Atteinte de Polyarthrite Rhumatoïde, Barbara a mis 10 ans à en parler à son employeur. Si c’était à refaire, elle ne referait pas la même erreur. Cette annonce lui a en réalité facilité la vie. Elle témoigne…
Quand elle est rentrée dans l’agence bancaire pour laquelle elle travaille encore aujourd’hui, Barbara était déjà concernée par la maladie.
Lors de mon entretien d’embauche, j’ai rencontré différentes personnes, notamment la directrice des ressources humaines et mon patron. Ils m’ont tendu la perche pour savoir si j’avais des contraintes justifiant des adaptations. Je n’ai rien voulu mentionner, de peur que ma candidature ne soit pas retenue. Mais aussi par fierté et par discrétion », raconte-t-elle.
La politique de l’autruche…
Barbara a 44 ans à l’époque, et le diagnostic venait tout juste de tomber. Pendant des années, elle va faire « l’autruche ». Une pâleur liée à un mauvais sommeil ? Un coup de blush et on n’en parlait plus. Des difficultés à marcher ? La faute à un faux mouvement en faisant les courses.
Régulièrement, je n’étais vraiment pas en état de venir. Je faisais croire que j’avais attrapé un rhume et que j’étais clouée au lit. Quand c’était moins crédible par temps chaud, je prétextais un torticolis », évoque-t-elle.
Et d’ajouter : « au fil du temps, porter un classeur devenait compliqué. Mes articulations se rappelaient à mon bon souvenir toute la journée, mais je souffrais en silence. J’étais consciente qu’en avouant ce que je vivais vraiment, j’aurais pu bénéficier d’aménagements. Peut-être même d’un reclassement professionnel, mais je n’osais pas parler, surtout après avoir été discrète si longtemps, par peur de ne pas être comprise, et pire encore , licenciée ». Le matin, Barbara avait pris l’habitude de mettre son alarme très tôt, pour laisser le temps à son corps de se dérouiller. « Au réveil, mes articulations sont raides et douloureuses. Il leur faut au moins une heure pour dégonfler. J’ai pris l’habitude de m’habiller avec des vêtements amples, faciles à enfiler, et des chaussures sans lacets », détaille-t-elle. Autre réflexe de survie : régler au maximum les problèmes par téléphone : « taper sur un clavier n’est pas aisé pour moi. J’y parviens plus ou moins bien selon les jours. En revanche, parler n’est absolument pas un problème. J’ai donc toujours tenté de gérer les différents sujets à l’oral plus que par l’écrit, bien que consciente de l’importance de laisser des traces ».
… mais des déboires de plus en plus fréquents…
Au fil des années, sa polyarthrite rhumatoïde a évolué, rendant les alibis plus difficiles. Un jour, une de ses collègues s’est aperçue que les boutons de son pull s’étaient détachés. « Seul hic : ils étaient dans son dos. Elle m’a donc demandé de l’aider, mais c’est tombé un jour où je ne pouvais rien faire avec mes doigts. J’ai botté en touche, faisant semblant de me souvenir que je devais filer voir la responsable de la comptabilité, et l’enjoignant à demander à quelqu’un d’autre, avec la peur d’être démasquée. C’est passé pour cette fois », se souvient Barbara. Autre mésaventure bien plus grave : son patron lui a demandé de rédiger un mail en urgence pour finaliser un contrat. De la même façon, cette journée-là, elle se sentait inopérante, en tout cas du point de vue articulaire. « Je lui ai promis de m’en occuper. Je suis allée aux toilettes, où j’ai laissé un message vocal à ma sœur, qui est au passage ma meilleure amie, pour lui dicter un texte à m’envoyer au plus vite sur mon mail personnel. Je suis parvenue à faire un copier-coller dans les temps, mais cette expérience a été un déclic », raconte-t-elle. Dans les jours qui ont suivi, elle a vécu une poussée. La seconde de sa vie et un souvenir pénible. À partir de ce moment-là, Barbara a su qu’elle ne pourrait pas continuer longtemps à jouer la carte de la dissimulation.
… jusqu’à l’aveu salutaire
« J’ai pris rendez-vous avec mon boss, et j’ai tout balancé ; se souvient-elle, le sourire aux lèvres. Il a eu l’air très surpris, mais il se trouve qu’il avait une tante, concernée par cette même maladie. De ce fait, il était conscient des limites auxquelles sont confrontés les patients. Il m’a d’ailleurs dit qu’il était assez admiratif de ce que j’avais réussi à entreprendre, malgré les douleurs, la fatigue et les raideurs ». Par la suite, Barbara a pu bénéficier, grâce à l’appui des services RH, de différentes adaptations, à commencer par un poste de travail plus ergonomique, avec une nouvelle souris et un fauteuil à roulettes inclinable.
Pour écrire certains documents, je pouvais bénéficier quelques heures par semaine de l’aide d’une assistante de direction. Le matin, j’ai eu la possibilité d’arriver plus tard, ce qui m’a permis de dormir un peu plus longtemps, et d’arriver plus reposée. Nous sommes à présent en train d’envisager la mise en place d’un mi-temps thérapeutique », explique-t-elle.
Barbara s’est sentie immensément soulagée d’avoir parlé : « Il faut dire que j’ai eu beaucoup de chance d’avoir été entendue. J’ai trouvé mes interlocuteurs très bienveillants, même s’ils n’ont pas compris que je ne me sois pas confiée plus tôt. Si c’était à refaire, j’en parlerai tout de suite », conclut Barbara.
M-FR-00011612-1.0 – Établi en mai 2024