Famille & Aidants

Patients partenaires : quand l’expérience se transforme en expertise

Intégrer les patients aux décisions médicales, c’est le souhait des équipes de l’Hôpital national des 15/20 à Paris (spécialisé en ophtalmologie). Des patients partenaires ont donc été formés et sont désormais employés en tant que consultants. Zoom sur une initiative riche de sens…

« Dans le cadre de notre projet d’établissement, nous avons souhaité placer toujours plus les usagers au cœur de nos réflexions en recherchant systématiquement une amélioration de leur expérience. Cela supposait de les impliquer davantage. Nous avons donc construit et mis en œuvre un projet pour former ces patients partenaires », explique Yannick Le Berre, Directeur opérationnel des parcours et de la qualité au sein de cet établissement. En effet, nul ne peut parler de la maladie aussi bien que les patients, car ils en font l’expérience chaque jour. « Les patients partenaires peuvent témoigner de leur handicap visuel qui leur a permis d’acquérir des connaissances fines. Ils savent parler de leur quotidien et de leur vécu, qu’il s’agisse des traitements, du parcours de soins, des outils de compensation… Cette expérience peut bénéficier à d’autres patients, mais aussi aux professionnels de santé et aux décideurs », ajoute-t-il.

Formés par l’Université des patients…

Dans un premier temps, il a fallu les identifier. Au total, 7 patients partenaires âgés de 31 à 83 ans participent à cette première « promotion ». Chantal et Françoise pour le Centre de la rétine. Liliana et Léo pour le Centre du glaucome. Isabelle, Céline et Arthur pour le Centre des maladies rares. Trois d’entre eux sont encore actifs : Arthur travaille en lien avec le Ministère des solidarités et du handicap. Léo est écrivain, et Céline est consultante en marketing. « Tous ont été formés par l’Université des patients et les professionnels des 15-20. Puis leur activité de consultants a démarré », observe Yannick Le Berre. Parmi eux, trois réaliseront des interventions rémunérées. Les autres ont fait le choix d’intervenir à titre bénévole. L’occasion de « sublimer » leur handicap en se rendant utile, et (parfois) en dégageant des revenus. C’est une façon de donner du sens à ce qui leur arrive mais aussi de leur permettre d’acquérir un vrai statut à part entière. On les sollicite de plus en plus, que ce soit pour nos journées institutionnelles, pour l’éducation thérapeutique ou différents projets pour lesquels on a besoin d’avoir leur avis »,détaille Yannick Le Berre, très heureux de pouvoir mobiliser l’expérience de ces patients partenaires pour la transformer en expertise au service de la collectivité.

… ils contribuent à développer les services

« Récemment, nous avons créé l’Institut de réadaptation visuelle Saint-Louis pour la réadaptation des patients en basse vision. Nous avons souhaité intégrer le plus tôt possible des patients dans la réflexion, afin d’éviter de penser à leur place. Dans les situations de handicap, j’ai conscience de ne pas être le mieux placé pour bien comprendre les besoins des patients en termes de parcours, de guidage, d’orientation… », analyse Yannick Le Berre. C’est pourquoi des patients ont participé à des ateliers avec des designers pour penser les textures sur les murs, les éclairages et l’environnement sensoriel de chaque zone du futur centre. Par ailleurs, deux programmes d’éducation thérapeutique (un sur le glaucome, l’autre sur les Rétinites Pigmentaires) sont en train de voir le jour, grâce là aussi aux conseils des patients partenaires.

Améliorer qualité de vie et parcours de soin

Cette première promotion de patients partenaires a vocation, en concertation avec les équipes médicales, à accompagner le parcours de soins, mais aussi à faire en sorte que les patients puissent vivre le mieux possible avec leur handicap visuel. « Animation de permanences, entretiens avec d’autres patients, ateliers de co-construction … nos missions sont variées. Nous intervenons en amont pour préparer l’intervention, mais aussi au moment de la consultation pour un accompagnement des patients, ou encore après le rendez-vous avec le médecin pour échanger avec eux sur leur ressenti et répondre à leurs questions », explique Céline Rosé. Selon elle, les retours des patients sont très positifs : ils sont agréablement surpris par cette offre. Nous avons beaucoup de remerciements car ils se sentent écoutés et soutenus et nous disent souvent c’est mon jour de chance de vous rencontrer ». Les échanges portent aussi bien sur le vécu de la maladie (la peur de son évolution, la difficile acceptation, le sentiment d’impuissance, la perte progressive d’autonomie, la peur de l’intervention chirurgicale, l’application des collyres, l’errance de diagnostic…), que sur les conséquences du handicap (la difficulté à vivre seul, les problèmes de lecture, les difficultés de déplacements, la nécessité permanente de s’adapter pour garder son autonomie, les freins à utiliser les outils de compensation…) ou encore sur la dimension socio-professionnelle (notamment les difficultés de reconnaissance du handicap, l’isolement…).

Une offre plébiscitée par les patients

« Atteinte d’une DMLA, je suis arrivé au centre de la rétine pour subir pour la première fois une injection intravitréenne », raconte Mathilde, qui appréhendait terriblement cette injection dans l’orbite, destinée à limiter l’évolution de la maladie. C’était pour moi très anxiogène, mais cela m’a rassuré, dans la salle d’attente, de pouvoir échanger avec un patient partenaire. Je me suis sentie un peu moins stressée », confesse-t-elle.Les patients partenaires apportent en effet un soutien complémentaire en matière d’accompagnement. À terme, de nouvelles promotions de patients partenaires devraient voir le jour. Certains patients ont déjà manifesté leur intérêt, en faisant valoir que leur expérience pourrait être valorisée en expertise.

M-FR-00013305-1.0 – Établi en février 2025

Bertrand Waroude

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