Obésité sévère : vers une approche plus globale

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Obésité sévère : vers une approche plus globale

En France, 300 à 400 000 personnes sont concernées par ce qu’on appelle une « obésité sévère ». Le Dr Jocelyne Raison accompagne de puis plusieurs années des patients souffrant de cette pathologie.

Vous pratiquez depuis plusieurs années. Qu’est ce qui a le plus changé au niveau des méthodes ?

Ce qui a changé, ce ne sont pas tant les méthodes que mon approche. En effet, l’obésité n’est pas un symptôme, mais une pathologie multiple. Auparavant, on mettait les personnes sous restrictions sévères. Aujourd’hui, la prise en charge est à la fois globale, transversale et multi-professionnelle. Du médical au médico-social, nous avons élargi nos points de vue. Beaucoup de spécialistes sont sortis des « y’a qu’à », « faut qu’on »… pour essayer de construire un véritable projet de vie avec les patients, afin de savoir par quel bout commencer. En effet, il s’agit d’identifier les bons spécialistes et de définir les bonnes priorités en fonction des personnes.

En quoi consiste précisément votre offre?

Il s’agit de proposer de apprentissages successifs et d’accompagner les patients pour les aider à positiver leur parcours. Nous personnalisons l’offre en fonction des patients. Compte tenu de la relation très forte entre nos émotions et nos comportements alimentaires (l’impact de notre fatigue ou de notre anxiété sur notre façon de nous alimenter n’est plus à démontrer), nous proposons des ateliers spécifiques. Certains vont être plus concernés par la gestion du stress, d’autres par des ateliers sur l’estime de soi… Les personnes repartent avec les vidéos de leurs séquences d’atelier et avec les livres de recettes. Pour certaines personnes, nous suggérons un accompagnement psychologique, pour d’autres, on est davantage dans du psycho-comportemental. Ainsi, il n’est pas rare que des personnes soient accompagnées par plusieurs spécialistes en même temps.

Les patients adhèrent-ils tous facilement à votre approche ?

Oui, globalement, l’accueil est positif, d’autant que c’est l’occasion d’échanger avec d’autres personnes qui vivent les mêmes situations. Dans une certaine mesure, cela favorise le lien social. Quand ils viennent nous voir, ils ont parfaitement conscience qu’ils ne font pas toujours comme il faudrait, mais ont du mal à insérer les modifications souhaitables. Notre approche est moins culpabilisante qu’un régime très restrictif, néanmoins tout le monde n’est pas prêt à entrer dans cette dynamique. Il convient d’attendre le bon moment pour que les personnes soient prêtes à se poser les bonnes questions.

C’est quoi, précisément, les bonnes questions ?

Il s’agit de se poser sur soi même pour comprendre ce qui s’est passé, et qui a contribué à cette prise de poids. C’est en quelque sorte un bilan sur soi. L’objectif est de faire en sorte que le patient soit beaucoup plus impliqué. Si, il y a 10 ans, on l’incitait à mettre telle ou telle quantité souhaitable de matière grasse, maintenant on le laisse réfléchir à la conception de son repas. Il est beaucoup plus acteur que par le passé.

Quels résultats observez-vous ?

Les soignants accompagnent les personnes pour les aider à être mieux dans leur peau, et de ce point de vue là, les résultats sont positifs. Bien sûr, les patients perdent du poids, mais il ne faut pas s’attendre à des résultats exceptionnels. En revanche, elles sont sûres qu’avec nous, elles seront en bonne santé psychologique et sociale.

Etes-vous opposée aux techniques chirurgicales de type anneau, bypass… ?

Non, mais mais pour moi, c’est quand on est au bout du rouleau, que l’on a tt essayé et que le tissu adipeux est devenu trop résistant à l’activité physique. On parle alors d’insulino-résistance sévère. Les personnes ont l’impression de tout bien faire, elles mangent peu et font du sport, et pourtant, ne perdent pas un gramme. Cette obésité chronicisée entraîne des souffrances, liées en partie aux discriminations. Dans ces cas précis, une intervention chirurgicale peut être pertinente, mais à condition que ce soit le bon moment et pour la bonne personne. On constate que de plus en plus de jeunes adolescents pèsent plus de 150 kg, et sont complètement enfermés dans leurs problèmes de poids. De plus, certaines personnes sont prédisposées à souffrir d’obésité sévère, en fonction de leurs profils génétiques et métaboliques. Il y a donc certains cas où cela peut se justifier, mais souvent, il y a des alternatives préférables.

 

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