Maud est née avec une malformation cardiaque, il y a bientôt quarante ans. À une époque où il n’était pas possible de l’opérer. Elle raconte son parcours et comment elle a appris à croquer la vie avec sa maladie.
« Quelques jours après ma naissance, mes parents se sont inquiétés de certains signes : pâleur, lèvres et extrémités des doigts bleues, difficultés à respirer, à m’alimenter… Le médecin de famille ne me donnait pas plus d’un an à vivre ». C’était il y a un bientôt quarante ans et Maud a bien vécu sa vie depuis. Ses parents la conduiront quelques temps plus tard dans un hôpital parisien où le diagnostic est précisément établi. Elle souffre d’une bicuspidie valvulaire aortique[1], une malformation cardiaque congénitale fréquente, associée à une coarctation de l’aorte (un rétrécissement).
Aujourd’hui ce type de malformation peut-être décelée pendant la grossesse et opérée à la naissance ou dans les premiers mois de la vie, mais à l’époque il n’en était pas question ».
Les spécialistes préconisent alors un traitement médicamenteux, un régime sans sel et une surveillance serrée jusqu’à ce qu’elle puisse atteindre un âge raisonnable pour être opérée sans danger. « Ce qui signifiait en pratique une surveillance de tous les instants ». Au delà du choc que représente l’annonce de la maladie, c’est un véritable bouleversement dans la famille. Aucune crèche ou nounou ne peut prendre la responsabilité de s’occuper du nourrisson. La maman, responsable administrative, s’arrête de travailler, laissant au seul papa de Maud, comptable, la charge de subvenir aux besoins de la famille (qui compte deux autres enfants) et aux frais médicaux.
Il n’existait alors aucune aide financière pour ces pathologies et peu de structures de soutien, mais ma mère n’a jamais baissé les bras pour que j’ai la vie la plus « normale » possible ».
Vers l’âge de cinq ans, l’embellie survient lors d’un examen de contrôle : une partie des communications interventriculaires, qui faisaient la gravité de la maladie, se sont fermées spontanément. Ce qui fait disparaître la nécessité d’une lourde opération.
La difficulté de trouver un emploi adapté
Maud découvre avec bonheur l’école et la vie sociale, même si elle doit s’y adapter avec les freins que posent sa maladie : elle se fatigue vite, s’essouffle, doit faire des pauses. « Je n’ai jamais rencontré de problème avec mes camarades de classe, mais plus souvent avec les enseignants qui trouvaient difficile de gérer ma différence.
Entre ceux qui me privaient de récréation pour éviter tout risque et d’autres qui me poussaient à jouer dans la cour quand je sentais qu’il valait mieux que je reste au calme
s’amuse-t-elle. Maud touche aussi du doigt la difficulté, avec ses soucis de santé, de poursuivre de longues études et de choisir une filière professionnelle adaptée. Elle obtient un BEP tourisme, poursuit par une formation en secrétariat et effectue de nombreux stages. Mais elle peine à trouver du travail dans sa région natale. Qu’à cela ne tienne elle « monte » à Paris. Là, elle complète ses acquis par des formations d’anglais, espagnol, italien et informatique. Et finit par trouver un emploi « sur
mesure » dans le milieu associatif.
Je suis chargée de l’organisation événements, salons et présentations, un travail qui correspond précisément à mes compétences et à mes aspirations,
relève-t-elle, enthousiaste. Ce poste m’offre aussi suffisamment d’autonomie pour organiser mon temps. Quand je me sens trop affaiblie un matin, je décale mes activités et je rattrape le temps perdu le lendemain. C’est vrai que, quand je suis grippée ou que j’attrape un virus, je mets un peu plus de temps que les autres pour me retrouver sur pied mais je ne suis pratiquement jamais malade ».
Carpe diem : son crédo préféré
Le fait est que cette battante a une vie bien remplie. Sportive dès son plus jeune âge, elle dévalait les pistes en ski. Aujourd’hui, elle marche beaucoup, fait de la natation et intègre le club de supporters d’un club de rugby. «
J’ai toujours pratiqué tous les sports et les activités dont j’avais envie, tout en me préservant et en respectant les limites que m’impose ma maladie. J’adore nager et observer la faune et la flore marines. Comme la plongée sous-marine m’est déconseillée, je fais du snorkeling (masque et tuba) ».
Maud n’hésite pas non plus à prendre l’avion pour assouvir sa passion des voyages : Angleterre, Espagne, Tunisie… « Je prends mes précautions et mets des bas de contention pendant les longs trajets. Une fois par an, je dois faire une journée d’examen à l’hôpital. Pour le reste je ne sens pas le poids de ma maladie. Elle fait partie de ma vie ». Peut être qu’un jour se posera la question délicate d’avoir un enfant et des considérations médicales à prendre en compte. Mais, pour l’heure, Maud est une célibataire épanouie avec un seul crédo : carpe diem.
En France, chaque année, près de 6 500 à 8 000 enfants naissent avec une malformation cardiaque.
Celles-ci représentent la première cause de mortalité en période néonatale (durant le premier mois de vie). La plupart de ces malformations sont accessibles à un traitement chirurgical ou par cathétérisme interventionnel, parfois dès la naissance. Plus de 85 % d’entre eux atteindront l’âge adulte mais pour beaucoup ce problème de santé impacte sur la vie scolaire et le développement professionnel. Une enquête réalisée en 2012[2] au CHU de Toulouse révèle que seulement six patients sur dix ont obtenu le baccalauréat et un seul sur deux parvient à obtenir un emploi.
En parler à cœur ouvert
L’annonce d’un problème cardiaque chez un enfant se révèle souvent comme un bouleversement de toute la famille. Il est essentiel d’aider les parents à ne pas s’enfermer dans un sentiment de détresse ou de solitude, et à faire face pour accompagner leur enfant dans son parcours médical et dans sa vie. Parce que le handicap cardiaque reste un handicap « invisible » et ceux qui en souffrent ont souvent du mal à se faire entendre dans la vie de tous les jours, à l’école et, plus tard, dans le monde professionnel. C’est dans cette idée qu’est née l’Association nationale des cardiaques congénitaux (ANCC), avec pour objectif d’apporter aux malades cardiaques de naissance et à leur famille tout le soutien nécessaire dans leurs difficultés éventuelles, qu’elles soient d’ordre médical, administrative, social ou moral.
[1] La bicuspidie valvulaire aortique est une malformation congénitale relativement fréquente de l’appareil valvulaire aortique (valve aortique) qui n’est constitué que deux feuillets (ou cusps) fonctionnels au lieu de trois comme normalement.
[2] Par les docteurs Karsenty et Hascoët