Auteur et acteur français, cet homme bourré de talent est victime en 1996 d’un accident de voiture. Il devient alors tétraplégique. Il a raconté son histoire dans son roman autobiographique Cavalcade, traduit en plusieurs langues et porté à l’écran. Aujourd’hui chroniqueur sur France 2 et présentateur sur la chaîne numéro 23, il continue parallèlement ses projets d’écriture.
Je travaille avec un journaliste du Monde sur le thème du handicap. Je suis choqué de constater qu’il y a vraiment trop peu de dispositifs pour les personnes handicapées. Pourtant, en France, 15 millions de personnes sont en fauteuil.
Je constate que les jeunes débordent de vie et d’espoir. De manière générale, ils sont beaucoup plus positifs que les gens plus âgés. Ces derniers, même quand ils ont eu 50 ans de « super vie » derrière eux, ont tendance à être beaucoup moins combatifs. Je pense que c’est lié au fait que les gens détestent changer leurs habitudes et ont de grandes difficultés d’adaptation. A l’inverse, les jeunes ont le privilège de savoir mieux regarder vers l’avenir.
Il faut garder l’espérance. C’est essentiel. Certes, elle se fabrique difficilement et ne s’achète malheureusement pas chez l’épicier du coin. Néanmoins, mon conseil, c’est de « découper » les problématiques, pour les résoudre plus facilement les unes après les autres.
Une jeune femme m’a un jour sollicité car, alors qu’elle devait se marier, son fiancé s’est retrouvé dans le coma après un grave accident. Les premières questions qu’elle m’a posées portaient sur la sexualité. Je lui ai répondu qu’il ne fallait pas mettre la charrue avant les bœufs, ni aller plus vite que la musique. Non, au contraire, il faut prendre le temps du diagnostic, s’interroger sur le fait de savoir si l’appartement est bien équipé, se poser la question des aides auxquelles on peut prétendre, s’interroger sur la façon de réapprivoiser son corps… Il faut vraiment prendre le temps de vivre l’épreuve de manière chronologique et quasi « charnelle », en sachant que ça peut être long.
Comme l’expliquait feu la psychiatre Elizabeth Kübler-Ross, psychologue et spécialiste du comportement, il y a cinq étapes dans un drame : le déni, la colère, le marchandage, la dépression puis l’acceptation. Il est naturel de passer par ces étapes, donc, encore une fois, on ne va pas nécessairement tout de suite « de l’avant ».
Il faut être indulgent avec soi-même et faire preuve de compassion. Certes, tout cela est très lié à l’éducation, mais aussi au regard que l’on a sur soi. C’est important de ne pas rester seul, de trouver de bonnes oreilles ( psy, famille…) afin d’aller au fond de ce mal intellectuel, physique et métaphysique. Ensuite, il faut mettre tout en œuvre pour être heureux, sur le plan affectif mais aussi professionnel.
Il convient de s’interroger sur la façon de s’accomplir et de s’épanouir, malgré l’épreuve. Evidemment, dans les phases de négociations, il y a toujours une part de doute. Vous savez, dans la vie, il y a les choses que l’on décide et celles contre lesquelles on ne peut rien.
On a beau les considérer comme des « injustices », soyons conscients que ce qu’on contrôle est aussi important que ce qu’on ne contrôle pas. Dans cette destinée, on peut être amené à faire des rencontres qu’on n’aurait pas faites d’une autre façon. Attention, comprendre que le destin n’est pas toujours entre nos mains n’implique pas pour autant d’adopter une attitude résignée.
Bien sûr, chacun vit les choses de façon différente. Certains deviennent agressifs, d’autres totalement sidérés, d’autres enfin, prennent la fuite. Pour ma part, je considère que je n’ai pas changé. J’aime toujours autant les gens.
On a tendance à dire : « ce qui ne te tue pas te rend plus fort », ce sont des petites phrases assez insupportables.
C’est la raison pour laquelle dans Cavalcade, j’ai écrit de manière délibérément provocatrice « ce qui ne te tue pas te rend plus mort » car, bien sûr, la souffrance ne nous embellit pas. On peut néanmoins la sublimer, mais encore une fois, ça ne se fait pas sur un claquement de doigts.
Personnellement, cette épreuve m’a beaucoup endurci. Le fait de ne plus faire de musique était une forme de mort charismatique d’une partie de moi-même. J’ai acquis un tempérament de guerrier, si bien que je ne suis pas facile à déstabiliser. Par ailleurs, le handicap ou la maladie nous oblige à fixer des priorités. J’ajoute que le fait de souffrir au quotidien gomme toutes les « fausses douleurs ». Enfin, je m’énerve rarement car j’ai appris à prendre de la distance. Dans une certaine mesure, cela m’a rendu encore plus « philosophe ».
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