Pathologies cardiovasculaires : les femmes au cœur d’un enjeu de santé publique

Pathologies cardiovasculaires : les femmes au cœur d’un enjeu de santé publique

Prise en charge retardée, réadaptation négligée, défaut d’information et de sensibilisation, augmentation des comportements à risques… Autant de facteurs spécifiques aux femmes qui placent ces dernières en situation de fragilité prononcée face aux maladies cardiovasculaires. Elles sont ainsi 200 à mourir chaque jour en France suite à un accident cardiovasculaire. Mais, paradoxalement, elles apparaissent comme « les grandes oubliées des maladies cardiovasculaires » selon la Fédération française de cardiologie. L’illustration concrète qu’en matière de santé, les femmes sont plus que jamais victimes de nombreuses inégalités, même si, elles vivent en moyenne plus longtemps que les hommes.

Douleur thoracique qui se diffuse le long de son bras gauche, sueurs, souffle coupé…
Ce 18 septembre 2019, Nathalie, 51 ans, présente tous les symptômes d’un infarctus. D’ailleurs, elle est en train d’en faire un. Pourtant, elle n’a qu’une idée en tête : préparer la soirée d’anniversaire de son fils qui fête ses 18 ans. Résultat : ce n’est qu’une heure trente après les premiers signes que son mari – inquiet de voir sa femme assise immobile au milieu des ballons et des banderoles – se résoudra à appeler les pompiers. Une heure trente… Pas de quoi surprendre le Dr Catherine Monpère. « Nathalie n’est malheureusement pas un cas isolé. Cette prise en charge non-optimale en phase aigüe de la maladie fait partie des spécificités relatives au risque vasculaire aggravé chez les femmes », explique la cardiologue, membre de la Fédération française de cardiologie (FFC). Car à y regarder de plus près, les femmes ne prennent pas assez au sérieux cette pathologie. Pour preuve, au sein de la FFC, une commission baptisée « Cœur de femmes » leur est dédiée. Catherine Monpère en assure la co-présidence avec Loan Vo Dy, représentante des usagers. « Cette commission a été créée car les femmes le valent bien », ironise-t-elle. Et d’ajouter : « Il faut avoir en tête, que les maladies cardio-vasculaires constituent, chez les femmes, la première cause de décès devant les cancers. Une réalité relativement ignorée de la population, y compris les femmes. »
Cette méconnaissance est problématique d’autant plus que les maladies cardiovasculaires, leur prévention, leur prise en charge ou encore leur médiatisation auprès du grand public, représentent un enjeu de santé publique. »

Seulement 1 femme sur 5 en réadaptation après infarctus

Plusieurs raisons, présentées sous forme de facteurs de risque « spécifiques aux femmes », sont régulièrement avancées pour expliquer cette situation.
En premier lieu, des modifications délétères du style de vie chez la population féminine. Notamment une alimentation peu équilibrée, une sédentarité croissante favorisant le surpoids et la survenue de diabète et une augmentation significative de la consommation de tabac ces dernières décennies. Ajoutez-y une désinformation chronique sur la particularité des facteurs de risque au féminin, une prise en charge non-optimale de la maladie en phase aigüe avec des retards d’hospitalisation, et des retours à domicile prématurés sans réel processus de réadaptation préventive et corrective. « Cette combinaison de facteurs de risques expliquent l’augmentation inquiétante du nombre d’hospitalisations pour infarctus chez les femmes », conclut la professionnelle de santé, spécialiste de la prévention et de la réadaptation dans le cadre des maladies cardiovasculaires. Mais la liste des « responsables » ne s’arrête pas là. Il faut aussi regarder du côté des pouvoirs publics. Ces derniers n’ont assurément pas mesuré la gravité de ces maladies, en comparaison avec les cancers par exemple qui bénéficient, depuis plusieurs années, d’un plan national et pluriannuel d’actions. Autres acteurs pointés du doigt : les professionnels de santé eux-mêmes. « La formation continue ne met pas assez, voire pas du tout en lumière cette problématique chez les femmes. Pourtant cela permettrait de sensibiliser les jeunes médecins. Certains, animés parfois de simples préjugés notamment liés à l’âge des femmes, négligent la phase de la réadaptation cardiovasculaire qui serait tellement bénéfique aux patientes. Ils ne les adressent pas en réadaptation cardiaque alors qu’ils le font pour les hommes. De fait, une inégalité sanitaire se crée entre les deux sexes », conclut la cardiologue. Résultat : seulement une femme sur cinq bénéficie d’un temps de réadaptation après infarctus.

Réadaptation cardiaque : les femmes dangereusement absentes…

La logique de réadaptation cardiaque est, sans aucun doute, essentielle. Surtout si on sait que la réadaptation permet de réduire de 25 % le risque de décès par infarctus. Et encore plus si on part du principe que les jeunes femmes qui font un infarctus à moins de 54 ans – profil en augmentation ces dernières années intègrent de fait le cercle des personnes atteintes d’une maladie chronique et en situation de fragilité. Un constat dommageable « lorsque l’on sait que la correction de 9 facteurs de risque dits modifiables permettent d’éviter plus de 80 % des infarctus », comme aime à le répéter le Dr Catherine Monpère. Mais les patientes le veulent-elles vraiment ? La question se pose puisque certains professionnels de santé notent des barrières comportementales à la réadaptation cardiaque. Ainsi, les femmes déclineraient les propositions de réadaptation parce qu’elles se sentent mieux, parce qu’elles ne subissent pas toujours un accompagnement familial pour se faire suivre, et surtout parce qu’elles ont d’autres priorités comme s’occuper de leurs enfants, parfois de leurs parents. Ou encore réassumer au plus vite leurs responsabilités professionnelles de peur d’être reléguées au second plan. Sans parler d’une certaine appréhension devant l’activité physique étroitement associée à la réadaptation, surtout quand le temps alloué au sport est réduit. « C’est une grave erreur car justement la réadaptation, par définition, est adaptée à leurs conditions physiques et de vie », précise Catherine Monpère. Quoi qu’il en soit, toutes ces barrières sont sources de refus.

La Fédération française de cardiologie en chef de file de la sensibilisation

Heureusement, progressivement, le travail de pédagogie et de sensibilisation auprès des professionnels de santé et du grand public paie. Le regard porté sur cet enjeu de santé publique évolue. Bien aidé il est vrai par les multiples actions menées par la FFC pour alerter sur les particularités des maladies cardiovasculaires chez les femmes, à toutes les étapes de leur vie (puberté, grossesse, ménopause) tant pour les femmes en bonne santé (prévention primaire) que pour celles déjà touchées par une maladie cardiovasculaire (prévention secondaire). Des actions menées via la commission Cœur de Femmes avec la production d’une riche documentation sur le sujet (ex. brochure sur les risques des maladies cardiovasculaires spécifiques à la femme) ; la réalisation d’enquêtes thématiques, la participation aux congrès médicaux et aux manifestations grand public ; l’information diffusée par les 269 clubs Cœur et santé de la FFC ; les campagnes de communication auprès des médias ; l’élaboration d’un programme d’Éducation Thérapeutique « pour les femmes » en partenariat avec la Commission « éducation thérapeutique du patient » (ETP) de la Société Française de Cardiologie.

La recherche n’est pas en reste.

Progressivement, les études intègrent les spécificités féminines et tendent à respecter le principe de parité, tant dans les populations étudiées que dans la conduite des études. Pendant longtemps, les chercheurs ont travaillé essentiellement sur des standards masculins. Il était étrange de constater, à la lecture des publications de recherche, que 8 fois sur 10, un homme portait les travaux et s’appuyait sur une population essentiellement masculine de patients. » « À l’inverse, quand une femme dirige les travaux, et c’est d’ailleurs, de plus en plus fréquents depuis ces cinq dernières années, la parité est de mise », s’amuse la cardiologue. Parmi les travaux de recherche soutenus par la FFC, on citera :

  • l’étude E3N Cardiovasculaire pour mieux comprendre les facteurs de risque des pathologies cardiovasculaires de la femme (AVC, évènements coronariens sévères etc.), incluant les aspects spécifiques, notamment hormonaux pour construire premier score de risque vasculaire dédié aux femmes. Cette étude concerne le suivi d’une cohorte de 98 995 femmes (âgées entre 40 et 65 ans en 1990) issues de l’enseignement et suivies sur plusieurs générations.
  • l’étude WAMIF, étude prospective de l’infarctus de la femme jeune, pour analyser les caractéristiques cliniques, morphologiques et biologiques des cas d’infarctus du myocarde touchant 316 femmes de moins de 50 ans. Les résultats de cette étude ont démontré que les caractères hormonaux étaient des marqueurs de risque, près d’un tiers avait connu des grossesses pathologiques (diabète, hypertension, accouchement prématuré). » « Par ailleurs 75 % de ces femmes sont des fumeuses. Ceci explique pourquoi nous avons noué un partenariat avec l’Alliance contre le Tabac pour une prévention spécifique du tabagisme féminin selon les différentes tranches d’âge », informe l’experte.

Bon à savoir

La Fédération française de cardiologie a développé sur son site Internet un évaluation en ligne en quelques minutes du risque d’événement cardiovasculaire. Il suffit de cliquer sur le bouton « Je me teste » accessible en homepage du site. À noter que le processus d’évaluation a été actualisé avec des données féminines.

Sources

https://www.fedecardio.org/
https://www.agirpourlecoeurdesfemmes.com/

M-FR-00009860-1.0 – Établi en octobre 2023