Patients chroniques : un nécessaire suivi psychologique ? 1/2

Patients chroniques : un nécessaire suivi psychologique ? 1/2

Wladi Mamane, Psychiatre et Psychothérapeute, est directeur Médical du CAPP (Centre d’Adaptation Psycho-Pédagogique) Gaston Tessier dans le XIXème arrondissement de Paris, où il reçoit des enfants et des adolescents. Parallèlement, dans sa pratique privée, il suit aussi des adultes. Il explique l’importance de l’accompagnement d’un patient porteur d’une maladie chronique.

Un malade chronique doit-il consulter un psychologue ?

Rappelons d’abord qu’en médecine, une affection est dite chronique si elle persiste dans le temps (généralement au-delà de six mois) ou si son mécanisme naturel (hors traitement) expose à des récidives fréquentes sur une longue période. L’assurance maladie reconnaît trente affections longue durée (ALD) qui ouvrent droit à une prise en charge spécifique, parmi lesquelles on retrouve le diabète, les accident vasculaires cérébraux invalidant, certaines maladies de système (lupus, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn…), des scolioses, les cancers, des maladies psychiatriques…

Une maladie chronique peut accompagner un patient depuis toujours et être une part de sa vie, complètement intégrée à ses représentations du monde et de lui-même, elle peut tout aussi bien apparaître brutalement chez un sujet jusque-là sain ou du moins, le croyant. Les conséquences psychologiques ne sont évidemment pas les mêmes suivant le moment et la façon dont cette maladie entre dans la vie du patient.

Ces patients doivent se voir proposer un soutien psychologique, mais ce n’est pas une obligation pour le patient de consulter. En effet, ce soutien ne peut fonctionner que si le sujet accepte la démarche, s’il elle répond à une demande de sa part ou un besoin qu’il ressent.

Recommandez-vous un suivi de ce type ? et pourquoi ?

Un tel suivi est préconisé dans toutes les affections chroniques, et on enseigne à la faculté de médecine que les patients concernés doivent systématiquement se voir proposer un accompagnement psychologique. Il semble que ce ne soit pas toujours le cas mais les grands centres de référence spécialisés dans des maladies chroniques telles que le diabète, le cancer ou la mucoviscidose le proposent systématiquement.

Ces maladies peuvent être graves, ou faire courir le risque de complications. Leur traitement comporte souvent, en plus des médicaments, un ensemble de règles hygiéno-diététiques, des examens de contrôle, parfois une vraie formation à une auto-surveillance voire une automédication (les diabétiques insulinodépendants savent mesurer leur glycémie et adapter les doses de l’insuline qu’ils s’injectent).
Toutes ces mesures visent à hâter la guérison ou à ralentir le processus pathologique, à prévenir les complications ou encore améliorer la qualité de vie du patient.

La participation du patient est donc indispensable, on parle d’ « alliance thérapeutique » dont la qualité va améliorer les résultats de tous les traitements. Elle dépend beaucoup de la relation médecin\malade mais aussi plus largement du rapport que le patient entretient avec « sa » maladie…

Certains patients refusent la maladie et tentent de continuer leur vie de la même manière mais cela n’empêche pas les dégradations de se produire. Elles peuvent être irréversibles et peser sur le pronostic (chances de guérison, de diminution temporaire ou définitive de fonctions, chances de survie…).

Quel doit être le sens de ce soutien psychologique ?

Chacun de nous a ses propres représentations de lui-même et du monde. Il ne s’agit pas de ce que nous sommes réellement mais plutôt de ce que nous croyons être ou de la place que nous croyons occuper auprès des nôtres et des autres. Si elles ne recouvrent pas la réalité objective (certaines personnes sont sincèrement convaincues d’être idiotes ou moches alors que tous les autres voient le contraire), ces représentations n’en constituent pas moins notre univers, c’est à partir d’elles que nous donnons un sens à ce que nous vivons.

Pour tous ceux qui rencontrent une maladie chronique au cours de leur existence, le bouleversement de ces représentations, c’est-à-dire de ce qu’ils ressentent de leur rapport à eux même et aux autres, constitue au minimum un petit choc psychologique qui peut aller jusqu’à un réel traumatisme. Tout dépend, bien entendu de l’histoire du sujet, avant la maladie, et de l’histoire de sa maladie. Souvent, notre vision de nous-même est un fragile empilement de croyances en relation plus ou moins étroite avec notre réalité (celle communément perçue par les autres), un tel bouleversement peu rapidement menacer l’édifice (le moi) de s’effondrer.

Rejeter cette mauvaise nouvelle, c’est humain, non ?

Il est assez classique, et parfaitement humain, en effet, d’avoir envie de la rejeter. L’annonce du diagnostic et de ses conséquences va bouleverser, au moins en partie, le monde du sujet. Il faut donc l’accompagner et l’aider à affronter ce véritable deuil de sa vie d’avant. Un patient soutenu pourra par ailleurs éviter un déni trop massif et dommageable : le patient refusant la maladie manquera ses consultations et examens de contrôle, prendra mal ou pas ses médicaments, ne suivra pas son régime…

Une partie du suivi psychologique doit donc permettre au patient d’accepter la nouvelle donne et le changement qu’elle implique dans sa réalité (séquelles, handicap physique ou fonctionnel…) et dans ses représentations de cette réalité. Pour le dire plus simplement il lui faudra avant tout « avaler la pilule » et assumer son nouvel état, sans y perdre ses « raisons de vivre » ou d’avancer. Il s’agit de soutenir le patient dans son travail de deuil.

Enfin, ce suivi devrait permettre de prévenir l’apparition ou l’installation d’une réelle dépression. Elle peut être la conséquence de l’entrée dans la maladie mais aussi en être une complication. Les patients déprimés prennent moins soin d’eux, suivent moins bien leurs traitements, sont moins sensibles à l’effet placébo (ils ne croient plus en rien), ont des défenses immunitaires plus faibles…

Dans tous les cas, une dépression doit être rapidement reconnue et traitée (suivi psychothérapique et médication si nécessaire) car elle aggrave toutes les affections.

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