : toute personne souffrant d’une maladie psychique lourde est capable d’évoluer vers un projet de vie choisi. Il suffit de lui en donner les moyens.
Se centrer sur les besoins de la personne
La réhabilitation psychosociale s’adresse à celles et ceux qui souffrent de schizophrénie, de bipolarité, d’autisme (sans déficience intellectuelle) ou de dépression sévère et qui sont stabilisés grâce aux médicaments. Ce dispositif ne vise pas la guérison (prononcée par le personnel médical quand les symptômes de la maladie ont disparu), mais le rétablissement (défini par le patient lui-même, cet état signifie qu’il est capable de faire face aux défis du quotidien malgré sa maladie).
Professeur de psychiatrie au Centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, Nicolas Franck a créé un Centre ressource de réhabilitation psychosociale. Sur le site du collectif Schizophrénies, il explique que « seules 13,5 % des personnes avec des troubles mentaux se rétablissent. Nous avons donc une marge d’amélioration considérable ». À ses yeux, il est donc essentiel d’aider le patient à se concentrer pour tenir une conversation, à être attentif pour se repérer dans la ville, à avoir suffisamment de mémoire pour retenir les consignes de son patron sur son lieu de travail… Cette discipline ne se centre pas sur la maladie, mais sur les besoins de la personne. Et ça change tout !
Un changement de paradigme dans la prise en charge des malades
Devenir acteur de sa vie, c’est donc le but de la réhabilitation psychosociale proposée au malade. Dans ce dispositif, il n’y a pas d’un côté les professionnels censés tout savoir et de l’autre les malades incapables de quoi que ce soit. Ici, le soignant est invité à considérer le patient comme « compétent » pour construire son projet de vie, en dépit de la maladie. En bref, pour retrouver sa capacité d’agir. Finie la stigmatisation dans « la case malade » tout le monde se parle d’égal à égal.
En santé mentale, on a trop tendance à infantiliser le malade. Même si, au départ, la maladie pousse à cela, il faut tout faire pour lui redonner une part de contrôle et d’action. C’est une condition indispensable pour qu’il accède enfin à une vie meilleure.
La réhabilitation psychosociale est donc une approche positive et constructive qui contribue à un renforcement de l’estime de soi. Un bilan multidimensionnel permet de définir concrètement les aides dont a besoin le malade en termes cognitifs, de gestion du quotidien et d’autonomie. Plusieurs professionnels participent à cette évaluation : psychiatres, neuropsychologues, psychologues, infirmiers, chargés d’insertion, ergothérapeutes, etc. Ce bilan se fait sur trois phases au minimum : un entretien médical, un bilan neuropsychologique et une évaluation fonctionnelle. En sortant de l’hôpital, il faut aider le patient à se reconnecter à lui-même et à sa singularité. Ce bilan lui est ensuite présenté. C’est à partir de là qu’est coconstruit son plan de rétablissement.
Un processus qui concerne tous les domaines de la vie
Une fois que le projet de vie est établi, différents outils sont mis en place pour y accéder.
Des thérapies cognitives viennent pallier les difficultés de mémoire, d’attention, de lenteur de traitement des informations, de confiance en soi, etc. L’éducation thérapeutique aide le patient à mieux comprendre sa maladie, les symptômes qu’il ressent et les médicaments qui lui sont prescrits. Des ateliers permettent de renforcer son autonomie pour qu’il puisse vivre seul, d’autres l’aident à mieux gérer ses interactions sociales. Des coachs à l’emploi contribuent à établir avec lui son projet de réinsertion professionnelle, d’autres encore lui apprennent à surmonter les méandres de la gestion administrative de sa vie ainsi que ceux liés à la recherche d’un appartement. Des ateliers d’art thérapie et d’expression écrite permettent à la personne d’exprimer et donc de mieux évacuer ses angoisses. Si nécessaire, elle peut bénéficier de cours d’éducation sportive en accord avec sa forme physique.
La famille et les proches sont également accompagnés dans ce processus. Non seulement pour les aider à surmonter les moments difficiles qu’ils vont traverser avec le malade, mais aussi pour leur apprendre à ne pas décider à sa place, mais au contraire à lui laisser l’autonomie à laquelle il a le droit. Tous les domaines de la vie du malade sont pris en compte. Le but de cet accompagnement est de l’aider à se construire une vie qui lui convient, faire en sorte qu’il soit vu comme un citoyen dans la société et pas seulement comme un malade mental. De nombreuses études scientifiques sont venues prouver l’importance de ces prises en charge dans l’amélioration de l’état de santé des personnes souffrant de maladies psychiques.
L’impact de la pandémie
Le développement des centres de réhabilitation psychosocial a du sens alors que la pandémie de Covid 19 a eu un impact important sur la santé mentale des Français. Les centres de réhabilitation psychosociale sont des structures extra hospitalières qui fonctionnent comme des hôpitaux de jour. Il en existe une centaine répartie en France, un chiffre bien inférieur aux besoins. L’équipe thérapeutique est pluridisciplinaire : médecin, psychiatre, psychologue, ergothérapeute, infirmier, pair aidant, coachs, travailleurs sociaux… Chaque centre met en place son propre réseau d’intervenants. Un coordinateur veille à ce que le projet élaboré avec le patient reste l’objectif de tous. C’est lui qui est le plus proche du malade, il le soutient, lui donne des outils pour atteindre ses objectifs. Il fait le lien avec l’ensemble de l’équipe thérapeutique. Ces centres sont une nécessité dans notre monde ou la maladie mentale se développe. Un moyen de mettre fin à la stigmatisation de ces patients, de les aider à opérer des choix et à prendre leur place dans la société !
M-FR-00007077-1.0 – Établi en juillet 2022