Nous vous proposons aujourd’hui de retrouver la dernière chronique de l’anthropologue Laurent Marty, qui a cherché à comprendre comment la schizophrénie est vécue de nos jours.

Ils sont neuf parents à avoir accepté de participer à cet entretien de groupe. On démarre par un tour de table, où chacun se présente rapidement. Le père d’un jeune homme commence à parler de son fils, … et il ne s’arrête plus ! Il y a un immense besoin de raconter ce qu’on vit. Chaque famille va présenter tour à tour son histoire, ensuite il y aura un temps de discussion, intense et riche. Il se produit toujours quelque chose d’émouvant dans ces moments où l’on partage des morceaux d’existence. Des personnes qui vivent chacune une histoire difficile à exprimer se trouvent rassemblées par l’épreuve ; une communion primaire et essentielle se ranime le temps de la rencontre.

La première chose que j’entends, c’est cette sorte d’accablement qu’ils ont en commun. Cet accident de la vie qui traverse l’univers familial comme un cataclysme. Un choc, ça se lit sur les visages, ça s’entend au ton de la voix. On dit que les familles sont partie prenantes, là, pas besoin de grand discours: ces parents sont corps et âme dans l’épreuve que traverse leur enfant. Et en même temps ils sont activement impliqués dans la recherche des solutions à la maladie, même si c’est de manière parfois fragile et hésitante. Voilà la deuxième impression que je retiens de ces entretiens avec les familles: cette recherche, ce travail dans lequel ils sont.

Les proches tendent à être de plus en plus sollicités dans les processus de prises en charge, et il est probable que cela s’accentuera avec les contraintes financières croissantes que connaissent les systèmes de soin. Leur proximité avec la maladie les met en grandes difficultés. Les familles ont à prendre soin du patient et à prendre soin d’elles-mêmes (c’est vrai aussi pour les soignants), mais sans être préparées et organisées pour cela comme le sont les professionnels du soin.

Nous avons parlé dans un autre billet du caractère « sophistiqué » des réponses apportées à la schizophrénie : recherche et innovation, diversité thérapeutique en réponse à la complexité de la maladie, et capacité d’ajustements. Mais que veut dire « rechercher et innover » quand on est fragilisé au plus haut point ? La « diversité » des réponses est d’abord pour les parents un incompréhensible labyrinthe, et le caractère « bricolé » des ajustements n’est pas ce qui va les rassurer !

Les accompagnements de type coaching (éducation thérapeutique et entraînement accompagné) qui se développent actuellement pourraient être une réponse assez proche des besoins des familles; l’engagement de celles-ci peut être facilité s’il est porté par un « récit collectif » plus encourageant, porteur d’espoir, comme celui qui existe maintenant autour des cancers, des maladies cardio-vasculaires et de certaines « maladies orphelines ».

Vous pouvez dès à présent télécharger le livre de Laurent Marty « Histoires de patients atteints de schizophrénie » (Convergence Edition) le site EdiPsy

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